Prophétie : véritable aperçu de l’avenir ou simple effet placebo ?

La prophétie, transmise par un être – qu’il soit prophète, devin ou simple humain – n’est autre qu’un message transcendant qui donne des indications sur les événements futurs. De tels messages sont l’apanage de la mythologie grecque, où les héros tragiques se voient confrontés à des destinées où leur libre-arbitre n’a pas sa place. Les prophéties restent aujourd’hui encore ancrées dans les récits de fiction les plus connus, qu’il s’agisse de la quête d’un célèbre sorcier ou du voyage d’un mutant pas tout à fait humain… De façon plus terre à terre, le sociologue américain Robert Merton a décrit au milieu du 20e siècle l’idée de prophétie autoréalisatrice, sorte d’effet placebo poussant les êtres à se conformer au message entendu. A l’heure où les météorologues nous annoncent chaque soir le temps qu’il fera le lendemain, où se situe la limite avec la prophétie ? D’ailleurs, cette science de la météo est-elle réellement plus fiable qu’une divination ?

La prophétie : un oiseau de mauvais augure

Dans les récits de fiction, l’usage d’une prophétie conduit bien souvent à un fil rouge à l’origine de multiples péripéties. Ainsi, le message transmis aux personnages principaux est alarmant. C’est de cette manière que Harry Potter se voit déclamé une prophétie à très court terme par sa professeure de divination Sibylle Trelawney, à la fin d’un examen : « ça se passera ce soir ! Le Seigneur des Ténèbres est là, solitaire, abandonné de ses amis. Pendant 12 ans, son serviteur a été enchaîné. Ce soir, avant minuit, le serviteur brisera ses chaînes et ira rejoindre son maître. Avec l’aide de son serviteur, le Seigneur des Ténèbres surgira à nouveau, plus puissant et plus terrible que jamais. Ce soir… avant minuit… le serviteur ira… rejoindre… son maître… » (Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban de J.K Rowling, 1999). Le serviteur en question n’étant autre que Peter Petigrew qui, après avoir trahi ses amis pour Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, s’est tapi dans l’ombre sous la forme d’un rat – celui de Ron, Croûtard.

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À une échelle encore supérieure, l’assertion prédite peut directement annoncer la fin du monde tel qu’on le connaît. C’est ce que dépeint l’elfe prophétesse Ithlinne dans la saga d’Andzej Sapkowski The Witcher (1986-2013) : « Le Blizzard du loup approche, l’ère de l’épée et de la hache,le temps de la Lumière immaculée, le Temps du froid immaculé, le temps de la Folie, le temps du Mépris. Tedd Deiveadh, l’Âge Ultime. Le monde périra dans la glace et renaîtra sous un nouveau Soleil. Né à nouveau du Sang Ancien d’hen Ichaen, d’une graine, plantée… Une plante qui ne poussera pas : elle prendra feu ! ». Le Sang Ancien en question est celui d’une longue lignée, dont la dernière représentante semble être Ciri, la pupille du sorceleur Geralt de Riv – un mutant façonné pour vaincre les pires monstres imaginables. A noter tout de même qu’ici la prophétie laisse planer une certaine incertitude. Ciri est-elle la cause de la fin du monde, ou le catalyseur d’un nouveau commencement ? Une question que ceux qui la traquent pour user de son pouvoir ne se posent pas…

L’effet placebo de la prophétie autoréalisatrice

En 1948, le sociologue américain Robert Morton énonce le concept de prophétie autoréalisatrice : « c’est une définition d’abord fausse d’une situation, mais cette définition erronée suscite un nouveau comportement, qui la rend vraie ». Autrement dit, la simple existence de la prophétie augmente fortement les chances qu’elle se réalise. Mais les termes « fausse » et « vraie » sont facilement critiquables. En effet, comment quantifier de tels notions ? C’est pourquoi le géographe Jean-François Staszak décide d’en proposer une version modifiée du concept dans son article « Prophéties autoréalisatrices et géographie », paru dans L’Espace Géographique en 2000. Il y définit la prophétie autoréalisatrice comme une assertion induisant des comportements de nature à valider ladite assertion. Un exemple frappant est celui de mars 1979 en Californie. Alors que les journaux publient sur une pénurie d’essence imminente, une ruée d’automobilistes déferle sur les stations en vue de remplir les réservoirs de leurs véhicules. Près de 12 millions de réservoirs, au préalable aux trois-quarts vides, se retrouvent soudainement pleins. L’assaut épuise les réserves pourtant conséquentes d’essence disponible, entraînant la pénurie annoncée. Une situation qui aurait pourtant pu être évitée, la livraison de carburant ayant finalement à peine diminué…

On retrouve des exemples de prophéties autoréalisatrices jusque dans la mythologie grecque. Dans l’histoire dOedipe, ses futurs parents consultent l’oracle de Delphes, un site situé au pied du mont Parnasse, en Grèce. En fait d’oracle, il s’agit d’une réponse à une question, administrée par la prophétesse (ou Pythie) au nom d’Apollon. Celle-ci leur prédit donc que s’ils ont un fils, il finira par tuer son père et par épouser sa mère. Par peur, une fois Oedipe né, ses parents choisissent de l’abandonner sur le mont Cithéron. Il y sera recueilli par un berger, avant d’être adopté par le roi et la reine de Corinthe. Sa destinée peut alors se mettre en marche… Dans un registre plus contemporain, Sibylle Trelawney entre en transe lors d’un entretien d’embauche avec Albus Dumbledore, directeur de Poudlard. Elle lui récite la prophétie qui mènera au duel d’anthologie entre Harry Potter et Voldemort : « Celui qui a le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres approche… il naîtra de ceux qui l’ont par trois fois défiés, il sera né lorsque mourra le septième mois… et le Seigneur des Ténèbres le marquera comme son égal mais il aura un pouvoir que le Seigneur des Ténèbres ignore… et l’un devra mourir de la main de l’autre car aucun d’eux ne peut vivre tant que l’autre survit… Celui qui détient le pouvoir de tuer le Seigneur des Ténèbres sera né quand mourra le septième mois… » (Harry Potter et l’Ordre du Phénix de J.K. Rowling, 2003). Informé par Severus Rogue, qui a entendu la conversation, Voldemort se rend chez les Potter, qui correspondent à la description faite par Trelawney. Et ainsi débute la saga de Harry Potter… A chaque fois, la prophétie semble ainsi forcer les individus à se conformer à ses plans.

Des prévisions météo pas infaillibles

Qu’en est-il des « prophéties » modernes ? De ces prévisions faites par les scientifiques, quant à la météo par exemple ? Interviewée pour le « Science et Vie Questions-Réponses » de juin 2021, la directrice adjointe des opérations pour la prévision à Météo-France Véronique Ducrocq présentait la météorologie comme une science basée sur les données issues de l’environnement extérieur. Pour ajuster les différentes valeurs des paramètres à insérer dans les modèles de prévision – température, pression, vitesse du vent, humidité – les scientifiques peuvent compter sur une multitude d’instruments de mesure. On trouve parmi eux des stations de surface, pour les mesures auprès du sol ; des ballons-sondes pour celles en altitude ; des radars pour relever les précipitations (grêlon, pluie, neige…) ; et même des satellites pour scruter la Terre depuis l’espace. Une fois toutes ces données recueillies, elles sont transférées au site de Météo-France à Toulouse. Là, elles sont combinées à celles provenant d’autres pays grâce à un travail de coordination internationale chapeauté par l’Organisation météorologique mondiale (OMM).

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La prévision est alors calculée sur une atmosphère divisée en mailles volumiques dans lesquelles sont estimés divers paramètres à l’instant présent. Ce sont les fameuses conditions initiales. C’est à partir d’elles qu’est simulée l’évolution de la météo dans le temps. A Météo-France, selon le modèle employé, les prévisions sont fiables sur deux à quatre jours. Mais cette fiabilité n’est pas parfaite, et ce malgré le rafraîchissement à chaque heure des informations en entrée par de nouvelles données enregistrées par les appareils de mesure. En effet, la moindre variation sur les valeurs d’entrée peut mener à des modifications radicales des résultats en sortie. Pour améliorer la fiabilité, les météorologues réalisent un maximum de simulations avec de légères modifications des conditions initiales. Plus les simulations auront tendance à converger, et plus les résultats seront considérés comme prometteurs. Une science certes, mais pas pour autant infaillible. Finalement, qui de la prophétie autoréalisatrice ou de la prévision météorologique est la plus certaine ? Il n’y a qu’à attendre pour le savoir…

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