Investir dans les cryptomonnaies : est-ce que tout est bien réglo ?

Publié le 14 déc. 2021 à 17:53Mis à jour le 17 déc. 2021 à 10:49

Le 8 novembre, le cours du bitcoin culminait à 58.320 euros. A l’heure de l’écriture de cet article, il a chuté de 29 %. En somme, rien de spectaculaire pour cette cryptomonnaie dont la valeur est en réalité revenue à son niveau d’il y a un peu plus de deux mois. Mais ça reste encore 24 % supérieur à il y a un an. Bref, c’est peu dire que cet actif financier est instable. Il est « l’actif le plus spéculatif du moment », selon Mike McGlone, analyste chez Bloomberg.

Face à ces courbes en montagnes russes, nombreux sont les néo-traders qui se disent qu’ils ont une carte à jouer. L’engouement est planétaire, chacun tente d’y aller de sa divination sur le cours prochain de la plus célèbre des cryptomonnaies. Les articles se multiplient pour détailler les raisons de cette hausse phénoménale : rareté, spéculation, rupture technologique, etc.

Celui que vous vous apprêtez à lire laisse de côté la question de la valorisation pour s’intéresser à l’utilisation qui est faite des cryptomonnaies. Autrement dit : investir dans les cryptomonnaies peut-il faire de vous un contributeur, même indirect, à des activités illicites ?

Oui, les cryptomonnaies sont des outils qui servent aux trafics en tout genre, mais…

On le sait, les cryptomonnaies ont par le passé servi à financer des mouvements terroristes, des trafics d’armes ou de drogue. L’un des coups de filets les plus retentissants a été celui de la « Silk Road », l’un des plus importants marchés criminels en ligne, fermé par le FBI en 2013. Huit ans après sa fermeture, la justice américaine continue de mettre la main sur des trésors liés . En 2020, elle a déniché un milliard de dollars en bitcoins.

Dans son rapport de 2020, Tracfin, la cellule du ministère de l’Economie qui lutte contre les circuits financiers clandestins , le reconnaît sans détour : « Les crypto-actifs demeurent un vecteur hautement risqué de financement du terrorisme car ils peuvent être utilisés pour assurer le transfert de fonds au bénéfice de groupes djihadistes. »

Sur les circuits identifiés, ils ont pu observer qu’« une fois convertis, les crypto-actifs acquis étaient transférés sur des plateformes d’échanges situées dans des pays à proximité immédiate de la zone syro-irakienne. Ce réseau de financement a permis l’acheminement de près de 250.000 euros au bénéfice de membres d’Al-Qaida ainsi qu’à des djihadistes de l’organisation Etat islamique. »

Et la Banque centrale européenne ne s’y trompe pas non plus : « A ce rythme de croissance, nous devons y prêter attention, notamment en ce qui concerne le financement du terrorisme, l’évasion fiscale… », confiait le 30 novembre dernier aux Echos, Luis de Guindo, vice-président de l’institution bancaire .

… sont en voie de respectabilité

Certaines cryptomonnaies contribuent-elles à financer des activités illégales ? La réponse est oui. Selon Karen Jouve, spécialiste blockchain et cryptomonnaie au cabinet Wavestone, comme toute activité financière, une partie de ces monnaies sert au marché illégal. « C’est le cas pour toutes les monnaies. »

Et avec les cryptomonnaies, les gens mal intentionnés se sont un temps crus dans un new far-west. Aucune régulation n’était en place. D’après Brian Armstrong, fondateur de Coinbase, une importante plateforme destinée aux cryptomonnaies, en 2015, 40 % des transactions de cryptomonnaies concernaient des activités illégales. De quoi réfléchir à deux fois avant d’investir si on ne veut pas alimenter, même indirectement, un marché illégal.

3.000 milliards

L’ensemble de la capitalisation des cryptomonnaies dépasse les 3.000 milliards de dollars. Une valorisation supérieure au secteur des technologies.

Seulement ce temps semble en passe d’être révolu et le far-west serait en train de se transformer en Silicon Valley. Tous les acteurs du secteur tentent d’apporter leur brique pour construire une industrie respectable. Parmi eux, Chainalysis, une entreprise spécialisée dans l’extraction et l’analyse de données sur diverses blockchains qui entre autres collabore avec le gouvernement américain. Selon son rapport sur la crypto-criminalité qui fait référence dans le secteur, « en 2020, la part illicite de toutes les activités de cryptomonnaie est tombée à 0,34 %, soit 10 milliards de dollars seulement ». En 2019, ce chiffre était estimé à 2,1 %.

La situation grise des cryptomonnaies s’améliore donc, sans pour autant devenir blanche. « Mais quelle monnaie l’est vraiment ? », serait-on tenté d’objecter. Chainalysis rappelle que le dollar représente le moyen d’échange le plus utilisé par les organisations terroristes.

Les raisons de cette mue

Avec les cryptomonnaies, l’enjeu de la régulation est de taille : elles reposent sur une technologie basée sur la blockchain, par essence décentralisée et sans organe de contrôle . Pour parer ce manque de contrôle, des tiers de confiance se créent, entre les utilisateurs et ces monnaies quasi autonomes. Des entreprises mettent en oeuvre des outils d’analyse des transactions sur les blockchains en temps réel afin d’attribuer des notes de suspicion. Des plateformes d’échanges de cryptomonnaies interdisent par exemple l’encaissement de coupons depuis certaines zones géographiques comme la Syrie.

Les plateformes exigent des vérifications d’identité. En France, elles doivent par ailleurs obtenir le statut PSAN (Prestataire de Services sur Actifs Numériques), c’est-à-dire un enregistrement officiel auprès de l’Autorité des marchés financiers pour pouvoir opérer. Coinhouse, Stackinsat ou encore Bitpanda font partie de ces acteurs agréés.

Pour Yoann Lopez, fondateur de Snowball, une newsletter dédiée à la gestion des finances personnelles, au moment d’investir, toute la confiance se fonde sur la plateforme sur laquelle vous réalisez les transactions et sur le portefeuille (le « wallet ») où vous stockez vos cryptomonnaies.

La réglementation, même non étatique, serait l’alpha et l’oméga pour que la confiance en les cryptomonnaies s’installe durablement. « Comme dans le cadre d’un prêt à une banque traditionnelle, on lui fait confiance car elle est réglementée par le gouvernement », estime-t-il.

Même les institutionnels s’invitent dans les crypto-actifs

En attendant la réglementation gouvernementale, entreprises et institutions ont déjà fait le pari de la cryptomonnaie. Dans une étude récente, le cabinet Wavestone note que l’année 2021 signe une très forte accélération dans l’adoption et l’institutionnalisation de la technologie blockchain (sur laquelle reposent les cryptomonnaies).

MasterCard, PayPal proposent des paiements en cryptomonnaies, le PSG rémunère en partie le joueur Lionel Messi en token ou encore l’Etat du Salvador a fait du bitcoin une monnaie légale. Tesla ou Microstrategy renflouent leur caisse avec cette monnaie au cours grimpant, en partir pour se couvrir de l’inflation grandissante . « Les cryptomonnaies ne sont pas juste des actifs spéculatifs ou un délire de geek », insiste Karen Jouve.

Pour contrer la grande volatilité caractéristique de ces actifs, des stablecoins (cryptomonnaies stables) sont créées ici ou là, adossées à des crypto ou des monnaies traditionnelles, majoritairement le dollar. Objectif : lisser les hausses (et baisses) brutales et rassurer les investisseurs.

Preuve que les cryptomonnaies sont en voie de respectabilité, les Banques centrales travaillent sur la création de monnaies digitales adossées à leur monnaie pour notamment baisser les coûts des paiements transfrontaliers, développer une société sans cash et ainsi lutter contre le blanchiment d’argent.

La Banque de France a par ailleurs dévoilé en juillet dernier les huit candidats retenus pour lancer ses expérimentations autour d’une « monnaie digitale de banque centrale » (MDBC). Parmi eux, la Société Générale, HSBC ou encore le cabinet de conseil Accenture.

La French Tech à l’assaut des crypto

« Les trafiquants n’ont pas intérêt à utiliser les cryptomonnaies, car même si les transactions sont anonymes, elles reposent sur des identifiants », rappelle Karen Jouve. Cette technologie est par nature transparente et fait apparaître les transactions aux yeux de tous. Des entreprises comme Chainalysis parviennent toutefois à remonter à l’origine des identifiants des personnes qui en sont à l’origine. Recoupements et recherches peuvent déboucher à une identification de la personne.

Néanmoins, ce n’est pas une sinécure. « D’une part, ces procédés coûtent cher et d’autre part, des cryptomonnaies comme Monero ont développé des protocoles qui apportent plus d’anonymat que sur d’autres blockchains », précise Karen Jouve. Mais celles-ci sont loin d’être la majorité.

En bref, si ces actifs numériques peuvent être utilisés pour des pratiques de blanchiment ou de financement du terrorisme, la menace pourrait se révéler importante à moyen terme, « elle reste encore aujourd’hui peu matérialisée et donc modérée, s’agissant tant du blanchiment que du financement du terrorisme », estime le Comité d’orientation de la direction générale du Trésor. Des déclarations qui visent à rassurer les investisseurs soucieux de ne pas investir sur un actif douteux.

On n’est jamais à l’abri que tout s’écroule

Symbole de cette confiance grandissante sur la technologie sous-jacente, les levées de fonds dans la French Tech se multiplient au bénéfice de pépites de la blockchain, à l’instar des deux licornes Sorare (585 millions d’euros) et Ledger (312 millions d’euros).

Des projets à but humaniste liés à la cryptomonnaie voient même le jour. Citons le lancement le 21 octobre dernier de la cryptomonnaie Liber-T qui a l’objectif d’aider les enfants qui n’ont pas accès aux livres. L’association Omnis Liber veut donc créer une Bibliothèque numérique mondiale, basée sur la technologie blockchain. En octobre 2022, Liber-T sera introduite en Bourse.

Néanmoins attention. La confiance ne saurait éclipser le risque financier. « Investir dans une cryptomonnaie reste… un investissement qui comporte son lot de risques », rappelle Karen Jouve. Elle conseille de faire ses recherches avant de se lancer pour éviter les arnaques.

A savoir que chaque cryptomonnaie dispose de son « white paper », une lettre détaillant le projet de la cryptomonnaie, qui aide à évaluer la robustesse du projet : l’histoire, l’équipe, le modèle économique, la stratégie, les agréments, etc. « On peut alors se rendre compte si le projet tient la route ou pas », assure la spécialiste. Pour le CEO de Ripple (un réseau de paiement), 99 % des cryptomonnaies sont vouées à disparaître

Car les arnaques sont nombreuses. Tracfin assure que de nombreuses ICO (phase pré-introductive en bourse des cryptomonnaies) se sont révélées être des escroqueries. « Et si l’on considère l’ensemble des projets blockchain lancés depuis 2017, un grand nombre n’a pas perduré, alerte Karen Jouve. On ne peut jamais être à l’abri que tout s’écroule. »

Docu-fiction : quelle place pour la cryptomonnaie dans les prochaines années ?

Avec l’avènement du web 3 et du métavers , elles seront mondialement utilisées comme monnaie d’échange, devenues mainstream et incontournables, selon Karen Jouve. Elles n’auront néanmoins pas écrasé les monnaies traditionnelles car les banques centrales auront créé leurs monnaies numériques.

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Investir dans les cryptomonnaies : est-ce que tout est bien réglo ?

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