Décidément, les archéologues du Land de Saxe-Anhalt, dans l’est de l’Allemagne, ne sont pas au bout de leurs surprises ! Comme Sciences et Avenir l’avait annoncé en 2021, le site où l’on avait mis au jour en 1934 les restes d’une femme du Mésolithique, désormais surnommée la “Chamane de Bad Dürrenberg”, a été minutieusement refouillé à partir de décembre 2019, avant une interruption forcée en raison de la pandémie de Covid-19. La poursuite des investigations archéologiques, anthropologiques et génétiques révèle à présent de nouveaux éléments qui confirment l’importance du lieu et précisent le rôle de cette femme hors du commun, que l’on continua très certainement de révérer pendant plusieurs siècles après sa mort.
Une femme âgée de 30 à 35 ans, enterrée en position assise et tenant un nourrisson dans son giron
La sépulture de la “Chamane de Bad Dürrenberg” est une des fiertés du musée de la Préhistoire de la ville de Halle. Datant d’environ 9000 ans, cette tombe, la plus ancienne qui ait été retrouvée dans cette région de l’est de l’Allemagne, abritait une femme âgée de 30 à 35 ans, enterrée en position assise et tenant un nourrisson d’environ six à huit mois dans son giron. Sur sa tête reposait une coiffe en bois de cerf, à laquelle étaient suspendus des pendants constitués de dents d’animaux. Une multitude de plumes, de bijoux et d’autres objets jugés “inhabituels” parsemaient également la tombe en forme d’octaèdre, l’une des plus riches de cette période. C’est cette particularité qui a fait présumer en l’an 2000 à une doctorante en archéologie alors employée au musée de Halle, Judith M. Grünberg, qu’il pouvait s’agir d’une chamane, entourée de ses accessoires. Ce qui permettait d’interpréter, par exemple, les carapaces de tortues trouvées à ses côtés, qui auraient pu lui servir de tambours et qu’elle aurait frappé à l’aide de l’os évidé de grue figurant également dans la tombe, à moins qu’elle ne l’ait utilisé pour en jouer comme d’une flûte.
Cela fait donc plus de vingt ans que l’hypothèse est émise, rappelle l’archéologue en chef de l’Office de protection des monuments et d’archéologie du Land de Saxe-Anhalt, Harald Meller, qui est aussi le directeur du musée de la Préhistoire de Halle. Et ces deux décennies ont été largement employées à sa vérification par la voie de la science, souligne-t-il dans un ouvrage* co-écrit avec l’historien Kai Michel, qui vient tout juste de paraître en Allemagne.
Le livre de Kai Michel et Harald Meller, littéralement intitulé “L’énigme de la chamane. Un périple archéologique vers nos origines”, est sorti en Allemagne le 18 octobre. © Rowohlt
Le nourrisson n’est pas son enfant
Au cours de ces dernières années, une équipe interdisciplinaire de scientifiques s’est donc attelée à vérifier l’hypothèse chamanique en soumettant les restes prélevés à de multiples analyses. Mais les éléments mis au jour à la va vite – en l’espace d’un seul après-midi ! – lors des premières fouilles, en 1934, n’étaient pas suffisants pour établir des conclusions définitives, en particulier en ce qui concernait l’enfant, dont il était impossible de trouver quelque trace d’ADN. En conséquence, le site localisé dans le parc thermal de Bad Dürrenberg a été minutieusement refouillé à partir de 2019. Les archéologues ont alors constaté que certaines parties de la fosse, reconnaissable au fait qu’elle était parsemée d’ocre rouge (hématite), n’avaient pas été exhumées, ce qui leur a permis de trouver de nouveaux objets, dont les restes du cerf élaphe que Sciences et Avenir évoquait dans un article précédent. Grâce à un arsenal constitué de caméras thermiques et de tamis ultrafins destinés à recueillir tout élément faisant plus de deux millimètres, ils ont également réussi à retrouver un tout petit os, un véritable trésor en l’occurrence : le rocher du nourrisson. Les paléogénéticiens en avaient justement besoin, car cette pièce qui entoure l’oreille interne est la plus dure du squelette ; elle permet donc une bonne conservation du matériel génétique.
Décidément, les archéologues du Land de Saxe-Anhalt, dans l’est de l’Allemagne, ne sont pas au bout de leurs surprises ! Comme Sciences et Avenir l’avait annoncé en 2021, le site où l’on avait mis au jour en 1934 les restes d’une femme du Mésolithique, désormais surnommée la “Chamane de Bad Dürrenberg”, a été minutieusement refouillé à partir de décembre 2019, avant une interruption forcée en raison de la pandémie de Covid-19. La poursuite des investigations archéologiques, anthropologiques et génétiques révèle à présent de nouveaux éléments qui confirment l’importance du lieu et précisent le rôle de cette femme hors du commun, que l’on continua très certainement de révérer pendant plusieurs siècles après sa mort.
Une femme âgée de 30 à 35 ans, enterrée en position assise et tenant un nourrisson dans son giron
La sépulture de la “Chamane de Bad Dürrenberg” est une des fiertés du musée de la Préhistoire de la ville de Halle. Datant d’environ 9000 ans, cette tombe, la plus ancienne qui ait été retrouvée dans cette région de l’est de l’Allemagne, abritait une femme âgée de 30 à 35 ans, enterrée en position assise et tenant un nourrisson d’environ six à huit mois dans son giron. Sur sa tête reposait une coiffe en bois de cerf, à laquelle étaient suspendus des pendants constitués de dents d’animaux. Une multitude de plumes, de bijoux et d’autres objets jugés “inhabituels” parsemaient également la tombe en forme d’octaèdre, l’une des plus riches de cette période. C’est cette particularité qui a fait présumer en l’an 2000 à une doctorante en archéologie alors employée au musée de Halle, Judith M. Grünberg, qu’il pouvait s’agir d’une chamane, entourée de ses accessoires. Ce qui permettait d’interpréter, par exemple, les carapaces de tortues trouvées à ses côtés, qui auraient pu lui servir de tambours et qu’elle aurait frappées à l’aide de l’os évidé de grue figurant également dans la tombe, à moins qu’elle ne l’ait utilisé pour en jouer comme d’une flûte.
Cela fait donc plus de vingt ans que l’hypothèse est émise, rappelle l’archéologue en chef de l’Office de protection des monuments et d’archéologie du Land de Saxe-Anhalt, Harald Meller, qui est aussi le directeur du musée de la Préhistoire de Halle. Et ces deux décennies ont été largement employées à sa vérification par la voie de la science, souligne-t-il dans un ouvrage* co-écrit avec l’historien Kai Michel, qui vient tout juste de paraître en Allemagne.
Le livre de Kai Michel et Harald Meller, littéralement intitulé “L’énigme de la chamane. Un périple archéologique vers nos origines”, est sorti en Allemagne le 18 octobre. © Rowohlt
Le nourrisson n’est pas son enfant
Au cours de ces dernières années, une équipe interdisciplinaire de scientifiques s’est donc attelée à vérifier l’hypothèse chamanique en soumettant les restes prélevés à de multiples analyses. Mais les éléments mis au jour à la va vite – en l’espace d’un seul après-midi ! – lors des premières fouilles, en 1934, n’étaient pas suffisants pour établir des conclusions définitives, en particulier en ce qui concernait l’enfant, dont il était impossible de trouver quelque trace d’ADN. En conséquence, le site localisé dans le parc thermal de Bad Dürrenberg a été minutieusement refouillé à partir de 2019. Les archéologues ont alors constaté que certaines parties de la fosse, reconnaissable au fait qu’elle était parsemée d’ocre rouge (hématite), n’avaient pas été exhumées, ce qui leur a permis de trouver de nouveaux objets, dont les restes du cerf élaphe que Sciences et Avenir évoquait dans un article précédent. Grâce à un arsenal constitué de caméras thermiques et de tamis ultrafins destinés à recueillir tout élément faisant plus de deux millimètres, ils ont également réussi à retrouver un tout petit os, un véritable trésor en l’occurrence : le rocher du nourrisson. Les paléogénéticiens en avaient justement besoin, car cette pièce qui entoure l’oreille interne est la plus dure du squelette ; elle permet donc une bonne conservation du matériel génétique.
Soumis à un examen paléogénétique par les chercheurs de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive de Leipzig, le rocher a révélé que l’enfant était un petit garçon, qui n’avait tout au plus qu’un lien au troisième ou au quatrième degré avec la femme enterrée. Il ne s’agit donc pas de son fils – ce qui interpelle les archéologues, qui butent sur la signification de sa présence dans la tombe, alors même que cette sépulture est entièrement ritualisée.
La sépulture de la “Chamane de Bad Dürrenberg” était sans doute un lieu de pèlerinage. © Landesamt für Denkmalpflege und Archäologie Sachsen-Anhalt, Karol Schauer
La tombe a été utilisée à des fins idéologiques par les nazis
La compréhension de cette sépulture est d’autant plus importante qu’il n’en existe que très peu datant du Mésolithique dans la région. Les archéologues présument qu’au cours de cette période (9600 – 5000 avant notre ère), la plupart des corps étaient abandonnés à même le sol et que seules les personnes qui occupaient une fonction élevée étaient inhumées. Dès les premières fouilles, en 1934, le statut hors du commun de la personne retrouvée a donc été mis en avant – mais l’idéologie national-socialiste alors au pouvoir en Allemagne en a profité pour décréter qu’il s’agissait du corps d’un “Aryen” primitif, ce qui apportait la preuve que les origines des “Aryens” ne se trouvaient pas en Inde ou au Tibet, mais en plein cœur de l’Allemagne…
Il en résulte qu’après-guerre le musée de Halle, alors située en République démocratique allemande (RDA), n’a guère accordé d’importance à ces ossements, même si une nouvelle analyse a permis de reconnaître qu’ils appartenaient à une femme. Ce n’est qu’après la chute du mur de Berlin, au cours des années 1990, que l’anthropologue Jörg Orschiedt a entrepris d’inclure le squelette dans ses recherches, avant de mettre en lumière une partie des anomalies anatomiques qui le caractérisaient.
Connexions avec l’au-delà
Par la suite, de nouveaux examens anthropologiques ont confirmé et approfondi les conclusions de Jörg Orschiedt concernant le mode de vie très particulier de la jeune femme et les troubles physiologiques dont elle souffrait. Ses os indiquent en effet qu’elle marchait relativement peu et qu’elle se tenait souvent en position accroupie. L’analyse de son crâne et de ses deux vertèbres supérieures (l’atlas et l’axis) a révélé des malformations extrêmement rares qui ont sans doute eu pour conséquence une sous-alimentation de son cerveau. Elle aurait ainsi pu – intentionnellement ou non – déclencher un vertige, accompagné d’un nystagmus (des mouvements incontrôlés des yeux), en soulevant sa tête et en la tournant sur le côté, ce qui suffisait à fermer son artère et à bloquer le flux sanguin.
Ces malformations ont également pu susciter des phénomènes de paralysie, des fourmillements de la peau, des troubles de la perception (comme la diplopie, c’est-à-dire la perception de deux images) et même des hallucinations. Son squelette suggère enfin qu’elle adoptait le plus souvent une position penchée en avant, ce qui devait la plonger dans une sorte de transe. Tous ces éléments laissent penser que la jeune femme devait aisément impressionner les membres de son groupe, qui devaient considérer son comportement particulier comme la preuve d’une connexion avec le monde de l’au-delà. Mais, de son côté, chacun de ces phénomènes était pour elle une souffrance.
Rituel de douleur
Une autre particularité physiologique laisse entendre que la jeune femme était la plupart du temps dans un état second, mélange de transe et de douleur. Des examens par tomographie volumétrique numérique de sa mâchoire supérieure ont en effet montré que ses incisives étaient abrasées jusqu’à créer des cavités, les chercheurs présumant qu’elles ont sans doute été sciemment limées afin d’en exposer les vaisseaux et les nerfs, car des chamanes étaient encore soumis à ce “rituel de douleur” au 20e siècle.
L’atroce souffrance causée par ce foyer d’infection permanent intensifiait donc les multiples symptômes “prédisposant” la jeune femme à la fonction de chamane, car elle a sans doute été choisie dès l’enfance pour jouer ce rôle d’intercesseur auprès des esprits.
L’ensemble des examens effectués permettraient donc de confirmer l’hypothèse émise il y a vingt ans. Ce dont s’étonne et se réjouit tout à la fois le radiologue de l’hôpital universitaire de Halle, Walter Wohlgemuth, qui a analysé la mâchoire de la jeune femme : “Je n’aurais jamais pensé que nous pourrions effectivement étayer par des moyens scientifiques la thèse, d’emblée audacieuse, selon laquelle il pourrait s’agir d’une chamane du Mésolithique“, confie-t-il à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. Et pour couronner le tout, voilà que l’Office de protection des monuments et d’archéologie du Land de Saxe-Anhalt vient d’annoncer la découverte de deux nouvelles preuves de son statut bien particulier : tout près de la fosse dans laquelle la jeune femme était enterrée, les archéologues ont identifié une deuxième fosse, qu’ils ont extraite en bloc afin de la soumettre à un examen minutieux dans des conditions de laboratoire. Ils y ont déjà retrouvé deux masques constitués de bois de cerf. Des masques similaires ont été découverts en Europe centrale et occidentale, en particulier sur le site anglais de Star Carr.
L’un des deux masques en bois de cerf qui viennent d’être retrouvés tout près de la tombe de la “Chamane de Bad Dürrenberg”. © Landesamt für Denkmalpflege und Archäologie Sachsen-Anhalt, Juraj Lipták
Une femme puissante et révérée bien après sa mort
Les archéologues allemands les interprètent comme des offrandes, qui auraient été déposées sur la tombe de la chamane. La datation au carbone indiquant qu’ils remontent à 8200 ans, soit à -6200 avant notre ère, leur dépôt est bien ultérieur au décès de la jeune femme. Ce qui constituerait une preuve supplémentaire de son statut spécifique, puisque 600 ans après sa mort, cette femme forcément “puissante” était encore révérée et peut-être même encore sollicitée pour obtenir une aide, une guérison ou une intervention d’ordre supérieur, au cours d’une période où le climat s’est soudain détérioré.
Enfin, les fouilles archéologiques ont également permis d’identifier un trou de poteau tout près de la tombe, ce qui pourrait laisser présumer qu’à cet endroit s’élevait un poteau servant à marquer la sépulture. Selon Harald Meller et Kai Michel, ce nouvel élément pourrait signifier que l’histoire de la chamane a été transmise oralement par-delà les siècles, ce qui, à leurs yeux, témoignerait “d’une stabilité et d’une continuité inattendues de la société de chasseurs-cueilleurs du Mésolithique“. Mais l’éventualité d’un culte spontané autour de ce personnage révèle avant tout le rôle central joué par cette femme en tous points “exceptionnelle”, et la puissance qu’elle a su gagner au prix de sa souffrance.
*Harald Meller, Kai Michel, Das Rätsel der Schamanin. Eine archäologische Reise zu unseren Anfängen [L’énigme de la chamane. Un périple archéologique vers nos origines], Rowohlt, 2022.
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La tombe de la Chamane de Bad Dürrenberg était un lieu de pèlerinage – Sciences et Avenir
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