Philosopher au temps des Gaulois

85

Alors qu’une exposition sur les Celtes se tient actuellement à Rennes, penchons-nous sur… leur philosophie. D’après certains penseurs grecs, avec leurs croyances sur l’immortalité de l’âme et leur refus de publier leurs réflexions, ils sont les grands inspirateurs des pythagoriciens.

Philosophie celte

Les Gaulois pratiquaient-ils la philosophie ? Oui, selon de nombreux auteurs antiques : « Ils ont des philosophes et des théologiens très honorés, qu’ils appellent druides », note Diodore de Sicile dans sa Bibliothèque historique. « Les druides, qui, indépendamment de la physiologie ou philosophie naturelle, professent l’éthique ou philosophie morale », renchérit Strabon dans sa Géographie (IV). De la sagesse initiatique des druides, que ces derniers se refusaient à concilier par écrit, nous ignorons presque tout. César, dans sa Guerre des Gaules, en donne un bref aperçu : « Ce qu’ils cherchent surtout à persuader, c’est que les âmes ne meurent pas, cette croyance leur semble particulièrement propre à exciter le courage, en supprimant la crainte de la mort. Ils discutent aussi abondamment sur les astres et leur mouvement, sur la grandeur du monde et de la terre, sur la nature des choses, sur la puissance et le pouvoir des dieux immortels, et ils transmettent ces spéculations à la jeunesse. »

Immortalité de l’âme

Si les informations manquent quant à la doctrine des druides, certains auteurs antiques trouvaient pourtant une forte ressemblance entre cette philosophie secrète, transmise oralement, et l’enseignement de Pythagore ! Sur la forme, tout d’abord, car Pythagore, lui aussi, refusait de coucher sa doctrine sur le papier. Sur le fond, également, en ce qui concerne « la métempsycose [réincarnation] et l’immortalité de l’âme », qui constituaient « les dogmes principaux des Gaulois », comme le résumera Louis-François-Noe͏̈l Herval dans son Aperçu historique et philosophique sur les Druides et le Druidisme (1869). « L’opinion de Pythagore prévaut chez eux », note Diodore de Sicile. « Ils étaient persuadés que les âmes sont immortelles. Je les traiterais d’insensés, si cette opinion de ces hommes vêtus de braies n’était aussi celle du philosophe grec Pythagore », ajoute Valère Maxime (Des faits et des paroles mémorables).

La philosophie est-elle née chez les “barbares” ?

Cette proximité est-elle une simple coïncidence ou reflète-t-elle des contacts et des échanges ? Sur cette question, deux approches s’opposent. Pour certains, en effet, la philosophie grecque a pris naissance chez les « barbares » : « Les inventeurs de cette science ont été les mages chez les Perses, les Chaldéens chez les Babyloniens ou les Assyriens, les gymnosophistes chez les Indiens, et les druides, ou ceux qu’on appelait semnothées, chez les Celtes et les Gaulois », affirme Diogène Laërce au début de ses Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres.

Pour d’autre, au contraire, la doctrine de Pythagore, après s’être constituée en Grèce, se serait diffusée chez les Celtes. « Les druides chez les Celtes se sont appliqués avec un zèle particulier à la philosophie de Pythagore », note saint Hippolyte (Réfutation de toutes les hérésies). Cette diffusion aurait été le fait de Zalmoxis, disciple du maître, après la dispersion de l’école : « Après la mort de Pythagore, s’étant rendu là, il fut pour les druides à l’origine de leur pratique de la philosophie ». Marseille, enfin, est un point de pénétration importante de la pensée grecque dans le monde gaulois, comme le note encore Strabon : « La ville de Marseille avait rendu les Celtes à ce point philhellènes qu’ils rédigeaient leurs actes en langue grecque. Ils prennent goût à l’étude, ils font bon accueil à nos sophistes qui comme les médecins reçoivent chez eux des salaires, soit des particuliers, soit des villes. »

En accord avec ce point de vue, Amien Marcellin considère que le druidisme était, et en termes de doctrine comme de structure, organisé sur le mode des écoles pythagoriciennes. L’archéologue Jean-Louis Brunaux, auteur des Druides. Des philosophes chez les Barbares (Éditions du Seuil, 2006), propose de voir dans le druidisme une école philosophique « à la grecque » : « Le novice allait vivre tout le temps de sa formation chez son maître. Peut-être fréquentait-il successivement plusieurs maîtres », comme « beaucoup de sages dans l’Antiquité ».

L’idée d’une filiation entre pythagorisme et druidisme est loin d’être entièrement admise. Elle est même directement contestée par certains auteurs, y compris sur le plan doctrinal. Ainsi l’historien Henri d’Arbois de Jubainville écrit dans ses Cours de littérature celtique (t. I, 1883) : « L’âme du Celte mort trouve un corps nouveau dans un monde autre que celui-ci : suivant Pythagore, l’âme du mort trouve un corps nouveau dans le monde où nous vivons. Habiter un corps nouveau est l’espérance du Celte ; cette espérance console et réjouit le guerrier qui succombe sur le champ de bataille : chez Pythagore, habiter un corps nouveau est une peine, une expiation ; l’âme du juste y échappe, elle mènera dans les espaces aériens une vie purement spirituelle. »

Déjà, une fascination pour les Celtes

Il n’en demeure pas moins que, pythagoricienne ou pas, la vie intellectuelle, spirituelle et philosophique des Celtes suscitait indéniablement une certaine fascination chez les auteurs antiques. L’un des plus importants philosophes de son époque, Posidonios d’Apamée, entreprit un long voyage en Gaule au IIe siècle av. J.-C. Son témoignage est en grande partie perdu, mais des bribes qui en subsistent, indirectement, se dégage un certain enthousiasme : il « voit les druides comme les nouveaux représentants d’une époque mythique, qu’il qualifie d’“âge d’or”, un stade de l’évolution de chaque civilisation où le pouvoir serait aux mains de sages » (Brunaux, Nos Ancêtres les Gaulois, Éditions du Seuil, 2008). Le Dialogue des Deux Sages, texte irlandais du XIIe siècle, porte encore la trace de cette révérence des Celtes pour la sagesse druidique : « Tout sage est un sage qui corrige./Le sage est le reproche de tout ignorant./Avant de se mettre en colère contre nous il cherchera quel reproche, quel mauvais fond est en nous./Bienvenu est le sens aigu de la sagesse. »

We would like to give thanks to the writer of this post for this amazing web content

Philosopher au temps des Gaulois

Visit our social media accounts and also other pages related to themhttps://nimblespirit.com/related-pages/