“Le beat them all nous permet de mettre en scène toutes les Tortues ninja”


Comment le spécialiste français du retrogaming Dotemu et le studio canadien roi du pixel art Tribute Games se sont associés pour produire le beat them all le plus attendu de l’année ? Qui plus est autour d’une licence reine des années 80, les Tortues Ninja ? Éléments de réponse avec les présidents des deux studios.

Les chevaliers d’écaille et de vinyle seront bientôt prêts à lâcher leurs coups! En 2022, les tortues ninja font leur retour sur console, titillant notre fibre nostalgique, dans un beat them all qui se veut jouissif et coloré.

Teenage Mutant Ninja Turtles, abrégé sous le sigle TMNT ou plus connu en France sous le nom Les Tortues Ninja est, à l’origine un comics créé par Kevin Eastman et Peter Laird. Publié en France aux éditions HiComics en 1984, il raconte l’histoire de quatre tortues qui, exposées à des déchets radioactifs, deviennent humanoïdes. Entraînées par maître Splinter, un rat qui lui aussi a grandi au contact de la substance mutagène, elles deviennent des gardiens de l’ordre dans une ville gangrenée par les gangs et les malfrats, notamment le Clan des Foot qui agit sous l’égide du super-vilain Shredder.

Le beat them all nous permet de mettre en scene
© Hi Comics

Le succès est immédiat et, dès 1987, la licence se retrouve exploitée sous forme de jouets: des figurines en plastique, réalisées par Playmates Toys, accompagnées par un dessin animé. Entre 1988 et 1992, plus d’un milliard de figurines de Leonardo, Raphaël, Donatello et Michelangelo – les quatre tortues aux noms des grands peintres italiens de la Renaissance – sont écoulées, en faisant la meilleure licence de figurines de l’histoire. La franchise s’est depuis déclinée en six films, vingt-trois jeux vidéo, plus de vingt jeux de société, quatre nouvelles adaptations animées, d’innombrables nouveaux jouets… Ces déclinaisons ont connu un second souffle, depuis 2009, avec le rachat de la licence par l’américain Viacom – et donc Nickelodeon. Un nouvel âge d’or pour les tortues les plus célèbres de la pop culture.

Alors que le quatuor des Tortues Ninja souffle ses 38e bougies, l’éditeur de jeux vidéo Dotemu, spécialiste français du retrogaming, et le studio québécois Tribute Games, roi du pixel art, publient Teenage Mutant Ninja Turtles: Shredder’s Revenge sur PC et Nintendo Switch. L’occasion rêvée d’en savoir plus sur les origines de ce projet et les principales contraintes lorsque l’on adapte une licence aussi riche. Cyril Imbert, le président de Dotemu, et Eric Lafontaine, le responsable marketing de Tribute Games, répondent aux questions de L’Internaute.

Linternaute.com : Dotemu est spécialisé dans les licences rétro, pourquoi ce choix de TMNT ?

Cyril Imbert : Nous venions de connaître un gros succès critique et commercial avec notre jeu Wonder Boy, et les attentes autour du projet Streets of Rage étaient énormes. Ces deux facteurs nous ont mis sur le radar de Nickelodeon qui nous a proposé de faire un jeu sur une de leurs licences. J’ai regardé leur catalogue et j’ai tout de suite été attiré par les Tortues Ninja. Je suis fan de l’univers des tortues depuis mon enfance, le dessin animé de 1987 m’a passionné. Et je me suis dit qu’il était intéressant de remettre les tortues dans un univers 2D (les dernières adaptations en dessin animé des Tortues Ninja sont en 3D CGI, NDLR), surtout dans l’univers du jeu vidéo où les adaptations en 3D ont été plutôt moyennes. Et pour moi, il y avait forcément une appétence des fans pour un retour de TMNT en beat them all old school.

Contrairement aux autres licences adaptées par Dotemu, TMNT est encore très “active”, avec un nouveau jeu vidéo presque tous les ans depuis 1989. Est-ce que cela a eu un impact sur cette décision ?

Cyril Imbert : c’est en effet une licence active qui peut, de prime abord,  jurer avec ce que l’on a fait dans le passé. Mais nous sommes est résolument “oldies” dans notre approche. Nous avons choisi de faire revenir une des variantes de TMNT de l’âge d’or du beat them all. Bien sûr, sans nous contenter d’un simple portage, nous avons modernisé le gameplay, augmenté la profondeur du jeu, ajouté des dizaines de combos et attaques spéciales. Et mis plus de 20 mouvements par personnage jouable. Mais le tout sans dénaturer le côté rétro du jeu.

Le beat them all, c’est l’essence de l’esprit arcade, la fondation de notre passion

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© Dotemu

Pourquoi partir sur un beat them all ?

Cyril Imbert : ce genre s’est imposé de suite comme une évidence aussi bien pour nous Dotemu que pour Tribute Games. Ce style nous permet de mettre en scène toutes les tortues, de construire un monde riche et coloré. Ne pas chercher un truc trop complexe qui serait incompatible avec la touche rétro, par exemple un arbre de progression, une mécanique de jeu trop complexe. Le beat them all, c’est l’essence de l’esprit arcade, la fondation de notre passion. Et puis l’engouement était là pour Streets of Rage 4, alors on était convaincu d’être sur la bonne voie.

En parlant de “voix”, vous avez réuni une partie du cast américain du doublage du cartoon de 1987.

Cyril Imbert : tout à fait.  Dans la mesure du possible, tout ce que l’on peut faire pour respecter la licence de 1987 était bon à prendre. Nous avons eu très tôt cette velléité de réunir le plus de comédiens originaux dans notre projet. Bien sûr, certains sont à la retraite et certains nous ont malheureusement quittés, mais nous sommes ravis d’avoir pu redonner un écrin pour ces voix iconiques.

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© Dotemu

Si l’on associe Tortues Ninja et beat them all, on pense forcément à Turtles in Time. C’était votre référence pour ce jeu ?

Cyril Imbert : c’est l’esprit à la base de notre jeu mais je pense que nous avons réussi à aller un peu plus loin. Avec Tribute Games, nous avons essayé de réaliser un cocktail basé sur les influences vidéoludiques mais aussi du dessin animé, des comics et des jouets. On a pioché dans toutes ces facettes du Turtleverse. Notre cible, c’est le public qui a 35-45 ans, qui a connu l’époque des salles d’arcade. On espère qu’il va ressentir la même magie qu’à l’époque de pouvoir jouer avec les tortues comme celles qu’il voyait dans les dessins animés.

Eric Lafontaine : la DA de notre pixel art épouse le dessin animé de 1987, et nous avons glissé un grand nombre d’easter eggs pour au final livrer un jeu qui est un hommage direct au second jeu vidéo des tortues, le premier n’était pas un beat them all,  et à Turtles in Time mais indirectement à la majorité des adaptations. Nous avons aussi réussi à mettre une bonne dose d’humour, et ça j’en suis très content.

On est passé à une approche du gameplay plus positive

L’éditeur Konami publie, cette année aussi, une réédition de 13 jeux historiques des Tortues Ninja. Est-ce que ça a le moindre impact de votre côté ?

Cyril Imbert : c’est un hasard du calendrier. Même si Nickelodeon nous a mis au courant assez tôt de cette sortie chez Konami, ça n’a pas eu d’impact sur notre travail. Ces deux produits sont complémentaires, ils ne se phagocytent aucunement. Konami est à 100% sur du retrogaming, avec le même gameplay et expérience de jeu qu’à l’époque, nous visons une version modernisée. Les fans hardcore de la licence achèteront probablement les deux jeux, mais je pense que les nouveaux joueurs se projeteront mieux sur Shredder’s Revenge.

Comment avez-vous travaillé à deux studios ?

Eric Lafontaine : c’était très fluide. Pour toute la partie purement créative nous avions des échanges au quotidien, que ce soit sur le chara-design ou le level-design. Pour résumer : Montréal créait, Dotemu regardait et demandait éventuellement des ajustements, puis envoyait pour validation finale à Nickelodeon. On était déjà de par le Covid-19 en travail en distanciel alors, hormis le décalage horaire, il n’y a pas eu le moindre impact. La nouveauté pour nous a plus été de travailler sur une licence tierce et avec un éditeur (Dotemu), chez Tribute nous avons l’habitude de créer nos jeux sans licences tierces. Mais la relation a été hyper bénéfique: nous avions le réflexe d’y aller un peu trop avec une approche “retro hard”, Dotemu nous a appris à apporter des modifications pour éviter d’avoir une expérience de jeu trop frustrante. On est passé à une approche du gameplay plus positive. Par exemple, on a une barre d’attaque spéciale qui se charge via des enchaînements mais on a aussi la possibilité de déclencher une attaque spéciale si on provoque les adversaires sans se faire interrompre. Ainsi les joueurs, qu’ils soient super habiles ou néophytes, pourront trouver du plaisir à jouer avec un niveau de challenge différent.

Cyril Imbert : la répartition des rôles était très claire dès le départ, et nous avons très vite eu une grande confiance envers les équipes de Tribute Games. La création étant purement réalisée par les équipes de Tribute, nous n’avons pas du tout capitalisé sur le code de Streets of Rage. Nous avons partagé notre expérience et les retours précieux des joueurs, mais rien du moteur n’a été recyclé.

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© Dotemu

Est-ce que la licence TMNT est restrictive ? Avez-vous essuyé beaucoup de refus de la part de Nickelodeon ?

Cyril Imbert : comme sur toutes les grosses licences, nous avons reçu un cahier de guidelines, mais ces dernières existent avant tout par souci de cohérence entre les divers produits exploitant la marque, pas pour restreindre la créativité. Bien sûr, nous avons eu 2-3 refus, et même quelques petits regrets, mais nous avons su composer avec les demandes des ayants droit et trouver au final une solution qui convienne à tout le monde.

Eric Lafontaine : ils nous ont fait de plus en plus confiance tout au long du projet. De notre côté, nous avons compris les contraintes et, en faisant nos preuves, ils ont compris que nos demandes étaient toujours respectueuses de la licence et dans les canons de la série animée.

Pour rebondir sur la série de 1987, comment adapter sa DA en pixel art ?

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© Dotemu

Eric Lafontaine : le dessin animé de 1987 n’est pas qu’une référence graphique, c’est aussi notre base pour le script. Chaque niveau du jeu est conçu comme un épisode d’une série animée, nous avons même été jusqu’à reprendre en partie le scénario de certains épisodes de 1987. Les cinématiques et les transitions (en dehors de l’intro du jeu) reprennent pour leur part des scènes du jeu, mais en 2D et non plus en pixel art. Tout a été réalisé en interne.

En dehors des références à l’anime, il y a d’autres easter eggs ?

Eric Lafontaine : au début du projet, on s’est fait une liste de références à placer. Elle est gigantesque. Et elle s’est enrichie quand le jeu a été annoncé, des fans du monde entier nous ont écrit pour dire “il faut le perso XXX”, “il faut montrer la scène YYY”. Comme nous ne recyclons aucun élément, par exemple toutes les tuiles du jeu sont uniques et faites à la main, idem pour les arrière-plans, nous pouvons nous permettre de glisser énormément de références. Que ce soit des dessins, des textes, les noms des niveaux. Même les noms des achievements sont des références à l’univers des tortues, rien n’est laissé au hasard. La personne qui trouvera toutes les références pourra se targuer d’être un érudit des Tortues Ninja.

Les jeux de l’univers des tortues sont réputés pour leur difficulté (ah, le niveau sous-marin sur NES…). Est-ce que ça vous a guidé pour le level design ?

Eric Lafontaine : le mode histoire permet d’apprendre les patterns des boss sans trop galérer, en ne jouant que 20 minutes par-ci, par-là. Mais le mode arcade, lui, propose une expérience très classique avec un nombre fini de vie et de continues. Il y a d’ailleurs plusieurs niveaux de difficultés, à titre personnel je suis incapable de terminer le jeu en mode arcade difficile. Il y a aussi énormément d’achievements très exigeants: speed run, no hit… Et comme le gameplay est différent selon les personnage que l’on joue, on en a pour longtemps à tout maîtriser. Par exemple, Donatello a des attaques plus lentes qu’April ou Michelangelo mais qui ont une zone d’effet plus grande.

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© Dotemu

Avec quels personnages jouez-vous ?

Eric Lafontaine : je suis très fan de Splinter et April. J’ai toujours voulu jouer avec Splinter car, dans ma tête, c’était le plus puissant. Et April est tellement rapide, ses attaques sont tranchantes. Et je pense que les gens vont être agréablement surpris de sa jouabilité.

Cyril Imbert : en termes de gameplay, je préfère Raphaël et Donatello. Mais moi aussi j’avais le plus d’attente pour Splinter. Pour moi, il est comme un maître Jedi, il a la sagesse, la technique et la compassion. C’est un personnage parfait, j’avais hâte de pouvoir le manier et je n’ai pas été déçu.

Et pour ceux qui attendent Casey Jones ? 

Eric Lafontaine : c’est en effet un protagoniste qui nous a été très demandé. Même si on ne le voit qu’une fois dans la série de 1987, il a marqué les esprits. Sa mythologie s’est imposée et a grandi par elle-même. J’espère que l’on pourra l’ajouter plus tard, mais le message est bien reçu.

En parlant de plus tard, avez- vous déjà des plans ? Une suite, des dlcs ?  

Cyril Imbert : Nickelodeon ont forcément des plans, donc je ne peux répondre que pour nous. Mais de notre côté on attend de voir la réception du jeu avant de faire des plans sur la comète. Si le succès est au rendez-vous, nous ferons sûrement des ajouts : DLC, update, etc. Bien sûr, cela dépendra de nos partenaires de Tribute Games qui font le plus gros boulot sur le jeu.

Eric Lafontaine : la réception de l’annonce et de la démo du jeu à la PAX (Penny Arcade Expo, l’un des principaux salon du jeu vidéo aux USA, NDLR), a été incroyable. J’ai hâte que les joueurs streament leurs parties, surtout de les voir s’amuser en mode multijoueurs. On est déjà super content d’avoir pu travailler sur une licence si chère à nos cœur et qui plus est avec une partie du casting de l’époque. On est aux anges et tout ce qui arrive est du bonus.

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