Le nouveau musée des beaux-arts d’Anvers réveille notre imagination | Connaissance des Arts

Changer sans se dénaturer, c’était le pari de la rénovation entreprise par le musée des Beaux-arts d’Anvers (KMSKA). Un pari réussi, puisque le monumental édifice construit à la fin du XIXe siècle a su retrouver le bel ordonnancement d’origine, et, simultanément, s’ouvrir à une expérience architecturale contemporaine. L’agence néerlandaise Kaan Architecten a en effet proposé d’agrandir le musée en occupant tout le volume des cours intérieures, une extension invisible de l’extérieur, mais qui joue à l’intérieur une partition en rupture radicale avec les espaces historiques.


Action et contemplation

Néanmoins, la rénovation d’un musée ne se résume pas à un simple projet architectural. Cela implique aussi une profonde réflexion sur ce que représente une telle institution aujourd’hui, son rôle dans la société, sa capacité à transmettre un savoir et à éveiller les sensibilités. Elle suppose aussi de connaître ses publics et, peut-être, de se mettre à l’écoute de ses attentes, de ses envies. Une nécessité dans une ville multiculturelle comme Anvers, où plus de la moitié de la population est d’origine étrangère.

Le musée des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA), le plus grand musée de Flandre, a rouvert ses portes au public le 24 septembre 2022. ©KMSKA/Fille Roelants

« Notre ambition était de créer un musée qui satisfasse aussi bien le visiteur recherchant le calme et la contemplation, que celui qui est en quête d’action, d’expérience, explique Carmen Willems, la directrice du KMSKA. C’est un travail assez délicat pour une équipe de musée. Je crois que nous sommes arrivés à un bon équilibre. Un musée doit d’abord être conçu par ceux qui y travaillent, mais il est nécessaire d’avoir une participation du public. Il y a quatre ans, nous avons donc sélectionné 100 personnes auprès desquelles nous avons tout testé : les programmes pour les jeunes, les audioguides, les textes de salles, le parcours… avec toujours l’objectif de mieux faire, mieux expliquer. »

Le parcours des collections d'art moderne est articulé en fonction de notions formelles telles que la lumière, la forme ou la couleur. © KMSKA/Karin Borghouts

Le parcours des collections d’art moderne est articulé en fonction de notions formelles telles que la lumière, la forme ou la couleur. © KMSKA/Karin Borghouts

De Van Eyck à Ensor

Les conservateurs du musée ont commencé par refondre entièrement l’accrochage, en s’affranchissant du traditionnel déroulé chronologique au profit d’une approche thématique, jugée plus pertinente à une époque où la culture historique s’érode. Chaque salle de la partie ancienne est ainsi consacrée à un motif profane ou sacré. Il y est question, d’un côté, du pouvoir, de la morale, des loisirs, du peuple, de l’horizon, de l’abondance, de l’autre, de l’histoire du Christ, de la Passion, du mal, de la souffrance, de la rédemption, des Madones, du ciel, de la prière ou encore des saints.

Jan Van Eyck, Vierge à la Fontaine, vers 1439, huile sur bois, Anvers, musée des beaux-arts © IRPA-KIK, Bruxelles

Jan Van Eyck, Vierge à la Fontaine, vers 1439, huile sur bois, Anvers, musée des beaux-arts © IRPA-KIK, Bruxelles

Et la méditation sur ces grandes questions historico-religieuses s’appuie sur les chefs-d’œuvre de Van Eyck, Van der Weyden, Memling, Rubens, Van Dyck, Jordaens, Titien, Rembrandt… Côté moderne, le parcours est, lui, articulé en fonction de notions formelles : la lumière, la forme, la couleur. Toutefois, ce principe connaît une exception, puisqu’un ensemble monographique est consacré à James Ensor. Le KMSKA, en effet, possède la plus importante collection au monde du peintre, un véritable musée dans le musée : 40 tableaux, 660 dessins, des lettres, etc.

Vue des salles rénovées de l'ancien musée des beaux-arts d'Anvers © KMSKA/Karin Borghouts

Vue des salles rénovées de l’ancien musée des beaux-arts d’Anvers © KMSKA/Karin Borghouts

Démultiplier l’expérience visuelle

Mais il n’y a pas que des peintures et des sculptures dans les salles. Soucieux de proposer des approches diversifiées, le musée a mis en place plusieurs types de dispositifs complémentaires qui, d’une certaine manière, démultiplient l’expérience visuelle. Ici, une salle de réalité virtuelle permet de visiter l’atelier d’un peintre au XVIIe siècle, là, des projections de détails d’œuvres sur les murs d’une salle mettent l’œil au défi d’un changement d’échelle. Par ailleurs, devant certaines œuvres, ont été installées des bornes interactives : on y interroge des gens dont l’expérience personnelle entre en résonance avec le tableau, comme un ornithologue, une conseillère en deuil, un artiste, une travailleuse du sexe, et, même, la chanteuse soul Ikraaan.

Le musée des beaux-arts d'Anvers a mis en place différents dispositifs complémentaires à la visite qui visent à démultiplier l’expérience visuelle. ©KMSKA/Sanne De Block

Le musée des beaux-arts d’Anvers a mis en place différents dispositifs complémentaires à la visite qui visent à démultiplier l’expérience visuelle. ©KMSKA/Sanne De Block

La profusion visuelle trouve son pendant dans une proposition aussi simple qu’originale. Bart, médiateur non-voyant du musée, pose son petit studio devant une œuvre, et invite les visiteurs à s’asseoir à ses côtés pour lui décrire ce qu’ils voient. Un exercice d’attention qui rend possible une expérience plus approfondie, quand beaucoup se contentent d’un regard distrait en passant. Pour le visiteur qui se prête au jeu, c’est la garantie d’une sorte de révélation, car plus on regarde, plus on prend le temps d’observer, plus on voit de détails, de formes, plus l’œuvre s’imprime profondément en nous.

James Ensor, L'Intrigue, 1890, huile sur toile, Anvers, musée des beaux-arts © KMSKA

James Ensor, L’Intrigue, 1890, huile sur toile, Anvers, musée des beaux-arts © KMSKA

Réveiller l’imagination

Enfin, les enfants n’ont pas été oubliés. Pour ce faire, le musée a fait appel à l’artiste et scénographe Christophe Coppens. « Ma première pensée était que les tableaux sollicitent à tel point l’imagination que mon intervention serait superflue, explique-t-il. Toutefois, la mise en évidence d’un détail permet de réveiller l’imagination de l’enfant. Elle invite à regarder et à découvrir sous un angle différent. »

La nouvelle scénographie du musée des beaux-arts d'Anvers s'adresse à tous les publics. © KMSKA/Karin Borghouts

La nouvelle scénographie du musée des beaux-arts d’Anvers s’adresse à tous les publics. © KMSKA/Karin Borghouts

C’est ainsi qu’après avoir longuement considéré les tableaux de la collection, il a sélectionné dix œuvres, desquelles il a extrait un détail. Et celui-ci a pris la forme d’une sculpture, mais « je ne me suis pas contenté d’agrandir un détail, ce qui serait trop simpliste, poursuit-il. Je voyais une série d’œuvres tactiles, avec son ou mouvement, suscitant la réflexion et la fantaisie, incitant les visiteurs à s’égarer dans le tableau. » Au fil du parcours, se dresse, par exemple, un rocher massif venu d’une œuvre de Patinir, une main géante se meut au-dessus du Saint Jérôme de Marinus van Reymerswaele, dont elle est issue, tandis qu’un groupe de chameaux en peluche, taillés dans le même velours que les fauteuils, fait face à L’Adoration des Mages de Rubens. Une touche d’humour qui devrait aussi amuser les plus grands.

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