TEMOIGNAGE. La passion pour Harry Potter entretenue par la Gazette du Sorcier depuis 22 ans, et la magie demeure

Depuis l’année 2000, la Gazette du Sorcier est le principal média francophone de référence pour toute l’actualité liée au monde de Harry Potter, créé par l’autrice J.K. Rowling. Son rédacteur-en-chef – et éternel passionné – nous raconte.

Savez-vous ce qu’il se passe ce mercredi 11 mai 2022 ? Le troisième opus du film Les Animaux fantastiques entame sa quatrième semaine d’exploitation dans les salles obscures françaises.

Une date qui survient neuf jours après le 2 mai. Un jour historique, pas parce qu’on commémore l’arrestation d’Anne Boleyn ou qu’on célèbre la naissance de la tsarine Catherine II de Russie. Non : pour les Potterheads (les fans de Harry Potter), il s’agit – de manière informelle – de la journée internationale du petit sorcier à lunettes (remarquez, à la fin de la saga, il n’est plus si petit que ça).

Dans le monde francophone, l’actualité de Harry Potter est soigneusement dispensée par la Gazette du Sorcier (en référence au titre du journal sorcier dans le monde imaginé par l’autrice J.K. Rowling). Une publication numérique suivie par 108.000 personnes, et tenue par des bénévoles, mais d’une manière ô combien rigoureuse et professionnelle (au point que ses résultats figurent dans Google News). Plus professionnellement que bien des (vrais) médias, soit dit en passant. Et incomparablement plus que le (fictif) journal (ou tabloïd) dans Harry Potter qui relaie régulièrement la propagande du Ministère de la magie car il n’y a pas de liberté de la presse (en anglais, on l’appelle au passage le Daily Prophet, voir gif ci-dessous). 

L’histoire de cette Gazette, plus ancien site Web francophone consacré au sujet, commence en 2000. Étonnamment tôt, alors que l’Internet que nous connaissons croît en même temps que l’engouement mondial pour la saga Harry Potter. Le premier film n’était même pas encore sorti.

Onze ans plus tard, le dernier film est diffusé sur le grand écran. C’est aussi l’année de la reprise en main de la Gazette par le dénommé Pantalaemon (Corentin Faniel de son vrai nom, un attaché de presse parisien âgé de 30 ans dont la généalogie le relie à la maison de champagne sparnacienne Faniel et fils). Il en devient alors le nouveau rédacteur-en-chef.

Le Potterhead a expliqué les tenants et aboutissants de ce centre d’intérêt à France 3 Champagne-Ardenne. “On parle autant des livres et des films [la saga Harry Potter comme celle des Animaux fantastiques; ndlr]. Et ce qui constitue officiellement le Wizarding World, qu’on appelle nous le Monde magique : les parcs d’attraction, les jeux-vidéo, tout ça. Mais aussi le fandom : tout ce qui a été créé autour de Harry Potter par les fans : des films [de très bonne facture; ndlr], le Wizard Rock [musique sorcière… pas forcément rock; ndlr], le Quidditch moldu [sport magique – très physique – où le balai volant est remplacé par un manche à raclo; ndlr], des fanfictions de temps en temps… Tout ce qui gravite autour.” Sans oublier les produits dérivés, à commencer par les Lego

Et tout ça, “c’est pas fini”, comme on dirait dans une publicité pour SFR. Loin de là. “Beaucoup de choses contribuent à la continuité de cet univers. Et les fans d’hier sont les parents d’aujourd’hui : ils ont grandi avec Harry Potter, et transmettent aujourd’hui leur passion à leurs enfants. Il y a une nouvelle génération de fans qui arrive. C’est un lien qui unit des familles, mais aussi des groupes d’amis. Les fans se sont rassemblés autour de cet univers, ont parfois rencontré leur compagnon ou leur compagne de vie…” 

Les fans d’hier sont les parents d’aujourd’hui : ils ont grandi avec Harry Potter, et transmettent aujourd’hui leur passion à leurs enfants. Il y a une nouvelle génération de fans qui arrive.

Corentin Faniel, alias Pantalaemon, rédacteur en chef de la Gazette du Sorcier

“Et cet univers est encore alimenté par des nouveautés. De nouvelles éditions [des livres], des films rediffusés régulièrement à la télévision. Cet univers est omniprésent dans notre quotidien, encore aujourd’hui, notamment dans les médias. C’est difficile de passer à côté.” C’est une véritable synergie entre les fans, les maisons d’édition, et les studios de production. 

“Ce serait difficile de mettre ça de côté pour les fans. C’est quelque chose qui en a accompagné beaucoup dans leurs années les plus formatrices, ils ont grandi et se sont construit avec. Ça fait partie de leur identité et c’est important pour eux.” Il faut dire aussi que malgré leur classement dans la littérature jeunesse, les livres ont grandi en même temps que leur public, se sont complexifiés et assombris, ce qui se reflète aussi dans les films. Par exemple, le premier volet des Animaux fantastiques fait la part belle aux créatures mignonnes et à l’émotion, mais dépeint aussi un début de scène d’exécution particulièrement glauque.

“Déjà l’époque, même sans avoir grandi avec, certains adultes aimaient déjà beaucoup cet univers grand public, cette saga littéraire, ses thèmes universels”. On retiendra qu’il est impossible d’établir le profil-type d’un ou une Potterhead. La passion est prévalente à tous les âges, chez les filles et les garçons ainsi que toutes les personnes ne se reconnaissant pas dans cette binarité, et dans toutes les classes sociales. 

Une passion née des livres, ou des films, ou de leur complémentarité. Qui s’exprime par de multiples aspects, du cosplay (se grimer en sorcier ou sorcière) à la participation à des conventions Harry Potter, en passant par la reconstitution virtuelle de Poudlard, l’école de sorcellerie. Même dans l’Éducation nationale, ce monde magique imprime parfois sa patte, de l’école primaire au lycée. “Chacun vit sa fanitude de manière différente et personnelle.” 

Quoi qu’il en soit, “une génération a été plus marquée par cette saga. Celle qui a grandi avec et qui avait une dizaine d’années au moment de la sortie, qui approche ou est rentrée dans la trentaine. Elle a vécu la sortie des livres et des films. Il y a un avant et un après la sortie du dernier livre.” Quand on faisait la queue devant la librairie à minuit pour obtenir le dernier exemplaire sorti… “C’est une expérience de lecture très différente, de devoir attendre les tomes suivants; ou de pouvoir tout lire d’un coup si on a envie.” 

De son côté, la passion de Corentin Faniel s’est exprimée au travers de sa plume, via la publication d’articles à la Gazette du Sorcier. D’abord pour “donner un coup de main”, qui deviendra peu à peu “des centaines voire des milliers d’articles”. Il finira carrément par “la faire perdurer” en en prenant les rênes quand il faudra qu’elle trouve un second souffle. “Ça m’a apporté un cercle d’amis. Je suis un Potterhead un peu particulier, de par mon implication dans un site de fans : j’ai eu la chance de vivre des expériences que tous les fans n’ont pas pu vivre [participation à l’avant-première du dernier film sur Trafalgar Square par exemple, son plus beau souvenir; ndlr].” Le passionné a même créé une équipe de Quidditch à son université (il y en a aussi une en Alsace, région dont J.K. Rowling est d’ailleurs originaire).

“Ça m’a aussi [donné] une envie de découvrir et étudier la littérature, de me pencher sur la construction et la symbolique de la saga. Ça m’a amené des questionnements, des réflexions. Après, je pense que beaucoup de livres peuvent faire ça, mais personnellement, c’est ce que la saga m’a apporté.” Avec ainsi autant de pistes et d’idées pour continuer à proposer, même après dix ou vingt ans, des articles inédits dans la Gazette, “de manière communautaire, et quasi-journalistique”

Les actualités – toujours sourcées – restent régulières, bénéficiant parfois des échos des sites de fans à l’internationale : MuggleNet (en anglais) constitue la référence mondiale, et ne précède la Gazette du Sorcier que d’une seule année. Mais la majeure partie des informations provient surtout d’un bon carnet de contacts chez les entités gravitant autour de Harry Potter (acquis “avec du temps et de la passion”). On peut citer les studios Warner, les maisons d’édition Gallimard ou Bloomsbury outre-Manche, Lego et Noble Collection qui proposent de sempiternelles nouvelles sorties de produits dérivés, mais aussi l’atelier MinaLima à l’origine des mille et un détails graphiques dont regorgent les décors des films (voir leur incroyable vitrine londonienne dans la vue panoramique ci-dessous). 


“C’est un travail de longue haleine. La
Gazette n’a pas tout de suite été reconnue comme un média sérieux. C’est compliqué pour tous les sites de fans dans le monde d’être [considérés] comme des interlocuteurs légitimes. On en est arrivé là parce qu’un groupe de passionnés a consacré des heures de temps libre pour montrer qu’ils étaient légitimes et pouvaient produire un contenu de qualité. Apporter tant aux fans qu’aux ayants-droits, et que c’était dans l’intérêt de tout le monde.” 

Entre deux actus, on trouve du fouinage dans les détails, du découpage d’idées reçues, ou quelques “remises de rumeurs dans leur contexte” (avoir 22 ans d’archives aide à remettre l’église au milieu du village, ou plutôt le gnome hors du jardin). Mais aussi des décryptages où les journalistes de la Gazette n’ont pas peur de mettre les pieds dans le plat, même si ça ne fait pas le jeu de la Warner. On citera le rappel des regrettables positions transphobes de J.K. Rowling; ou bien le décorticage de la nouvelle pièce de théâtre, contrevenant aux informations savamment distillées au fil des sept tomes de la saga. Un article en particulier montre aussi que l’autrice a été prise en flagrant délit de glissage de poussière sous le tapis quand on lui a fait remarquer qu’elle faisait apparaître un de ses personnages dans Les Animaux fantastiques… des décennies avant sa naissance. 

De quoi entraîner des réflexions – intéressantes – sur la notion de canon (tout ce qui fait partie de l’univers Harry Potter avec sérieux et cohérence) et sur la limite que doit se fixer l’écrivaine. Cette dernière est connue pour l’immense richesse et régularité de son univers, mais aussi pour s’être déjà trompée, ses erreurs de calcul, et la part croissante de ses improvisations. On peut parler alors de “mort de l’auteur”, du point de vue littéraire évidemment. “On a des preuves qu’elles ne maîtrise pas son univers à 100%. Et c’est logique : il est gigantesque et il y a des détails dans tous les sens. Elle est humaine.” Les encyclopédies en ligne des fans (voir le touffu Wiki Harry Potter), “dont l’expertise est reconnue et qui connaissent mieux son univers qu’elle”, étaient d’ailleurs utilisées par les équipes de tournage des films, “pour être sûres de ne pas faire d’erreur”, quand bien même J.K. Rowling était présente pour donner réponse à tout. Une portion des fans la juge toutefois infaillible.

Évidemment, “parler des aspects problématiques n’empêche pas de parler aussi des aspects positifs et de la richesse de cet univers fictif”. On en retrouve pas mal dans des analyses parfois très poussées sur la saga, proposées par l’équipe de la Gazette, qui compte une trentaine de personnes. Mention aux Aspics, des podcasts très fouillés et “passionnants menés par Marjolaine et Alix avec des universitaires”, qui traitent d’absolument tous les sujets possibles dans Harry Potter, par exemple sa dimension politique et violente.

“Un article sur lequel j’ai beaucoup travaillé, c’est la Pottercarte. J’y ai répertorié tous les lieux qui ont servi pour le tournage ou l’inspiration des décors des films, ou pour les livres, les endroits où l’autrice a rédigé les tomes.” Un sacré travail car pas mal de désinformation circule sur le sujet. “Beaucoup de rues, de châteaux se revendiquent d’avoir été une source d’inspiration. Cette carte permet d’apporter une clarification. Par exemple, la librairie Lello à Porto est très belle, et pendant des années, a affirmé avoir inspiré la bibliothèque de Poudlard [l’école de magie; ndlr] à J.K. Rowling puisqu’elle a vécu au Portugal. En fait, elle a dit plus tard qu’elle n’y avait jamais mis les pieds.” Et écorné un business particulièrement lucratif, car l’entrée y était devenue payante.

La Gazette a fort à faire, car Harry Potter, sujet ô combien viral, est une source de désinformation majeure, parfois entretenue par des médias pourtant réputés, et qui peut avoir des conséquences. Plusieurs articles ont dû être publiés pour démentir la publication de nouveaux textes inédits pour Noël, d’un nouveau film, d’une série. Exemple plus récent : l’équipe a dû infirmer l’exclusion de J.K. Rowling du rendez-vous télévisé des 20 ans. Au contraire, elle y a été invitée mais a refusé, et elle apparaissait dans des images d’archives. Mais les médias ont tourné en boucle sur son absence en omettant le reste. Ainsi, l’équipe en est venue à carrément proposer aux (vrai(e)s) journalistes de relire leurs articles ou de leur expliquer certains points de l’univers.

“Je doute que les journalistes aient envie de relayer des informations erronées ou incomplètes. Malheureusement, on est dans un système médiatique qui se cherche encore avec le fonctionnement d’Internet, les accès gratuits, le financement d’une information de qualité. On sait qu’actuellement, le financement passe beaucoup par le clic, par le nombre de visites. Ça a des conséquences sur les titres des articles, pas toujours choisis par les journalistes ayant recherché les informations, qui sont là pour attirer les lecteurs. Harry Potter est un sujet facile, qui fait vendre et cliquer. Et malheureusement, aujourd’hui, peu de journalistes ont le temps de traiter des sujets en profondeur. Ça amène parfois à ne pas pouvoir chercher un contexte, une information.”

Harry Potter est un sujet facile, qui fait vendre et cliquer.

Corentin Faniel, alias Pantalaemon, rédacteur en chef de la Gazette du Sorcier

“La Gazette a le bénéfice d’être un site bénévole : les clics et visites n’ont pas de rôle important à jouer pour la rédaction. Ce n’est pas comme ça que le site se finance, et il peut donc se permettre d’avoir des articles qui ne sortent pas dans la seconde, [sans] titres accrocheurs. Il y a aussi un historique, on a des fans qui ont longtemps été impliqués dans le fandom et suivent l’information au plus près depuis dix ans. Ils savent donc ce qui s’est dit, faire des liens entre des éléments d’information à gauche et à droite. Quand on maîtrise un sujet, on peut prendre plus de distance.” À noter qu’“Harry Potter est un sujet de pop culture [que les médias vont] estimer léger : c’est du loisir pour beaucoup. [Il y a] une tendance à dire : c’est pas grave, pas important si on fait une petite erreur.” 

Corentin Faniel prend l’exemple du tournage d’un clip au parc d’attractions Harry Potter, assimilé à tort à un nouveau long-métrage par beaucoup de médias. “On peut se dire que ça ne changera pas le monde. C’est vrai, mais d’un autre côté, ça montre un problème plus compliqué. Quelqu’un qui se rendra compte de cette erreur, de ce manque d’attention pour un sujet trivial, pourra se demander : à quel point c’est le cas pour des sujets que je ne maîtrise pas, à quel point les journalistes déforment dans des thèmes où ils ne sont pas experts ? On arrive alors sur un cycle beaucoup plus négatif de remise en cause des médias.”

Outre son travail journalistique (et de sympathiques tutoriels pour créer des objets du quotidien estampillés Harry Potter), l’équipe de la Gazette du Sorcier fait régulièrement vivre le fandom pour de vrai. Elle organise depuis une dizaine d’années des évènements, participant à des conventions, ou donnant des conférences. “Car on est là pour partager une passion. Les conversations en ligne peuvent faire vivre un fandom très longtemps, mais les rencontres sont aussi des moments importants [l’équipe dispose même d’une véritable ludothèque ambulante pour s’amuser en vrai; ndlr].” Corentin Faniel a d’ailleurs fait office de conférencier à deux reprises lors des nuits Harry Potter à Charleville-Mézières (Ardennes) : en 2017 à la médiathèque Voyelles, et en 2020 chez Rimbaud. Et ce ne sera probablement pas la dernière, car “même si peu de choses sont éternelles”, la magie ne risque pas de s’éteindre de sitôt…

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