Bill Callahan, Thomas Kahn, Pixies, Alexis HK… Notre sélection musicale de la semaine . Sport

Pendant longtemps, Bill Callahan, 56 ans aujourd’hui, a incarné une certaine idée du folk rock alternatif américain, un peu dépressif, souvent en colère, cabossé et à vif, à coup sûr émouvant. Que ce soit sous le nom de Smog – Red Apple Falls (1997) et Knock Knock (1999) restent incontournables – et ensuite en solo. Et puis, au milieu des années 2010, l’éternel mélancolique, parfois tête de lard, s’est marié et est devenu père deux fois. Et ça l’a totalement transformé.

Plus apaisé, presque souriant par moments, celui que l’on imaginait volontiers comme un Droopy country se montre, depuis la parution de Shepherd in a Sheepskin Vest (2019) sous un jour plus bienveillant. « Si tu arrives à t’exprimer sans ironie, ça touche d’autant plus les gens », avoue-t-il depuis Austin (Texas), où il réside.

Cette mue s’entendait sur le très beau Gold Record (2020), elle saute encore aux oreilles sur le magnifique Ytilaer, reality (réalité) écrit à l’envers, « comme de la sorcellerie, quand les formules se révèlent seulement quand on les regarde dans un miroir », explique-t-il.

Entre éloge de la nature et chansons d’amour, ce 8e album en solo, le 22e en tout, est pourtant loin d’être une bluette. Bill Callahan, qui n’a jamais aussi bien chanté, y tutoie dans la profondeur de sa voix les sommets (ou les abîmes, c’est selon) d’un Leonard Cohen.

« Je n’étais sûr de rien »

Son enregistrement n’a pas été une sinécure. Bill Callahan a dû s’y reprendre à deux fois à cause de problèmes techniques qui ont rendu les premières prises inutilisables. Il avoue aussi avoir beaucoup douté : « Habituellement, j’ai un son en tête. Pour cet album, je n’étais sûr de rien », confie-t-il.

Le doute lui a réussi tant ce disque, avec un groupe plus fourni qu’à l’accoutumée, avec d’autres voix aussi, montre un Callahan au sommet de son art. Il reste traversé de colère froide, notamment sur le bouleversant Naked Souls, où il évoque les violences policières et les fusillades qui frappent l’Amérique.

Ailleurs, il fait penser à un Nick Cave moins électrique (l’hypnotique Bowevil), sait se faire presque guilleret (le très pop Natural Information, le léger Last One At The Party) et se montre surtout contemplatif au gré de plusieurs chansons qui semblent flotter dans l’air.

La plupart des titres de cet album dépassent les cinq minutes, laissant le temps à la musique de Bill Callahan de se déployer, de se faire encore plus insaisissable. Plein d’humanité et de tendresse, Ytilaer se révèle un disque bouleversant, où il fait bon se réfugier. (Philippe Mathé)

Ytilaer, 12 titres, 61 minutes. (Drag City/Modulor)

La découverte : Thomas Kahn

Soul. Thomas Kahn a fait un bout de chemin avant de trouver sa voix. Celle de l’âme, de la soul. À la base, il baignait plutôt dans le milieu rock. Graphiste pour des pochettes de disques, des affiches. Fan de Rage Against The Machine. « J’avais des choses en moi plus douces à exprimer que ce style de musique ne pouvait rendre. J’ai commencé à me rapprocher de la soul. » Après avoir fricoté avec le reggae. Chanter absolument, même dans le métro parisien.

Ado, il reprenait Georgia On My Mind, de l’éclatant Ray Charles, ou Walk The Line, du sombre Johnny Cash. Aujourd’hui, il fait de la soul d’une très grande classe. Quand on écoute ce second album, on pense à une nouvelle pépite américaine de labels comme Colemine ou Big Crown. Cette voix ne vient pas de New York, mais de Clermont-Ferrand. C’est extrêmement bien produit, très soigné. C’est un bel hommage à Otis Redding, Sam Cooke. Plus proche de nous, on pense aux Black Pumas et à Charles Bradley. Cuivres, claviers et chœurs accompagnent à merveille la voix de Thomas Kahn. (Jean-Marc Pinson)

This Is Real, Musique Sauvage, 13 titres, 46 min.

Les vétérans : Pixies

Rock. Le risque pour un groupe au style aussi particulier et influent que celui des Pixies est de tenter de se mettre dans les pas des quatre albums cultes d’avant leur séparation. De retour sur les routes depuis 2004, Pixies ressort des disques depuis 2014. Les deux premiers étaient dignes mais moyennement excitants. Le Beneath the Eyrie de 2019 prouvait que le groupe mené par Black Francis et Joey Santiago savait creuser plus profond dans le registre du folk rock mélodieusement hanté.

Doggerel confirme, avec des accents western grand écran marqués sur plusieurs titres, dont le mémorable single Vault of Heaven, ou encore de nouvelles manières de trousser des ballades semi-acoustiques. Le jeu comme les chœurs de la bassiste Paz Lenchantin ne nous font même plus regretter l’absence de Kim Deal. Et si le surnaturel traverse toujours les paroles cryptiques de Black Francis, le songwriter ironise aussi sur les promesses de bonheur high-tech (Get Simulated). L’esprit et l’essence des Pixies, sans le poids du passé. (Philippe Richard)

Doggerel, Infectious, 12 titres, 42 min.

La valeur sûre : Alexis HK

Chanson. Doux-amer… Voilà l’expression qui nous vient à l’esprit à l’écoute de ce huitième album d’Alexis HK. Comme si l’époque inspirait en ce sens les mots délicats de l’auteur-compositeur installé dans le vignoble nantais. Dès le premier titre, Bobo Playground, le ton est donné : « Gentil paysan, ne sois pas amer/Un jour toi aussi tu revendras ta longère/Pour deux fois le prix d’une villa en bord de mer/Quand les start-uppers rechercheront le grand air… » Et comme la chanson peut tout se permettre, le titre qui suit voit Donald Trump devenir bon, pacifiste, écolo…

Alexis HK observe ainsi son époque avec une bonne dose de dérision, entre la mère d’hier et d’aujourd’hui, le jeune rappeur et le p’tit vieux, les rêves de Lune et les rêves de nul, la maison solitaire et le grand immeuble. Des histoires d’aujourd’hui racontées sur une pop élégante qui se termine, l’œil gris, sur les trottoirs habités de la Ville-lumière : « Je voudrais demander pardon/Je voudrais me faire acquitter/Quand l’indifférence répond/À la fin de la dignité… » (Michel Troadec)

Bobo Playground, 12 titres, 44 min.

 

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