Les destinations cherchent à se distinguer sur le plan culturel

Chaque année, des millions de touristes visitent des musées et d’autres sites culturels ou patrimoniaux pendant leur séjour. Selon l’Observatoire de fréquentation des sites culturels et touristiques, sur les 94 sites français sondés, presque 20 millions de visiteurs sont passés par leurs portes en 2019. En 2021, ce nombre a chuté de quelque 47 % à 10,4 millions. Avec la reprise du voyage dans le monde d’après-crise, les acteurs de la culture et du patrimoine se réinventent pour séduire de nouveau les voyageurs.

La France est la première destination touristique mondiale. Les visiteurs étrangers constituent un pourcentage important du nombre des entrées dans les musées, châteaux ou autres sites culturels français. Plusieurs sites à travers l’Hexagone font peau neuve ou intègrent des éléments technologiques dans leur offre pour se différencier de la concurrence et inciter les clients à revenir. 

A Paris, le musée de Cluny a suivi d’importants travaux de rénovation. Les bâtiments ont été restaurés, un nouvel espace d’accueil a été construit et tous les espaces ont été rendus accessibles aux personnes à mobilité réduite. En outre, ces travaux permettent au musée de présenter ses collections de manière renouvelée et de tracer un nouveau parcours pour les visiteurs. Le pari semble être réussi pour le moment. Au cours du premier mois après sa réouverture en mai 2022, le musée a accueilli plus de 43 000 visiteurs, soit une augmentation de 119 % par rapport à sa fréquentation mensuelle moyenne d’avant. Il faut noter que le musée a connu sept ans de travaux et que de tels chiffres peuvent s’expliquer par la curiosité du public à voir le nouvel espace. Reste à savoir si cette progression se confirmera. 

D’autres sites dans la capitale prennent des mesures moins lourdes pour revitaliser leur offre. Récemment, le musée Grévin et l’Institut du monde arabe se sont tournés vers les expériences immersives pour attirer les visiteurs. Pour célébrer ses 140 ans, le musée Grévin a accueilli deux nouvelles aventures immersives : Les Apaches de Paris et L’Armoire aux rêves. Le premier est une soirée immersive d’une durée de 90 minutes, où les visiteurs se plongent dans le grand banditisme parisien du début du XXe siècle. Le deuxième est un mélange entre escape game, jeu de rôle et théâtre immersif qui dure 30 minutes. 

L’Institut du Monde Arabe va plus loin encore, en misant sur la réalité virtuelle pour immerger ses visiteurs. Proposée par la société Emissive, L’Horizon de Khéops est une expédition immersive qui transporte ses visiteurs 2 600 ans avant notre ère, au temps des funérailles du roi Khéops. Grâce à un casque de réalité virtuelle, les visiteurs sont libres de se déplacer et de vivre des sensations réalistes en Egypte sous la IVe dynastie. Pendant 45 minutes, ils peuvent visiter le palais du roi, la pyramide de Khéops, ainsi que le Nil tel qu’il était à l’époque. 

Cette nouvelle offre plus technologique ne se limite pas à la ville. L’association Les nouveaux chevaliers de Brocéliande s’est lancée dans la réalité augmentée au printemps 2022. Au cœur de la forêt de Brocéliande en Bretagne, la société KaviAR Tech présente une expérience de réalité augmentée inspirée des chevaliers de la légende arthurienne. La pièce maîtresse de l’expérience est une impressionnante réincarnation de la table-ronde de la légende, faite par l’artiste Mickaël Thomazo. Ensuite, une application créée par KaviAR Tech guide les visiteurs dans la forêt jusqu’à la table-ronde. Sur la route, ils peuvent croiser les chevaliers, Merlin, le Graal et participer à un quizz. Enfin, chaque chevalier dispose d’un QR Code que les visiteurs peuvent scanner afin d’obtenir des informations. 

A l’instar de nouvelles technologies comme la réalité augmentée ou la réalité virtuelle, il existe d’autres moyens numériques qui séduisent les destinations et les sites culturels. Cyberdrone permet à des ruines de site archéologiques de revivre grâce à ses Drone Light Shows. Les drones servent à compléter l’architecture d’origine des ruines. La lumière émise par les drones dessine la façade de la structure comme elle apparaissait à son apogée pour que les visiteurs puissent visualiser le site de la même manière que leurs ancêtres. 

Le Web3 vient également bouleverser le monde de la culture. Une évolution du Web2, le Web3 est l’idée d’un Web décentralisé, basé sur la blockchain et libéré de la domination des géants numériques, comme Google ou Microsoft, entre autres. Les NFT en font partie et ces certifications numériques commencent à laisser leur trace sur le plan culturel. Lors du congrès Métaculture, qui aura lieu en janvier 2023, plus de 100 artistes arabes exposeront leurs œuvres NFT à l’Institut du Monde Arabe. C’est un premier dans un musée français. A part l’exposition d’œuvres NFT, l’évènement comprendra des débats, ateliers découvertes et échanges avec les artistes pour ceux qui sont curieux d’en apprendre plus sur tout ce qui est Web3, cryptomonnaies, NFT. 

Certaines régions françaises promeuvent très activement l’innovation et la technologie dans l’offre culturelle. En mai 2022, la région Auvergne-Rhône-Alpes a lancé la troisième édition de son appel à projets « Patrimoine et Numérique ». Il permet d’accompagner les sites patrimoniaux et les musées dans le développement d’outils numériques de médiation et/ou d’aide à la visite. Depuis 2019, 61 projets ont déjà été sélectionnés et soutenus par la région. 

Whatizis est une application qui cherche à démocratiser davantage la culture. Il suffit de télécharger l’appli sur son smartphone pour pouvoir accéder à des informations sur des dizaines, voire des centaines, de monuments selon la ville. En scannant les monuments et œuvres d’art qu’il croise lors de sa visite, le visiteur peut avoir le nom et les caractéristiques de la pièce et écouter un court guide audio ou lire un texte explicatif. En collaboration avec Destination Rennes, l’application s’est lancée dans la capitale bretonne en juin dernier. Pour débuter, 55 monuments et œuvres d’art à Rennes sont concernés, mais cette liste sera étoffée au cours des prochains mois. 

Un autre facteur du monde d’après-Covid auquel les acteurs de la culture doivent faire face est la crise du coût de la vie. Une start-up néerlandaise, Convious, a développé un outil permettant aux visiteurs de définir le prix qui leur semble juste pour l’achat d’un billet d’entrée. « Name Your Own Price » se base sur un système de contre-enchères et est disponible pour les parcs de loisir et de culture. Le visiteur propose un tarif, si la remise demandée est trop importante pour le site il peut la refuser. Ensuite, le visiteur est invité à faire une nouvelle proposition jusqu’à ce que le prix soit acceptable pour les deux parties. 

L’intégration de nouvelles technologies dans les sites culturels est une tendance qui se confirme également à travers le monde. A Hambourg, la société française, Culturespaces exporte ses installations numériques immersives. Le Port des Lumières s’installe dans le quartier de HafenCity où il présente des expositions immersives de maîtres de la peinture, tels que Cézanne, van Gogh ou encore Klimt. Les œuvres sont projetées sur les sols et les murs pour immerger les visiteurs dans chaque tableau. Preuve de la réussite de son offre, Culturespaces prépare d’autres ouvertures à Amsterdam, Séoul et New York. 

Les classiques de l’ère informatique ont cependant toujours leur place et savent séduire les acteurs de la culture. Un nouveau musée à Stockholm a ouvert ses portes en avril 2022, son concept se tourne autour d’un autre pilier de la XXIe siècle : le selfie. Il n’a pas d’œuvre à afficher sur ses murs. C’est le visiteur qui fait l’œuvre. A travers ses différentes salles, dont une salle emoji, il offre un cadre coloré et excentrique où les visiteurs sont invités à prendre leur meilleur selfie et le partager sur les réseaux sociaux. Il s’agit de la deuxième ouverture d’un musée de ce type, d’autres sont prévues en Allemagne et à Dubaï. 

Au-delà de la technologie et du numérique, certaines destinations cherchent des moyens « offline » pour attirer des visiteurs. Le musée préfectoral de Tottori, au Japon, a invité ses clients à se déguiser en T-Rex pour l’inauguration de son exposition sur les tyrannosaures. Au Canada, la ville d’Ottawa a opté pour l’ampleur afin de créer du buzz. Elle a ouvert 76 nouveaux musées en une journée. La campagne « Unofficial Museums » a décerné le titre de « musée » à des festivals, salles de concert, restaurants et attractions dans le but de mettre en lumière l’offre culturelle de la ville et attirer des voyageurs dans la capitale canadienne. 

Une autre arme toujours aussi fiable pour faire venir les visiteurs est le décernement d’un prix. Et il n’y a pas de mieux que le dispositif Capitale européenne de la Culture. Pour l’édition 2028, plusieurs villes françaises ont déjà annoncé leur candidature, dont Montpellier, Bourges, Rouen, Bastia ou encore Amiens. Devenir capitale de la culture permet à une ville de transformer durablement son territoire et son image par le biais de la culture. Rouen noue un partenariat avec l’Armada afin de renforcer ses chances face aux concurrents nationaux. L’association Armada de la Liberté organise tous les quatre ans un rassemblement mondial de grands voiliers et navires maritimes à Rouen. L’évènement attire en moyenne 6 millions de visiteurs dans la ville normande. 

Un monde aussi diversifié et riche que le monde de la culture mérite les meilleures chances de réussir. Il existe de nombreuses pistes pour aider les sites culturels à prospérer après deux années extrêmement éprouvantes. Le secteur s’est déjà montré innovant et prêt à adopter de nouvelles technologies et d’autres moyens novateurs afin de renouveler son offre et répondre aux besoins changeant des consommateurs. Pour les destinations, revitaliser ou revaloriser un lieu patrimonial et culturel c’est aussi un moyen d’attirer de nouveaux visiteurs. En témoignent les routes culturelles qui sont développées au niveau européen autour du riche patrimoine culturel et historique européen. Il reste à voir maintenant quels fruits porteront ces transformations. 

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