« La Motivation » par la Cie Le dénouement qu’on voudrait | ARTCENA

Alors que des centaines de milliers de salariés quittent leurs bullshit jobs (théorie de Graeber sur les boulots de merde qu’offre le secteur tertiaire) aux États-Unis ou en France, voilà qu’un nouveau spectacle aborde la thématique du travail. On se souvient de l’hilarant et bien senti Tripalium de Marzouk Machine. Ici, c’est la compagnie Le Dénouement Qu’on Voudrait qui s’y colle avec insolence et précision. Alice, interprétée par Aurélia Tastet, est une jeune femme qui a la gagne, fraîchement embauchée dans une start up qui mise sur l’orientation scolaire et professionnelle. L’entretien d’embauche constitue, en soi, un morceau de choix.

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© Susy Lagrange

 

« Une réincarnation de Karl Marx version mignonne »

La violence du milieu du travail est auscultée : celui qui fait souffrir, qui impose un sourire forcé, une « com » complètement débilitante, un « pompon de la parole » amérindien pour partager équitablement la parole en réunion. On rit… jaune. Le jeu est impec, chargé de rires nerveux et de phrases syncopées qui trahissent une candidate au bord de la crise de nerfs. Tous les éléments de langage du neuro-marking apparaissent dans leur cruauté manipulatrice.

La comédienne, impétueuse, est aussi survoltée qu’un cadre cocaïné. Elle change sans cesse de personnage, de costume, de posture. Elle surfe sur sa partition, façon show de motivation à l’américaine, galvanise la foule des salariés, habillée en mascotte lapin. L’ensemble est mené à un train d’enfer. C’est une vraie performance ! Au-delà de l’interprétation drolatique qui mérite vraiment le détour, ce solo est très pédagogique. On y apprend que quinze heures de travail suffiraient par semaine pour la subsistance. On y pose les bonnes questions : pourquoi travailler tant ? À qui profite notre épuisement et notre motivation au travail ? Ce lapin est beaucoup moins nunuche qu’il n’y paraît ! Un vrai marxiste militant. Une satire subtile qui libère nos corps et nos esprits pressurisés. Une incitation à déserter. Lucide, ingénieuse et… généreuse.

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© Susy Lagrange

 

Aux chiottes, l’inconscient

« Solo de clowne sur remorque pour espace public et psychique diarrhée verbale à base d’introspection projetée d’inconscient pré mâché destiné à cultiver la joie et à se regarder dans la face cachée de l’iceberg… » : le texte de l’affiche annonce la couleur (verdâtre un peu flippante). De la logorrhée, il y en aura ! Ici, on vous conseille tout de go « va consulter quelqu’un ! » Il s’agit de tout comprendre de Freud, Lacan, des emmerdes avec la famille, des histoires de cul foireuses, du Surmoi qui fait chier et du ça qui provoque des conneries monumentales.

Quand on arrive à la représentation, on trouve toutefois un autre personnage que la blondie de la publicité. Une clowne punk-trash – on reconnaît Moumoute réchappée de son duo avec Kalach – fustige les stages de sensibilisation à la bienveillance : dentition pourrie, veste en cuir qui rappelle vaguement la Gestapo, à la main une faux et un panneau « C’est pas encore l’heure ». Avec sa langue bien pendue, Hélène Vieilletoile assure l’impro, accueille chacun·e façon amour vache. Un pré-jeu Destop, pour préparer le transit.

En un tour de remorque, elle réapparaît en psychanalyste de choc : clowne hystéro-intello, pétulante blonde platine à lunettes pailletées, gants Mappa et culotte qui rentre dans la fente. Diction impeccablement dingue. Elle déraille savamment autour d’une phrase de Blaise Pascal et des topiques du maître viennois qu’elle maîtrise plutôt bien, puis reprend les rênes pour évoquer finement les angoisses de mort. L’ensemble de son savoir est dispensé sur des toilettes, le fameux kabinet, où elle règne avec bonne humeur et perspicacité. Son humour grinçant et son grand sens de la sortie de jeu font mouche.

Le rythme se joue pied au plancher, en faisant craquer l’embrayage. La vulgarisation scientifique vaut son pesant de cacahuètes, mais surtout quelle énergie ! Elle ne lâche rien. Un corps électrisé par la conviction et le plaisir de transmettre. On adore le « chachacha », une théorie perso qui ouvre de nouvelles perspectives : ce serait une pulsion de fête et de rencontre de l’autre. C’est ça qu’elle maîtrise si bien, ce « chachacha » qui nous suspend à ses lèvres, qui fait la joie sauvage de cette consultation assumant ses névroses. Jolis lapsus. Décidément, ça travaille !

La Motivation par la Cie Le dénouement qu’on voudrait. 

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