30 ans après, le légendaire magazine rock Creem revient

À l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Prince, Rolling Stone replonge dans ses plus grands morceaux.

« Ce qui manque à la musique pop, c’est le danger« , a déclaré Prince dans une interview accordée au Guardian en 2006. « Il n’y a pas d’excitation et de mystère. » Il faut dire que le danger, l’excitation et le mystère ont été les cartes de visite de Prince depuis le début de sa carrière à la fin des années 70.

De son apogée critique et commercial avec Purple Rain à sa dernière tournée Piano and a Microphone, Prince n’est jamais resté inactif. Bien sûr, il n’a jamais eu de mal à faire les gros titres et avait un talent indéniable pour le scandale, mais ce qui a vraiment touché le monde, c’est sa musique – des chansons qui nous ont émus plus que les mots peuvent le décrire.

Un « exercice funk sobre et soigneusement élaboré« , c’est ainsi que le Los Angeles Times a décrit le premier single de Prince dans une critique des débuts du chanteurs sur la scène du Roxy à Los Angeles en novembre 1979. Rétrospectivement, c’est une évaluation prudente, mais elle est compréhensible : Prince n’avait que 21 ans à l’époque, et son style flamboyant ne s’était pas encore totalement distancié du disco. Mais tout était déjà là. Avec « I Wanna Be Your Lover », Prince annonce la couleur – il ne reste plus au monde qu’à relever son défi.

Selon la légende, la plus grande chanson jamais écrite sur un triangle amoureux bisexuel a été écrite par Prince alors qu’il se trouvait dans une chambre d’hôtel de Floride après qu’il ait refusé d’aller à Disney World. Ou, selon une autre histoire, cela ce serait passé dans une chambre d’hôtel de Birmingham, en Alabama, alors qu’il écoutait John Lennon. Quoi qu’il en soit, le deuxième morceau extrait de Dirty Mind est un chef-d’œuvre de New-Wave-funk rappelant autant Blondie que James Brown. Cyndi Lauper l’a repris trois ans plus tard sur son l’album She’s So Unusual. Mitch Ryder et Crooked Fingers ont pour leur part livré des versions rock et folk dépouillées, mais personne n’a su capturer l’esprit de l’original, qui donne l’impression d’une bacchanale romaine se déroulant au CBGB.

Avec son beat entêtant et son groove tout synthétique 100% P-Funk, le 13ème single de Prince contrebalance avec élégance la vague conservatrice qui s’abat sur les USA après l’élection de Reagan. Visant à faire taire les spéculations du public sur ses préférences sexuelles et politiques, Prince pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses : « Suis-je noir ou blanc ? Suis-je hétéro ou gay ? »; « Est-ce que je crois en Dieu ? Est-ce que je crois en moi ? » Il détourne la morale américaine et en fait son jouet, avec classe – comme d’habitude.

4 – « 1999 » (1982)

Lorsque Prince a enregistré 1999, il passait des journées et des nuits entières sans dormir, refusant de manger car cela le ralentissait. Quand l’hymne apocalyptique de Prince est finalement sorti en 1982, la guerre nucléaire, semblait-il, n’était plus qu’une question de quand, pas de si. Et c’est dans cette atmosphère, que Prince s’est une nouvelle fois imposer : « La vie n’est qu’une fête, et les fêtes ne sont pas censées durer. » La fin du monde n’a jamais semblé aussi sexy.

5 – « Little Red Corvette » (1983)

Le refrain du premier tube de Prince suggère qu’il s’agit d’une simple chanson de voiture. Mais regardez sous le capot, ça ne parle que de sexe (le jeu de mots autours de « Trojan horse » est particulièrement inspiré). Malgré les allusions à la chambre à coucher et celles plus directes (« Girl, you got an ass like I never seen« ), la chanson a fait vriller les radios pop grand public, principalement grâce à son irrésistible refrain !

6 – « Delirious » (1983)

« Delirious », le deuxième single de Prince à se hisser dans le Top 10, est un morceau très funky, truffé de sons inédits – dont la boîte à rythmes Linn (popularisée par Devo, Gary Numan et Michael Jackson) et un synthétiseur pour l’accroche. Flirtant entre le commercial et l’expérimental, entre la pop, le R&B et la New Wave, c’est un succès.

Lové au cœur de la bande originale de Purple Rain, « When Doves Cry » a montré comment la musique pop expérimentale pouvait trouver sa place. Dépourvu de ligne de basse et voyant Prince se lamenter sur sa guitare, accompagné d’une synthé et d’une boîte à rythmes, « When Doves Cry » est aussi froid qu’une relation tendue peut l’être. Son ingénieur se souvient que l’artiste, qui jouait de tous les instruments sur le morceau, a su instantanément l’impact que le single aurait sur la musique. « Personne n’aurait les couilles de faire ça« , aurait dit le musicien à son ingénieur. « Vous n’avez qu’à attendre – ils vont flipper. »

Après que « When Doves Cry » ait dominé la radio pop à la fin de l’été et au début de l’automne 1984, le succès de « Let’s Go Crazy » a été autant un tour de force qu’une publicité pour le long métrage Purple Rain. « Certains membres du groupe se sont lâchés« , a déclaré l’ingénieur Susan Rogers à Billboard, en notant le solo de piano jazzy de Matt Fink au milieu du morceau. « Matt, qui connaissait si bien Prince et savait ce qu’il aimait, a enregistré ce solo à la troisième prise et nous avons continué à le rejouer encore et encore, parce que c’était tout simplement génial à écouter. »

« J’ai été élevé dans un monde en noir et blanc. Oui, noir et blanc, jour et nuit, riche et pauvre, noir et blanc. J’écoutais toutes sortes de musique quand j’étais jeune… Mais je savais qu’un jour je jouerais toutes sortes de musique, et qu’on ne me jugerait pas sur la couleur de ma peau, mais sur la qualité de mon travail, et j’espère que cela continuera, » avait-il confié à MTV l’année suivante.

La face B de « Let’s Go Crazy » n’a pas seulement été l’une des jams les plus funky de Prince mais a aussi servi d’introduction mondiale à Sheila E. Porté par une ligne de basse sublime et un riff d’une douce simplicité, Prince envoie tout valser. À la fin des années 90, lors de l’intronisation de Parliament-Funkadelic au Rock & Roll Hall of Fame, Prince a révélé qu’il avait enregistré la chanson immédiatement après avoir vu le groupe en concert au Beverley Theatre en Californie. « C’était dingue« , a déclaré Prince. Clinton lui rendra la pareille quelques temps plus tard avec une reprise.

Dans une interview accordée à Mojo en 2013, Stevie Nicks a révélé que Prince lui avait initialement donné une démo de « Purple Rain » et lui avait demandé d’y contribuer. Elle a refusé en disant : « Prince, j’ai écouté ça une centaine de fois, mais je ne saurais pas par où commencer. C’est un film, c’est épique« . Chanson-titre du célèbre album de Prince, elle est interprétée à un point culminant du film, ce qui lui donne encore plus de gravité. Comme si elle en avait besoin. Bercé par des cordes et un refrain de gospel, puis couronné par un solo de guitare époustouflant, c’est le point culminant de toutes les influences que Prince a absorbées tout au long de son ascension vers la gloire, du rock à la pop en passant par la soul.

Sur « I Would Die 4 U », Prince a mis de côté les normes sociétales et l’humanité en général – « Je ne suis pas un humain, je suis une colombe« , a-t-il proclamé – au nom de l’amour. Il n’a pas eu de mal à emmailloter son message dans un sacré rythme, grâce à son excellent groupe, car le chemin le plus rapide vers le cœur passe souvent par les hanches. Ni le Dr Fink, le claviériste de Revolution, ni Prince ne pouvaient jouer la ligne de basse manuellement, alors ils ont mis en place une interface pour verrouiller un séquenceur à la boîte à rythmes. « Nous avons fait des choses technologiques révolutionnaires ce jour-là« , se souvient Fink.

Bien que jamais sorti en single, le morceau s’est néanmoins retrouvé dans les oreilles des fans lorsque l’album Purple Rain est devenu un énorme succès en 1984. « Je connaissais une fille qui s’appelait Nikki/je suppose qu’on peut dire que c’était une obsédée sexuelle/je l’ai rencontrée dans le hall d’un hôtel en train de se masturber sur un magazine« , chante Prince dans le premier couplet, ne laissant rien à l’imagination. Plus tard, les Foo Fighters ont enregistré leur propre version et Prince n’était pas très content. « Je n’aime pas qu’on reprenne mon travail« , a-t-il déclaré à Entertainment Weekly en 2004. « Écrivez vos propres chansons ! »

Bien qu’il ne soit que le cinquième plus grand single tiré de Purple Rain, le duo élégant et cristallin avec Apollonia Kotero – initialement prévu pour l’album éponyme d’Apollonia 6 – transcende à la fois l’album et la décennie qui l’a vu naître. De l’intro percutante (qui sert également de pont) aux échanges haletants entre les deux chanteurs, la chanson a instantanément gagné une place au panthéon des classiques. « Je n’ai pas de date d’expiration« , a déclaré M. Prince dans une interview accordée à The Word en 2004. « Take Me With U » en est la preuve.

Comparé à sa face B, aujourd’hui presque légendaire, « She’s Always in My Hair », « Raspberry Beret » semblait bien décalée. Aujourd’hui, il semble évident que c’était l’occasion d’explorer une écriture pop plus psychédélique. C’est devenu une partie de l’arsenal de Prince – le même qui se retrouvera dans le tube des Bangles « Manic Monday » – non pas des pensées profondes, mais un journal mis en musique. Après les aspirations apparemment illimitées de Purple Rain, c’est cette poésie plus simple qui a en fait prouvé que la créativité de Prince n’avait peut-être pas de limites.

C’est en 1986, après Purple Rain, que l’ingénieur du son de Paisley Park, David Z, a reçu un appel de Prince pour le rejoindre à Los Angeles. À son arrivée aux studios Sunset Sound d’Hollywood, Z reçoit une démo enregistrée sur cassette – un couplet, un refrain et un peu de guitare acoustique – destinée au groupe Mazarati. Z dira plus tard à Mix Magazine que cela ressemblait à une chanson de Stephen Stills. Avec le groupe, il l’a bricolée pendant quelques heures, en a enregistré une version et l’a terminée. Lorsque Z est revenu en studio le lendemain matin, Prince avait enlevé la basse et le charley, ajouté le riff emblématique et enregistré sa propre voix. « C’est trop bien pour vous les gars. Je le reprends », se souvient Z. Prince. La Warner Brothers a demandé le contraire ; ils ont dit que le morceau semblait inachevé, mais Prince a gagné la bataille qui a suivi, et le single a finalement été classé numéro un.

« Sign O’ The Times » est peut-être le plus étrange des singles de Prince. Il était au sommet de son succès commercial et critique, et son précédent album Parade – une balade délirante dans le jazz-pop français qui a donné le classique funk « Kiss » et la débâcle cinématographique Under the Cherry Moon – avait appris à son public que Prince pouvait être merveilleusement imprévisible. Pourtant, « Sign O’ The Times » ne ressemblait à rien de ce qu’il avait fait auparavant. Sur ce morceau d’un minimalisme saisissant, il joue de la guitare blues sur un synthétiseur Fairlight et se lamente sur les problèmes du monde. « L’homme n’est vraiment heureux que lorsqu’il meurt vraiment« , chante-t-il.

De sa voix androgyne, Prince présente ce numéro funk à la puissance redoutable comme l’ultime bataille des sexes : « Garçon contre fille dans les World Series de l’amour. » Sheena Easton, se souvient qu’il avait déjà terminé le morceau avant de la contacter. Il lui a juste dit : « Tu veux juste venir et chanter quelques chœurs ? » selon Easton. « Alors je suis allé en studio, et comme je ne savais pas que je chantais… j’en ai fait trop – et il a dit qu’il aimait bien ça, alors il a transformé le morceau en duo. »

En plus de ses talents de chanteur, d’auteur-compositeur, d’interprète, de magnat et de multi-instrumentiste, il y a un rôle pour lequel Prince n’a jamais eu assez de crédit : celui de conteur. « I Could Never Take the Place of Your Man » est sorti en 1987, alors qu’il avait cimenté sa place en tant qu’icône du funk. Mais il a transformé son neuvième album Sign O’ the Times en un assortiment de sons – y compris cette nouvelle power-pop qui est un portrait poignant d’un futur amant qui ne veut pas être une passade. « Chacun mène sa propre barque« , a-t-il déclaré à NME en 1996. « C’est pour cela que nous sommes ici, pour apprendre, pour suivre plusieurs chemins et quand vous avez suffisamment explorer vous n’avez plus à regarder derrière vous« .

Le premier single de Lovesexy, sorti en 1988, est l’exemple parfait d’un funk dépouillé. Les guitares déchiquetées et la ligne de basse rebondissante de Levi Seacer Jr. se combinent avec le talent de Prince pour un morceau piquant. Des cuivres et un rap exaltant de Cat Glover, protégé-chorégraphe de Prince, font monter la température et prolongent la fête.

Graffiti Bridge, la suite de l’iconique Purple Rain, a été le dernier rôle de Prince au cinéma. Mais contrairement à son prédécesseur, la bande son qui l’accompagne va largement éclipser le film. « Thieves in the Temple », une méditation spirituelle sur le mensonge, le rejet et l’introspection qui a atteint la sixième place des charts, a été ajouté à la dernière minute. Avec une saveur moyen-orientale et un chant presque opératique, c’était une nouvelle atmosphère pour Prince. Et il ne se sentait pas à l’aise pour y résider longtemps. « J’écris encore parfois sous le coup de la colère, comme dans « Thieves in the Temple ». Mais je n’aime pas le faire. Ce n’est pas agréable à vivre« .

Selon la légende, Prince a écrit « Cream » alors qu’il se tenait devant un miroir. Sinon, pourquoi aurait-il chanté « You’re so good/Baby there ain’t nobody better » sur ce tube incroyablement entraînant de Diamonds and Pearls.

Ballade sensuelle à souhait, « Diamonds and Pearls » voit, une fois n’est pas coutume, Prince se retirer au profit de son groupe, la New Power Generation. Avec la chanteuse de NPG, Rosie Gaines, qui assure les chœurs, Prince chante : « If I gave you diamonds and pearls/ Would you be a happy boy or girl ?« , en écho aux paroles presque identiques qu’il avait chantées dix ans plus tôt sur « International Lover » en 1982. L’album a été largement considéré comme la réponse de Prince au hip-hop, mais le morceau-titre de Diamonds and Pearls marie subtilement l’amour du chanteur pour les paillettes et le glamour avec une sensibilité pop-R&B en constante évolution.

Prince a élargi sa palette sonore avec « 7 », en utilisant des tablas et des sitars, plusieurs voix et un sample de « Tramp » de Lowell Fulson. Bien sûr, étant donné son statut d’outsider à l’époque, Prince a pu aussi s’essayer à la numérologie – le 7 représente la recherche de la vérité, bien qu’il soit tout à fait possible que les sept contre lesquels il se battent soient des gens de la Warner Bros. Records. Se battait-il pour la liberté ? Cherchait-il le respect ?

En 1993, Prince avait changé son nom en symbole et se battait avec Warner Bros. pour le contrôle de la création. Il a réalisé qu’il n’avait pas besoin de l’aide d’un grand label lorsqu’il a sorti « The Most Beautiful Girl in the World », sur le label indépendant Bellmark. Prince aurait dépensé deux millions de dollars de sa poche pour promouvoir le single. Il s’est avéré que ce fut son plus grand succès depuis des années. La magnifique ballade a des touches de guitare funk et des claviers étincelants, mais Prince laisse son don pour la mélodie faire le plus gros du travail. Elle a été écrite à l’origine pour sa future femme, la chorégraphe Mayte Jannell Garcia. Elle a ensuite enregistré sa propre version, « The Most Beautiful Boy in the World ».

Sorti en 2006, « Black Sweat » est peut-être le meilleur dernier single de Prince. Rappelant « Kiss », il est truffé de boîte à rythmes, un falsetto glorieux et un synthétiseur qui rappelle les « Funky Worm » des Ohio Players. « Black Sweat » a permis à 3121 de se hisser en tête des charts et d’obtenir une poignée de nominations aux Grammy Awards. Plus important encore, il a rappelé à point nommé que Prince aura toujours le funk.

Le coffret de réédition de Sign O’ The Times est disponible à l’achat dès maintenant sur le Prince Store officiel et par ici

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