LA MYSTIQUE DU QUOTIDIEN ET LA CULTURE CONTEMPORAINE : IGNACE DE LOYOLA – La Civilta Cattolica en français

La question de savoir pourquoi la dimension mystique de la vie d’Ignace a été presque oubliée ou délibérément sous-estimée pendant plus de 400 ans conduit à une longue et fascinante histoire. Sa redécouverte est en grande partie due au regain d’intérêt pour les sources ignatiennes originelles, qui s’était déjà manifesté au début du vingtième siècle mais a ensuite reçu une impulsion majeure grâce à Vatican II. L’image d’« Ignace mystique » exprime la conviction que le cœur de ce qui le rend digne d’admiration est sa relation avec Dieu, qui est aussi la source de son enseignement et de ses autres actions. Elle suggère que, d’une manière ou d’une autre, tout ce qu’Ignace a dit, fait ou écrit peut être énigmatiquement rattaché aux expériences mystiques qu’il a vécues à Manresa, La Storta et Rome[1].

C’étaient des « expériences de pointe » (pour utiliser la terminologie d’Abraham Maslow[2]) qui restent centrales pour notre compréhension de la mystique ignatienne. Cependant, Ignace a aussi dû vivre des expériences « hors-pointe » – pour ainsi dire – et il s’est rendu compte que la plupart des gens vivent d’une manière hors-pointe la plupart du temps. Cela ne signifie pas que ces expériences ne peuvent pas être mystiques. Ou, pour exprimer le concept de manière plus adéquate, Ignace était un mystique non seulement en raison de certaines expériences marquantes mais parce que la mystique est devenue, pour lui, un mode de vie. Telle est la vraie signification de l’expression populaire « mystique du quotidien ».

Sur la base de sa propre expérience, Ignace a développé une sagesse qui nous est accessible, surtout mais pas exclusivement, dans les Exercices spirituels (ES). Pourtant, tout ce que nous découvrons, ou parvenons à comprendre, sur la mystique d’Ignace doit être placé en dialogue avec le présent. Nous devons poser des questions actuelles à Ignace, aux textes et à la tradition qu’il nous a laissés. C’est pourquoi nous voudrions ici explorer comment la mystique ignatienne pourrait faire partie de la vie des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Quelle sagesse pratique nous a-t-il laissée ? Comment son expérience peut-elle répondre à nos préoccupations actuelles ? Nous allons commencer par quelques réflexions sur la culture contemporaine.

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[1] Ces expériences sont recueillies dans l’Autobiographie d’Ignace (celles de Manresa et de La Storta) et dans son Journal spirituel (celles de Rome). Voir notre article précédent : B. O’Leary, « Il misticismo di Ignace de Loyola », Civ. Catt. 2021 III 481-494.

[2] Cf. A. Maslow, Religions, Values, and Peak-Experiences, New York, Penguin, 1964.

[3] Paul VI, Evangelii nuntiandi (1975), nº 20. La 34ème Congrégation Générale des Jésuites (1995), dans le décret 4, nº 20 (« Notre mission et la culture ») commente : « La frontière entre l’Évangile et la culture moderne et post-moderne traverse le coeur de chacun de nous. Chaque jésuite affronte la tentation de l’incroyance en premier lieu en lui-même ».

[4] Cf. Ignace de Loyola, Autobiographie, nos 22-27. En plus de l’épisode de la tentation du suicide, nous devons considérer toutes les autres batailles intérieures qu’Ignace a menées au cours de sa « conversion prolongée ». Pour les citations de textes ignatiens, nous nous référons à Gli scritti di Ignace de Loyola, a cura di M. Gioia, Turin, Utet, 1977 ; sauf pour les Exercices spirituels, pour lesquels la version publiée sur le site web a été préférée gesuiti.it (gesuiti.it/wp-content/uploads/2017/06/Esercizi-Spirituali-testo.pdf).

[5] Cf. Ignace de Loyola, Autobiographie, nos 28-30.

[6] Ibid. nº 29.

[7] Cf. Gn 1,31.

[8] Ignace de Loyola, Autobiographie, nº 30.

[9] Cf. Gn 1,26-27.

[10] Un autre développement est la décision, qu’Ignace prit plus tard, de confier à la Compagnie de Jésus la tâche de l’éducation.

[11] W. J. Bouwsma, « The Spirituality of Renaissance Humanism », dans : J. Raitt (éd.), Christian Spirituality II : High Middle Ages and Reformation, New York, Crossroad, 1987, 236.

[12] Les humanistes de la Renaissance aimaient citer l’aphorisme du dramaturge latin Terence : Homo sum, humani nihil a me alienum puto(« Je suis homme, rien de ce qui est humain ne m’est étranger »).

[13] Cf. Constitutions de la Compagnie de Jésus, nos 813-814.

[14] Cf. W. Burghardt, « Contemplation : A Long Loving Look at the Real », Church 14 (1989) 15.

[15] Cf. M. J. Buckley, « The Contemplation to Attain Love », Way Supplement 24 (1975) 92-104.

[16] C’est ainsi que commence la prière qu’Ignace place au centre de la « Contemplation pour parvenir à l’amour » : « Prends, Seigneur, et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence, ma volonté, tout ce que j’ai et possède. Tu me l’as donné ; à toi, Seigneur, je le rends. Tout est à toi : disposez-en selon ton bon plaisir. Donne-moi ton amour et ta grâce, et cela seul me suffit » (ES 234).

[17] Ignace de Loyola, Autobiografia, nº 99.

[18] Cf. la critique acerbe de l’usage contemporain du slogan « trouver Dieu en toutes choses » dans F. Meures, « The Spiritual Exercises as Biography », The Way 47 (2008) 197-199.

[19] Cf. B. O’Leary, « The Jesuit and the Carthusian : Tale of an Intriguing Friendship », Religious Life Review 48 (2009) 133-142.

[20] C. M. Martini, « Sant’Ignazo di Loyola a 450 anni dalla morte », Gesuiti. Annuario della Compagnia 2006, 12.

[21] Cf. Augustin d’Hippone, Confessions, 3, 6, 11.

[22] K. Rahner, Theological Investigations 20, Londres – Darton, Longman and Todd, 1981, 149.

 

 

 

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