La lutte traditionnelle et ses rites : Le ct mystique de lArne


(Article publi le 07 janvier 2022) La lutte traditionnelle est beaucoup plus culturelle que sportive au Niger. Les combats ne sont pas que physiques, ils sont empreints dune sorte de mysticisme. La majorit des lutteurs, voire tous, viennent larne chacun charg de gris-gris de toute sorte, attachs au cou, au bras, la jambe et ou surtout la hanche. Avant tout combat, quelques secondes leur sont accordes, pour des invocations et certains protocoles mystiques. Les rites diffrent et sont de diverses significations. Lon applique des consignes de son marabout, son charlatan, son gnie ou les trois la fois. Protection, courage, force et chance sont entre autres les causes les plus attendues. Cest en effet un aspect caractristique de nos traditions africaines et nigriennes en particulier, dans des circonstances de confrontation pareille. Cependant, les pratiques des uns sont plus mystrieuses et difiantes que celles des autres.

Avant, pendant et aprs les combats, cest tout un rituel. Balla Harouna de Zinder, Oumarou Bindigaou de Maradi et le journaliste sportif grand spcialiste de la lutte traditionnelle nigrienne Issoufou Kodo nous confirment que les mystres de larne sont bien rels. Il ya plus de 30 ans, Agadez, il ya eu un combat entre Chaibo Mati de Zinder et Sani Moumouni de Maradi, en demi-finale. Etant un peu puis, je mtais mis lcart sur une sorte de plateforme en hauteur de notre car de lORTN. Je voyais le spectacle du haut, et curieusement, il yavait un monsieur juste ct, avec une calebasse et deux marionnettes. Aussitt le coup de sifflet de larbitre donnant le coup denvoi du combat, il commence asticoter ses marionnettes. Leau contenue dans la calebasse a vir au rouge. Je vous assure, de la manire dont il a pouss lune des marionnettes, cest de cette faon que Sani Moumouni poussa Chaibo Mati pour le terrasser , nous rapporte Issoufou Kodo qui nen croyait pas autant avant den tre tmoin oculaire, pas une seule fois, dit-il. Ce spcialiste des arnes soutient quaujourdhui les croyances ont volu et la religion musulmane bannit certains rituels. De nos jours les muscles psent plus que le kilo damulettes , estime Kodo.

Des mystres dans nos arnes ? il yen a vraiment , rtorque lancien champion du sabre national, Oumarou Bindigaou aujourdhui entraineur de lcurie de Maradi. Certains travaillent avec des marabouts, dautres avec des fticheurs, il ya aussi ceux qui travaillent avec des gnies , indique Bindigaou connu avec ses interminables prires notamment avant daffronter ses adversaires. Selon lui, les amulettes sont lquipement du lutteur. Cest dire que celui qui ne fait ni lun, ni lautre, cest quil est sans ambition et banalise la lutte traditionnelle.

Quand nous tions dans les aires de combats, il ny a pas ce que nous navons pas vu. Le lutteur peut venir lutter sans que son esprit ne soit avec lui. Il nest pas prsent dans le combat, il ny voit rien. Cest pourquoi il est au moins ncessaire de se protger , explique le champion Oumarou Bindigaou. Comme adversaires les plus mystrieux quil a connus dans sa lgendaire carrire, il cite Balla Harouna,Halilou Soumaila, Laminou Mai Dabba, Yahaya Nomaou, Issa Dan Gawaro.

Le rite est laspect traditionnel de la lutte. Cest cela mme la tradition dont on parle. Cest un patrimoine pour nous. Nous avons des choses montrer aux autres mieux que ces traditions. Cest notre identit , estime le triple champion du sabre national Balla Harouna, aujourdhui entraineur de lcurie de Zinder. Il appelle la sauvegarde de ces valeurs, les inscrire dans la mmoire collective des nigriens et dans lhistoire.

Le rite le plus rpandu chez les lutteurs nigriens est celui damulettes en forme de corde. Ils la tendent entre deux mains en fixant ladversaire, tout en prononant quelques prires. La corde damulettes est ensuite attache la hanche. Cest le darmou (ligotage). Certains font deux: un pour se dfaire dun ventuel coup pareil venant de ladversaire et lautre est offensif sur lui. Il ya le ligotage dun seul jour. Cest le plus puissant et cest trs difficile de le contrecarrer , explique Balla Harouna.

Par Ismal Chkar(onep)

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