« Un décalage immense existe entre les discours sur le bouddhisme et les pratiques des enseignants bouddhistes, notamment tibétains »

Marion Dapsance, docteur en anthropologie, a publié en 2016 un ouvrage intitulé Les Dévots du bouddhisme (Max Milo), enquête de terrain sur la « réinvention de la pratique de la méditation » dans des centres bouddhistes tibétains présents en France, en Europe et aux Etats-Unis.

L’ouvrage montre comment les étudiants de certains centres sont progressivement conduits à adhérer non seulement aux pratiques traditionnelles du bouddhisme tibétain, qui incluent dévotion au maître, rituels ésotériques, croyance dans des divinités et des démons, mais aussi parfois à subir certaines dérives mystificatrices et autoritaires de la part d’enseignants dépourvus d’éthique. Humiliations, coups, culte de la personnalité…

Les abus relatés dans l’étude avaient, à l’époque, suscité d’innombrables réactions, troublant quelque peu l’image que l’on pouvait avoir du bouddhisme en Occident. Marion Dapsance a complété son travail en 2018 par la publication d’un ouvrage plus généraliste sur le bouddhisme en Occident : Qu’ont-ils fait du bouddhisme ? (Bayard).

Selon la chercheuse, la diffusion, cette semaine sur Arte, du documentaire Bouddhisme, la loi du silence, « aide à regarder les choses en face », dans la lignée de son enquête.

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser au bouddhisme ?

Comme la plupart des Occidentaux, j’ai découvert le bouddhisme par les livres. C’est une particularité de ce que certains chercheurs ont appelé le bouddhisme moderne, c’est-à-dire le bouddhisme tel qu’il a été réimaginé en Occident à partir du XIXe siècle. Cet aspect livresque du bouddhisme est en effet un phénomène récent et typiquement occidental.

La grande majorité des bouddhistes d’Asie – du moins jusqu’à une date récente – n’entretiennent pas de rapport livresque à leur religion. Ils la découvrent par imprégnation culturelle et familiale, et leur pratique se résume souvent à la récitation de quelques prières, aux dons en faveur du clergé et à la vénération de reliques, dans le but de purifier leur karma.

Lire aussi : « Bouddhisme, la loi du silence », sur Arte : un regard à rebours de la philosophie véhiculée par le dalaï-lama

Les ouvrages de philosophie ou de sagesse bouddhiques dont nous disposons depuis un siècle et demi en Occident sont pour une bonne part des réinventions calquées sur un modèle chrétien dont on prétend par ailleurs se distinguer. On présente certaines de ses séduisantes doctrines, mais on oublie de mentionner ses pratiques rituelles et dévotionnelles qui rappelleraient malencontreusement « la religion », c’est-à-dire en fait le christianisme, dont sont souvent issus les convertis, et qu’ils érigent en contre-modèle.

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« Un décalage immense existe entre les discours sur le bouddhisme et les pratiques des enseignants bouddhistes, notamment tibétains »

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