Rentrée de tous les dangers : les grands dossiers des collectivités

Pénurie de personnel à tous les étages, explosion des prix de l’énergie un peu partout, dommages collatéraux en série du dérèglement climatique : les nuages s’amoncellent pour les acteurs locaux en cette rentrée 2022. Si la Première ministre a annoncé, le 27 août, la création d’un « fonds vert » au profit des collectivités, doté de 1,5 milliard d’euros, les élus souffrent d’un cruel manque de visibilité. Ils ne savent toujours pas à quelle sauce seront mangées leurs dépenses de fonctionnement, qui avaient fait l’objet d’un plafond de hausse durant toute la première partie de la dernière mandature 2017-2022. Malgré des premiers échanges estivaux plutôt constructifs avec Elisabeth Borne, ils restent sur leurs gardes. Le risque, dans le contexte ultra-anxiogène de cette rentrée marquée par la menace d’un black-out, est de mettre à l’arrêt la machine de ­l’investissement public local. Le gouvernement devra donc multiplier les gestes de confiance. C’est-à-dire tourner le dos aux vieux réflexes technocratiques qui ont refait surface avec l’avènement du « nouveau monde » macronien. Comme à l’Assemblée, l’exécutif devra tendre la main à des élus qui ne sont pas de son obédience. C’est à ce prix que le service public pourra retrouver son lustre et de son pouvoir d’attraction.

Electricité – gaz : la sobriété en réponse à la crise

Les élus locaux sont plus qu’inquiets de la hausse des prix de l’énergie. Et ce sentiment va s’aggraver à ­l’approche de l’hiver, où la remise en marche du chauffage va faire bondir la consommation. Les factures énergétiques connaissent déjà des hausses sans précédent et aucun bouclier tarifaire ne protège les collectivités, comme c’est le cas pour les particuliers. Jour après jour, les témoignages de maires se multi­plient pour dénoncer la situation, et la menace de réduire ou de fermer des services publics est de plus en plus réelle. Le seul intérêt de cette crise est d’avoir mis en lumière le principe de sobriété, qui a longtemps été caricaturé en une logique de décroissance, alors que c’est le premier et principal levier à activer pour réaliser une transition énergétique cohérente et ambitieuse. La Première ministre a fait du sujet une priorité ; elle présentera sous peu un plan ­d’action national avec ­l’objectif de réduire la consommation énergétique de 10 % par rapport à 2019. Tous les secteurs et acteurs sont concernés, qu’ils soient privés ou publics. Un groupe de ­travail a été lancé avec les collectivités, qui devraient avoir à réaliser cette baisse sur une période de deux ans.

Certes, nombre d’entre elles ont déjà lancé des actions de sobriété, mais il sera intéressant de voir dans quelle mesure le pays entier arrivera à se mobiliser. Car la menace d’une rupture d’approvisionnement en énergie est bien réelle, du fait des tensions sur les livraisons de gaz russe et des difficultés de notre parc nucléaire qui ne suffit plus à répondre à la demande en électricité. Des opérations de délestage – il sera demandé aux plus gros consommateurs privés de stopper certaines consommations d’énergie – semblent inévitables, notamment pour passer les périodes de pointe. Sur ce sujet, comme lors de la crise sanitaire, notre capacité de résilience sera mise à rude épreuve.

Aménagement : le dossier du ZAN rouvert

Durant l’examen du projet de loi « climat et résilience », les débats avaient été houleux sur le sujet du zéro artificialisation nette (ZAN). La publication des décrets d’application du 29 avril 2022 a déclenché une tempête chez les élus locaux, à tel point que l’­Association des maires de France a déposé un recours devant le Conseil d’Etat contre deux des trois décrets ­d’application, le 22 juin.

C’est donc l’un des dossiers brûlants dont a hérité Christophe Béchu. Interrogé par les sénateurs le 13 juillet, le ministre de la Transition écologique a indiqué être prêt « à réfléchir aux modalités à mettre en œuvre et peut-être à la réécriture d’une partie des décrets ». Des rencontres ont eu lieu fin août entre le ministre, les sénateurs et les associations d’élus pour réfléchir aux adaptations qui devront être rapidement concrétisées puisque les conférences régionales des schémas de cohérence territoriale doivent avoir remis aux régions leurs propositions de répartition de consommation foncière avant la fin octobre. Principaux points de discorde : la nomenclature des sols artificialisés, qui découragerait les initiatives de renaturation en ville, et la prise en compte des projets d’intérêt national au niveau régional, qui viennent amputer les « crédits » de consommation foncière. Sans compter les financements, qui ne relèvent pas des décrets d’application…

Transition écologique : le début d’un chantier ambitieux

C’était déjà l’une des priorités affichées par Emmanuel Macron et son gouvernement. La transition écologique n’a été que renforcée par les événements climatiques extrêmes de l’été. Mais ce défi n’est pas gagné d’avance et le couple exécutif devra fournir des preuves de ­l’ambition affichée.

En confiant le dossier de l’écologie à la Première ministre et en créant un secrétariat général à la Planification écologique, le gouvernement a donné des premiers signaux encourageants. Toutefois, il faudra que l’Etat montre qu’il veut avancer main dans la main avec les collectivités, en leur donnant de réels moyens financiers et en faisant évoluer la méthode. Notamment avec ce nouveau « fonds vert » doté de 1,5 milliard d’euros annoncé fin août par ­Elisabeth Borne, mais dont les contours sont flous. S’agit-il d’une nouvelle enveloppe financière ou d’un assemblage de dispositifs existants ? Et surtout, comme l’appelle de ses vœux Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France, « va-t-on enfin sortir des démarches d’appels à projet lancés par le ministère de la Transition écologique dans une logique descendante, pour s’appuyer réellement sur les projets portés par les collectivités ? ». C’était le sens des contrats de relance et de transition écologique qui, jusque-là, manquaient encore de moyens financiers. Il serait incompréhensible que ce « fonds vert » ne vienne pas irriguer ces outils fraîchement créés et couvrant tout le territoire.

A l’automne, la Première ministre proposera un vaste plan d’action pour la planification écologique, qui donnera une vision pluriannuelle et multithématique, de la rénovation thermique à la renaturation des villes, aux transports, en passant par le renouvellement des réseaux de distribution d’eau potable. Enfin, un projet de loi visant à accélérer le développement des énergies renouvelables sera prochainement présenté.

Fonction publique : un nouveau système de rémunérations

Dans la fonction publique, les prochaines semaines seront marquées par le grand chantier des carrières et des rémunérations. Il débuterait par un premier temps de discussion « très ouvert et exploratoire », avait promis le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, Stanislas­ ­Guerini. Ces travaux devraient être suspendus à l’automne, de manière à tenir compte des élections professionnelles du 8 décembre. Un « cycle de négociations » plus formel s’engagera ensuite, l’objectif du gouvernement étant d’aboutir « au premier semestre 2023 ». De grands bouleversements ont été promis en vue de « rebattre les cartes de l’orga­nisation de la rémunération » autour du système des catégories A, B et C jugé « rigide » et « à bout de souffle ». L’enjeu : « Rendre les carrières plus attractives et leurs ­progressions plus différenciantes. »

L’entourage d’Emmanuel Macron, alors en campagne présidentielle, avait mis en avant l’intéressement personnel et collectif ou encore le développement de la rémunération au mérite. D’autres pistes ont par la suite été avancées par Stanislas­ ­Guerini : l’instauration d’un système de « garanties socles » et la mise en place d’« accélérateurs de carrière » permettant de reconnaître l’engagement. Deux pistes d’évolution qui avaient été suggérées au mois de mars par les garants de la conférence sur les perspectives salariales : le fondateur de l’asso­ciation Dialogues­, ­Jean-Dominique ­Simonpoli, ainsi que l’ex-DRH de la Caisse des dépôts et ancien directeur général de l’administration et de la fonction publique, Paul Peny. Ce dernier n’est autre, aujourd’hui, que le directeur de cabinet du ministre de la Transformation et de la fonction publiques. Prochaine échéance : le 15 septembre, date à laquelle est prévu le bilan des mesures salariales annoncées fin juin.

Comptes publics : les collectivités veulent sortir du flou

Les collectivités pensaient en savoir plus sur les modalités de leur participation au redressement des comptes publics avant la rentrée. C’est raté. Au contraire, le gouvernement a entretenu tout l’été la confusion sur le niveau de leur effort. En juillet, l’exécutif indiquait à Bruxelles, dans son pacte de stabilité, qu’il allait représenter 0,5 % des dépenses de fonctionnement des collectivités durant cinq ans en volume, c’est-à-dire hors inflation.

Christophe Béchu, qui avait déjà assuré que « les 10 milliards d’économies » étaient « caducs » et « qu’il n’y aurait pas de retour des contrats de Cahors », a tenté de calmer la fronde naissante : « Ce qui est attendu, c’est seulement une modération des dépenses de fonctionnement pour qu’elles augmentent en moyenne annuelle de 0,5 % de moins que leur tendance naturelle. » Las, quelques jours plus tard, un tiré à part envoyé aux députés proposait de réduire les dépenses de fonctionnement du secteur local de 0,3 % en volume dans le ­projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Les associations d’élus tenteront de sortir de ce flou lors des entrevues prévues avec les ministères concernés avant la publication du PLF 2023, fin septembre.

Mais l’opération de déminage s’annonce périlleuse pour le gouvernement. Il doit faire voter, dans un Parlement hostile, un PLF qui signe « la fin de l’abondance » et une loi de programmation des dépenses publiques destinée à donner des gages à Bruxelles. Les collectivités ont prévenu : « On est prêt à faire des efforts, mais uniquement à hauteur de ce que l’on représente, c’est-à-dire 8 % de la dette publique et 0 % du déficit public », a signifié André Laignel pour l’AMF. Leurs relais au Parlement ont été efficaces, obtenant plus de 430 millions en compensation de l’inflation, de la valorisation du point d’indice et des minima sociaux. On verra à la fin de l’année qui, des collectivités ou du gouvernement, aura fait le plus d’efforts.

Fiscalité économique : haro sur la CVAE

«Nous allons continuer les baisses massives sur les impôts de production et supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises [CVAE]. » Elisabeth Borne a confirmé, le 29 août devant le Medef, sa volonté de détricoter encore un peu plus la fiscalité économique dans le budget 2023, après avoir eu la peau de sa part régionale lors de la loi de finances pour 2021. Cette confirmation annonce d’âpres négociations avec les associations d’élus qui s’attendent à une compensation par une fraction de TVA. En cassant le lien de la fiscalité économique locale entre l’entreprise et son territoire, les élus locaux craignent de ne plus pouvoir – et même vouloir – proposer toutes les aménités nécessaires aux acteurs économiques pour leur développement, même si certains, comme Boris Ravignon, maire (LR) de Charleville-Mézières, ne « pleureront pas la CVAE » à cause de sa volatilité.

Les collectivités, mais aussi les entreprises ou nombre d’économistes d’un pays classé comme l’un des plus attractifs au monde pour les investissements étrangers, rappellent que la fiscalité française pèse moins dans les choix d’implantation et de développement que la qualité de la main-d’œuvre, le bon état des réseaux ou des équipements. Un discours qui remontera, à coup sûr, lors des débats parlementaires de l’automne.

Pôle Emploi – RSA – autonomie : un programme social chargé

Emmanuel Macron l’a annoncé le 14 juillet : « Au retour de l’été, après discussions avec les partenaires sociaux, le gouvernement va soumettre un texte sur la réforme du travail. » Au cœur de celle-ci, la transformation de Pôle emploi en « France Travail ». Ce nouveau service public de l’emploi doit davantage intégrer les collectivités. Il est en effet tenu de revoir le lien avec les régions sur la formation professionnelle ou les départements sur l’insertion des allocataires du revenu de solidarité active (RSA).

Concernant ces derniers, la question de la mise en place des quinze à vingt heures hebdomadaires d’« activités » comme condition au versement du RSA devrait être intégrée au projet de loi. Pas de ­travaux d’intérêt général, mais des stages en entreprise, des formations : le gouvernement doit préciser la nature de ce qui sera demandé aux allocataires qui pourront être privés du RSA s’ils n’y participent pas. Des conseils départementaux commencent à annoncer qu’ils veulent expérimenter le dispositif dès que possible.

Le gouvernement devra aussi donner des gages sur le secteur du grand âge. Après les reports successifs du quinquennat précédent, les professionnels attendent de vraies mesures permettant une prise en charge humaine des personnes âgées, à domicile comme en établissement.

Sécurité civile : les leçons à tirer des incendies de l’été

Gironde, Bouches-du-Rhône, ­Bretagne, Hauts-de-France… les violents incendies qui ont dévasté cet été les forêts françaises constituent sans doute la plus terrifiante illustration du dérèglement climatique. Pour anticiper autant que possible les scénarios les plus noirs pour les années à venir, l’exécutif s’est engagé à lancer des discussions courant septembre avec l’ensemble des acteurs locaux, au premier rang desquels les élus et les sapeurs-­pompiers. Au programme : le renforcement des équipements, notamment les aéronefs, mais ­surtout les moyens humains.

Attendu au congrès annuel des sapeurs-pompiers, qui ouvrira ses portes le 21 septembre à Nancy, Emmanuel Macron devra apporter des réponses. Parmi les sujets sur la table : le recrutement de pompiers volontaires, l’amélioration de leur disponibilité, mais aussi leur rétribution. Sur ce point, élus et professionnels militent en faveur d’une revalorisation claire des indemnités horaires, de l’ordre de 3,5 %. S’agissant des sapeurs-pompiers professionnels, leur fédération nationale enfonce le clou. « On voudrait que l’Etat prenne à sa charge un à trois mois des salaires des sapeurs-pompiers professionnels », estime le contrôleur général, ­Grégory Allione, patron de la fédération.

Serpent de mer, la question du financement des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) se pose aussi. D’ores et déjà, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, fait un premier pas en évoquant un renforcement de la fraction de la taxe spéciale sur les conventions ­d’assurances versée aux Sdis par les départements. Mais faut-il s’attendre à une hausse ou à une répartition différente ? Au-delà, de l’avis de tous, la lutte contre les feux passera inéluctablement par une large action de prévention auprès des administrés. Un travail de longue haleine qui doit faire une priorité de l’éducation et de la culture du risque.

Empreinte environnementale : stratégie numérique responsable, top départ

Un décret paru le 29 juillet précise le contenu de la stratégie numérique responsable, rendue obligatoire pour les communes et les EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants. Elle devra être élaborée d’ici au 1er janvier 2025, ainsi qu’un programme de travail préalablement réalisé au plus tard pour le 1er janvier 2023.

Elections professionnelles : l’enjeu de la participation

Le principal enjeu des élections du 8 décembre sera encore celui de la participation des agents publics. Lors du dernier scrutin, en 2018, la participation était passée sous la barre des 50 % pour la première fois (51,9 % dans la FPT). Les résultats globaux aux commissions administratives paritaires donnaient la CGT en tête, suivie de la CFDT, FO, l’Unsa et la FA-FPT.

Fiscalité : révision des valeurs locatives

Actualiser les valeurs locatives professionnelles ou reporter le chantier d’un an ? C’est le dilemme auquel le gouvernement devra répondre dans les prochaines semaines. Les associations d’élus s’inquiètent déjà d’une survalori­sation des surfaces en centre-ville par rapport à celles en périphérie des villes.

Décentralisation : l’éternel retour du conseiller territorial

Emmanuel Macron l’a dit durant sa campagne. Il souhaite le retour du conseiller territorial, élu appelé à siéger à la fois dans les assemblées départemen­tales et régionales. Elisabeth Borne va initier une concertation pour le relancer. Des pourparlers qui s’annoncent orageux : l’ADF et Régions de France ne veulent pas en entendre parler.

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