Haïti peut et doit réussir !

Comment Haïti peut et doit réussir : Pour une nouvelle Haïti

Il est dans la vie de chaque nation sur terre des opportunités qui lui sont offertes pour son développement, parfois même, comme dans le cas d’Haïti, un  développement endogène et intégré.

Par : Jacques A. Nicolas

Haïti est née pour réussir!

Haïti avait déjà bel et bien réussi: on l’appelait la Perle des Antilles : café, coton, cacao, figue-banane et tourisme faisaient sa richesse.

Haïti peut encore réussir et Haïti réussira à nouveau!

Mais le chemin qui conduit à cette réussite est long et parsemé d’obstacles et d’embûches de toutes sortes.

Tout d’abord il y a cette internationale dominatrice, colonisatrice et solidaire de la France, qui n’a jamais pardonné (et d’ailleurs jamais ne pardonnera)  ces esclaves emmenés d’Afrique, les va-nu-pieds comme on les appelait, d’avoir vaincu et mis en déroute la puissante armée de Napoléon pour, à l’aube même du dix-neuvième siècle, placer sur l’échiquier mondial le premier Etat noir indépendant: Haïti, la fille aînée de la Diaspora Africaine. Etait-ce un crime?

Si c’en est un, quel drôle de crime où la victime est pénalisée par le coupable!

En effet, alors que le Nouvel Etat était en droit de réclamer de la France des dédommagements pour les sévices, les cruautés et les traitements inhumains que les colons infligeaient aux esclaves, voilà que c’est la France qui exige que le Nouvel Etat lui verse 150 millions de Francs pour qu’elle puisse reconnaître son indépendance. Cependant, ce n’était qu’un alibi, car tout ce que la France avait en tête, c’était de “réaliser” le manque à gagner qu’elle avait enregistré avec la perte des avantages qu’elle tirait de la plus riche colonie du Nouveau Monde, l’île de Saint Domingue.

Ensuite, il y a ce refus des Haïtiens de s’unir entre eux, et là encore l’on se demande si ce n’est pas un stratagème de l’international qui, se souvenant du spectaculaire et inattendu résultat de l’union des esclaves de 1791, craignait le pire.

Autre obstacle: nos hommes d’état, nos dirigeants, parfois compétents mais souvent irresponsables qui ne voient pas les problèmes du pays dans toutes leurs dimensions.

Bien longtemps après la Conférence Internationale de Breton Woods de juillet 1944 au cours de laquelle un nouvel ordre monétaire et financier mondial a été dessiné, notre gourde nationale avait une couverture tripartite:

  • Un tiers or
  • Un tiers bons commerciaux à court terme
  • Un tiers devises (dollars).

Qui dit bons commerciaux à court terme dit bons à échéance de 90 jours au maximum souscrits pour financer la production et qui seront remboursés sitôt les biens produits livrés aux distributeurs.

Mais comme de tels bons n’existaient presque pas en Haïti, on y substituait des devises (encore des dollars). Or, si les dollars servent de couverture à la monnaie nationale, à hauteur des deux  tiers, on aurait dû depuis longtemps déjà les retirer de la libre circulation.

L’irresponsabilité et le manque de décence de nos dirigeants ont atteint un tel paroxysme qu’en 2003, après que le dollar eût franchi la barre psychologique et non moins fatidique des trente gourdes, les autorités monétaires du pays ont donné une conférence de presse qui a laissé inapaisée la faim et inassouvie la soif de tout un chacun.

En effet, à entendre le ministre des finances dire que la crise économique est le résultat de la crise politique, ce n’est plus un secret pour personne, car même l’homme de la rue sait que la politique et l’économie sont tributaires l’une de l’autre, et que le mauvais fonctionnement de l’une entraîne “ipso facto” la dégénérescence de l’autre.

Quant au vice-gouverneur de la Banque Centrale, à l’entendre dire que la banque maîtrise la situation, ceci nous invite à réviser notre vocabulaire, et puiser dans le Larousse ou le Littré la vraie signification du mot “maîtriser”, car une vraie maîtrise de la situation aurait dû empêcher que le dollar atteigne les trente gourdes.

Il n’en reste pas moins vrai que la seule façon pour nous d’arrêter le dollar dans sa course effrénée serait d’augmenter notre production nationale en vue d’une augmentation de nos exportations afin de générer des devises qui nous font tant besoin.

Pourtant ce problème de devises ne date pas d’hier, mais s’est aggravé au fil du temps pour vraiment dégénérer et défier tout contrôle avec la vague des “boat people”.

En effet, en grande majorité, ces immigrants clandestins désirant éviter la police ou un agent du service de l’Immigration, se garderont-ils de se présenter à une banque. Pourquoi faire? Envoyer de l’argent en Haïti? Certainement pas car non seulement ils ne pourront pas remplir le formulaire de demande de transfert, mais aussi notre système bancaire ne dessert pas la zone reculée où habite le bénéficiaire. Le subterfuge: ils surveilleront quelqu’un qui rentre en Haïti et lui remettront une enveloppe “chargée” qu’il donnera en Haïti. Excellente idée, direz-vous.

Mais le problème c’est que si cent mille de ces immigrants n’envoient que cent dollars, cela fait dix millions de dollars qui sont injectés sur le marché monétaire, ce, à l’insu de la Banque Centrale qui est supposée contrôler à tout moment la masse monétaire en circulation.

Pourquoi?

Il est constaté que s’il y a plus d‘argent en circulation que de biens à acquérir avec cet argent, le prix des biens a tendance à augmenter et s’il y a plus de biens à acquérir que d’argent pour en faire l’acquisition, le prix des biens tend à baisser. Dans un cas comme dans l’autre, la banque Centrale est dans l’obligation d’intervenir. Dans le premier cas, elle fermera la vanne du crédit en relevant les taux d’intérêt tandis que dans le second cas elle ouvrira la vanne du crédit en abaissant les taux d’intérêt car seul le crédit met de l’argent en circulation.

Autre obstacle portant également l’empreinte de l’international : sous couvert de financement et de coopération, l’international dicte et impose des projets alors que c’est le Gouvernement qui devrait définir ses besoins et fixer ses priorités.

Haïti a besoin d’un Bureau d’Etudes et de Promotion des Investissements (BUDEPI)  qui fasse la promotion des investissements. Ce bureau ferait l’inventaire des industries dont Haïti a besoin et qui peuvent être réalisées; il en ferait les études de faisabilité qu’il tiendra à la disposition des investisseurs, haïtiens ou étrangers. Toute personne physique ou morale désireuse d’investir contactera ce bureau qui lui présentera un éventail de projets qui peuvent être réalisés avec le capital dont il dispose. Au cas où un projet intéresserait plusieurs investisseurs à capitaux limités, ce bureau leur suggérera de s’associer pour l’exécuter. Ainsi on évitera le surdéveloppement d’un secteur et le sous-développement d’un autre.

Autre obstacle à notre développement, nous devons cesser de sous-utiliser ou de mal utiliser nos “maigres” ressources humaines. En effet, par exemple, nous n’avons point besoin d’un médecin à la tête du Ministère de la Santé Publique et de la Population ou d’un Agronome à la tête du Ministère de l’Agriculture. Un Gestionnaire qui s’entoure d’un cabinet technique formé entre autre de médecins ferait l’affaire. Le médecin serait bien plus utile dans un hôpital ou un dispensaire ou l’agronome sur une plantation d’autant plus qu’arrivés à la tête de ce Ministère, ces professionnels se changent rapidement en politiciens.

Si nous nous attardons à énumérer les obstacles à la réussite d’Haïti, cela nous couperait les ailes de l’enthousiasme et nous empêcherait de réaliser qu’Haïti peut et doit réussir à nouveau; elle a en mains la clé de son développement, car il est dans la vie de chaque nation sur terre des opportunités qui lui sont offertes pour son développement, parfois même, comme dans le cas d’Haïti, un développement endogène et intégré.

Considérons tout d’abord le domaine de l’agriculture ;  celle-ci, de nos jours, ne peut plus se faire à la houe et  la serpette, et aussi sur de petites parcelles. Le besoin pour les fermiers est donc qu’ils se regroupent en coopératives agricoles et mettent leurs terres en commun.

De plus, le fermier haïtien a besoin d’équipement et de machines agricoles (motoculteurs, ensemence uses, etc…) dont il n’a pas les moyens d’en faire l’acquisition. Aussi, la création d’une Banque de Développement s’avère t’elle nécessaire, qui sera secondée par une Banque d’outils Agricoles où le fermier trouvera en location le matériel dont il a besoin. S’il a les moyens, il paiera au comptant, sinon il paiera en denrées au moment de la récolte. La banque disposera alors d’un magasin où elle mettra en vente ces denrées  à des prix avantageux au profit des petites bourses et des démunis.

Quant au secteur connexe à l’agriculture qui est la pêche, il est grand temps que nous passions de la pêche artisanale à une pêche industrielle avec une flotte de chalutiers équipés pour la pêche en haute mer avec chambres froides, matériel de nettoyage, de préparation et d’emballage des fruits de mer.

Dans le domaine du commerce et de l’artisanat, il serait bon de construire dans chaque département un Centre de Promotion de l’artisanat (CPA) où les artisans trouveront en location des espaces qu’ils pourront utiliser comme ateliers et comptoirs de vente.

Ces centres de promotion de l’artisanat (CPA) abriteront également une école professionnelle multidisciplinaire qui formera des artisans dans des professions jadis florissantes et créatrices d’emplois contribuant à  l’amélioration du PIB et du revenu per capita (cordonniers, tailleurs, couturières, matelassiers,  etc.. ).

Le domaine de l’industrie quant à lui est vierge, inexploité et prometteur. Nous n’avons qu’à penser à la filière de l’agro-industrie.

En effet, les fruits et légumes abondent partout au pays, et des usines de transformation non seulement créeront des emplois et amélioreront le revenu per capita, mais encore augmenteront notre production nationale tout en augmentant le volume de nos exportations, ce qui résultera en une amélioration de notre balance commerciale.

Toujours dans le domaine de l’industrie, il faudrait peut-être penser aussi à relancer la prospection du sous-sol à la recherche de pétrole. Qu’on en découvre ou non, on devrait envisager l’installation d’une raffinerie sur l’île de la Gonâve; ainsi, on importerait plutôt du pétrole brut à meilleur marché, non seulement réduisant nos sorties de devises mais aussi et surtout créant de nombreux emplois. De plus, l’on pourrait importer plus qu’on en a besoin à bien meilleur marché  encore, et le surplus raffiné pourra être vendu aux autres îles de la région, générant des revenus.

D’un autre côté, Haïti peut se replacer sur la carte touristique mondiale en mettant à profit ses belles plages de sable fin le long desquelles l’on construirait des hôtels du style « Ibo Beach » avec des « bungalows » individuels qui seraient non seulement une innovation mais aussi une attraction pour les touristes longtemps habitués aux hôtels à plusieurs étages qu’offrent les autres îles de la zone.

A la panoplie de nos sites historiques et touristiques on pourrait ajouter un en relocalisant le marché de la Croix des Bossales et en reconstituant à sa place la Place du marché aux esclaves, place qui eût été l’aboutissement de la Route de l’Esclave, projet que l’UNESCO avait lancé à Ouïdah, au Bénin, en 1994 dans son assertion que «l’ignorance sur le voile qui couvre les événements historiques majeurs constitue un obstacle à la compréhension entre les peuples. »

Mais il n’est pas trop tard; Haïti ne mourra pas, mais renaîtra avec une révolution d’un genre nouveau. Ce ne sera pas une révolution militaire, encore moins une révolution politique ou économique, mais plutôt une révolution culturelle qui nous emmènera à changer notre mentalité, à nous mettre d’accord pour nous unir comme nous en avions montré l’exemple au monde en 1791. Ce ne sera pas un véritable changement, mais plutôt un retour à notre bonne vieille tradition de « konbit » où, tous ensembles, dans un coude-à-coude fraternel, nous mettons en commun nos énergies pour labourer et ensemencer ce bien commun qui est notre chère Haïti.   

A la récolte, nous serons encore tous là pour savourer les doux fruits de cette Haïti qui renait non pas pour tourner le dos à l’Occident, mais pour se souvenir de ses origines, du sacrifice que nos ancêtres ont fait de leur vie pour nous léguer cette nation et se rapprocher de l’ « Alma Mater » tout en portant haut l’espoir de finalement siéger comme membre à part entière de l’Union Africaine en notre  qualité de fille aînée de cette sixième région de l’Afrique qu’est la Diaspora Africaine.

De ce rapprochement, grain semé dans le champ de nos relations internationales, germeront de fraternelles coopérations Sud-Sud, aussi nombreuses que fructueuses, qui s’en iront de par le monde montrer à tous les peuples que le nègre, lui aussi, a dans son vocabulaire des mots comme fraternité, entraide et solidarité.

Depuis quelque temps Haïti figure au bas du classement de la « Transparency International ». On a beau mettre en place l’Unité de Lutte Contre La Corruption (ULCC) et l’Unité Centrale de Renseignements financiers (UCREF), mais à nul effet. Il serait bon que la Banque Centrale, conjointement avec ces deux institutions, s’attellent à élaborer un code ; qu’on l’appelle le Code Bancaire Haïtien ou le Code Monétaire et Financier  de la République d’Haïti, peu importe,  son application sera bien plus efficiente que celle de la loi du 14 mai 2012.

Alors seulement, Haïti renaîtra de ses cendres pour redevenir ce qu’elle était autrefois : la Perle    des Antilles et surtout…..Mère de libertés. 

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