Critique : Avatar, La Voie de l’Eau

Il y a tout juste 13 ans, le monde entier entrait dans une folie soudaine en se ruant tout autour du globe dans les salles obscures pour un voyage insolite.
James Cameron les invitait à une expédition sur Pandora, planète extra-terrestre qui fît instantanément rêver la Terre entière, à tel point que ce fameux Avatar explosa absolument tout au box-office. Non seulement le public répondit présent, mais il y retourna, laissant le film à l’affiche pendant plusieurs mois et le propulsant au rang de plus gros succès au box-office de tous les temps, outre-passant le record détenu par le même James Cameron avec son Titanic, chose que l’on pensait impossible à l’époque, encore moins avec une histoire de fantasy portant sur de grands aliens bleus.
Dès lors, on aurait pu croire que la Avatar-Mania allait battre son plein au fil des ans, mais tout ça s’est assez vite tari, avec un petit refrain sur Internet et dans certains médias, clamant qu’Avatar n’allait laisser aucune trace dans la pop culture (?!), loin de l’abattage marketing permanent de ses concurrents.
Nous voilà donc 13 ans après, après une décennie où les franchises ont dominé Hollywood comme jamais, en multipliant leurs supports, en saturant le calendrier à tout bout de champ et en sabotant une à une plusieurs licences cultes du 7ème art, tandis que le streaming est venu chambouler les habitudes des spectateurs, bien aidé par une pandémie et des confinements.
C’est au milieu de ce bazar sans nom que revient enfin Avatar, pour la première de quatre suites annoncées, désormais sous l’égide de Disney suite au rachat de la 20th Century Fox par la maison de Mickey.

Si certains doutent encore du réalisateur visionnaire, terme certes galvaudé mais qui pour une fois s’applique à juste titre, il compte bien ramener les gens en salles avec La Voie de l’Eau.

Et comme l’a si bien prouvé l’histoire, il ne faut jamais parier contre James Cameron…

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il convient de rappeler les conditions de travail derrière une telle suite, tant elles sont particulières.
Initialement parti pour faire une trilogie, le cinéaste canadien a pondu environ 1500 pages de notes, et a décidé contrairement au premier film de s’entourer d’un groupe de 4 scénaristes pour l’aider, avec qui il a repris tous ses documents pour établir la structure de sa saga, passant au passage de 2 à 4 nouveaux films.
Pendant 7 mois, ils ont travaillé ensemble sur toutes les scènes, s’assurant de la cohérence de l’œuvre globale et de la bonne tenue des différents arcs narratifs, avant que Cameron n’écrive le script final de chaque film avec un scénariste ou un autre du groupe.
Si Avatar – The Way of Water sort aussi tard, c’est d’abord le résultat du soin maniaque de son auteur, qui tenait à ce que toute la saga soit complètement écrite de bout en bout, que les points finaux des 4 scénarios soient posés, tout comme l’intégralité de la direction artistique (créatures/décors/costumes…) a été pensée de la même manière en amont, avant d’allumer les caméras.
Prenant exemple sur la méthodologie de Peter Jackson sur le Seigneur des Anneaux (au détail près qu’il écrit carrément les bouquins au passage !), on peut voir ça comme une ambition narrative démesurée, peut-être gloutonne, ou comme une simple réponse aux méga-franchises en face. Toujours est-il qu’il s’assure ainsi de la bonne tenue de l’ensemble et qu’il sait pertinemment où il va, histoire de ne pas répéter les erreurs de la concurrence (qui a parlé de la post-logie Star Wars ?!).
Bref, en architecte de la grande saga de son existence avant même de proposer le 2, Cameron montre au moins qu’il n’a rien précipité malgré le succès monstre du premier film, et qu’il a pris le temps de faire les choses correctement, au même titre des nouveaux défis technologiques délirants qu’il s’est imposé, en grande partie pour faire de la performance capture sous l’eau !
Ce qui en rajoutait pas mal à l’excitation autour de ce deuxième chapitre, surtout quand on sait que le bonhomme a déjà réalisé deux des meilleures suites de l’histoire du cinéma, à savoir Aliens et Terminator 2 – Le Jugement Dernier. Et coupons le suspense tout de suite : The Way of Water vient triomphalement s’ajouter à ce palmarès.

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Pourtant, il faut bien être honnête : l’introduction a de quoi décontenancer.
Ayant à cœur de marquer les retrouvailles du public avec Pandora, la toute première partie recoupe avec cette volonté de poser les choses vite et sans détour comme l’ouverture du premier film, que ce soit la famille de Jake Sully, désormais parents avec Neytiri de 4 enfants dont une fille adoptive et sans compter un humain élevé par les Na’Vis prénommé Spider, ou le retour féroce de ces satanés terriens.
En la matière, le tout prend vite des allures d’Empire Contre-Attaque car on s’en doutait à la fin du précédent, la race humaine n’a pas trop apprécié la raclée et revient en force, comptant bien exploiter les ressources de cette planète foisonnante jusqu’au bout.
Catapultant plein de nouveaux personnages dans la balance avant même qu’on ait eu le temps de retrouver les anciens, et bousculant le statu quo de l’univers au bulldozer, Cameron charge les enjeux de cette suite illico-presto, comme s’il était pressé malgré les 3h10 de pellicule, avec la ferme intention au passage de casser le moule Avatar, s’amusant à reprendre plusieurs scènes du premier opus sous un nouvel angle histoire d’assurer au spectateur où il met les pieds, mais pas trop vu que tout ça s’apprête à changer !
Il faut noter au sein de cette intro turbo la facilité déconcertante avec laquelle il expose le public à des concepts de science-fiction encore bien perchés, comme celui qui justifie par exemple le retour du personnage de Quaritch, avec une nouvelle dimension pour le moins perturbante à sa partition déjà bien tête-brûlée.
Un antagoniste qui avait subi les foudres de pas mal de spectateurs, qui le jugeaient caricatural, mais Cameron adore manipuler les archétypes et le fait toujours avec un entrain et une inventivité sans commune mesure, tant sa croyance absolue dans son univers, sans la moindre once de cynisme, et sa science redoutable du détail, cimentent les choses instantanément.
On ne dévoilera rien du film qui sorte de la promo pour vous laisser la surprise, mais ce retour de Quaritch, pourtant mort sous nos yeux en 2009, est une des grandes réussites de cette suite, tout comme le personnage de Kiri, la fille Na’Vi adoptive de Jake et Neytiri, jouée par Sigourney Weaver qui campe ici une adolescente de 14 ans alors qu’elle en a 73 ! (68 au début du tournage)
Vous vous dites sûrement quelle est donc cette sorcellerie, vu que Weaver jouait déjà un personnage auparavant, à savoir la professeur Augustine décédée elle aussi dans le premier film.
Ce tour de passe-passe est là encore pleinement assumé, et prouve que la technologie bien utilisée peut absolument tout faire lorsqu’elle est au service d’une histoire rondement pensée.
Mais faisons comme Cameron et ne tournons pas autour du pot : ici le décor de The Way of Water n’est plus celui que l’on connaît, à savoir que l’on va vite quitter les forêts luxuriantes de Pandora pour découvrir sa partie aquatique.

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Par la force des choses, la famille Sully telle qu’on l’appelle à présent va aller à la rencontre des peuples des récifs et découvrir un tout nouvel aspect de cette planète : ses fonds marins.
Une nouvelle occasion pour le metteur en scène de plonger tête la première après Abyss et Titanic, dont on retrouve plusieurs aspects çà et là, tandis que ce nouveau décorum permet plusieurs choses.
La première, c’est de retrouver la magie qui sous-tendait Avatar, à savoir cette capacité à offrir un environnement semblant tout droit sorti d’un rêve, dans sa forme la plus palpable et tangible. Absolument toutes les scènes sous-marines tiennent de l’enchantement pur, Cameron prenant un malin plaisir à laisser les enfants Sully partir en exploration avec leurs nouveaux camarades de jeu, afin d’exposer aux spectateurs les multiples splendeurs et terreurs qu’elles renferment.
Si vous étiez déjà bouche-bée devant la richesse de l’univers du premier film, préparez-vous à en reprendre un coup, tant la variété des espèces présentées scelle une nouvelle fois la crédibilité de l’ensemble, où tout semble avoir été pensé jusque dans les moindres détails.
Cameron ne semble pas juste avoir imaginé avec ses équipes quelques poissons étranges ou autre, mais tout l’environnement de fond en comble, tant on comprend à l’écran le fonctionnement de chaque élément, l’échelle alimentaire qui le sous-tend, la connexion entre les écosystèmes et le rapport entre les différentes espèces, tout comme leur signification pour le peuple des Metkayina, ceux qui accueillent nos héros. Si bien des éléments recoupent avec ce qu’on a pu voir dans la forêt du premier film, il y a aussi cette idée qu’Eywa se manifeste différemment ici, amorçant de nouvelles choses dans la dimension fantastique de ce monde étrange.
Ainsi Cameron continue son exploration façon National Geographic de l’imaginaire, et laisse le temps à ses personnages et au public de s’émerveiller au sens premier du terme, devant des scènes toutes plus sublimes les unes que les autres, au rendu visuel proprement stupéfiant, montant encore la barre à un cran inédit, quand bien même le premier film n’avait pourtant pas pris une ride comme il avait pu le montrer vaillamment lors de sa ressortie en septembre.
On a l’impression que l’on peut toucher les textures du bout des doigts, que ce soit la peau perlée des personnages, la carapace de certains animaux, ou même l’aspect gélatineux de bien des bêtes sous l’eau. Et l’eau, parlons-en. C’est simple : elle n’a jamais été aussi bien recréée à l’écran, et c’est d’autant plus époustouflant en 3D tant on a littéralement l’impression d’avoir la tête dedans, avec des lunettes de plongée vissées sur le nez.
Ce n’est pas qu’une question de profondeur, mais désormais de densité.
La matière aquatique transparaît au cœur de l’image, avec ses variations, toutes les particules qu’elle transporte, et les multiples reflets qui la traversent.
Plus dingue encore, la liberté totale offerte par la technologie fait que l’eau n’a peut-être jamais été aussi bien filmée, The Way of Water étant pour ainsi dire une véritable lettre d’amour aux océans, à leur beauté tout comme à leur caractère insondable, les Na’Vis étant minuscules au milieu de ses étendues bleues à perte de vue, et Cameron semblant volontairement se perdre avec eux dans leur infinité.

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L’autre chose permise par ce thème marin, et on sait qu’elle tient terriblement à cœur au réalisateur, c’est prévenir sur leur survie.
Si ce bon vieux James met tant d’amour et d’emphase à mettre en scène la mer, c’est aussi pour en souligner la fragilité, qui plus est face à une humanité qui pioche et annihile tout sur son passage.
Là encore, la race humaine a le mauvais rôle dans le film, et les troupes dirigées par Quaritch ne respectent rien, ce que les enfants Sully vont d’ailleurs découvrir même loin du danger.
Au détour d’une monumentale scène de pèche, ou même d’une simple séquence dans la gueule d’une baleine, Cameron est remonté comme un coucou et met en garde contre la surexploitation de notre environnement, découlant du néo-libéralisme et de la mondialisation.
En cela, The Way of Water pourrait sembler faire redite avec le précédent film, qui ne se ménageait déjà pas pour dire combien notre espèce exploite et extermine les écosystèmes sans se soucier des conséquences.
Un message qui parait simple, voir simpliste, et qui était semble-t-il un peu passé au-dessus du public en 2009, pas grand monde n’ayant remarqué à l’époque que les grands méchants de l’histoire, c’était les humains, c’est-à-dire vous et moi, nous tous devant notre écran de cinéma, qui terminions l’histoire en tant « qu’étrangers retournant sur leur planète mourante » !
Cameron venait de plier un succès mondial, dans lequel l’humanité venait cordialement se détester elle-même !
Beaucoup pointaient le caractère manichéen de l’ensemble, lui attribuant même un aspect un peu bonnet. Et pourtant, à la revoyure du premier film lors de sa ressortie en septembre, le message étant d’autant plus violent que 13 ans ont passé depuis sa sortie et que, devinez-quoi : l’humanité n’a à peu près rien fait pour contrer le réchauffement climatique.
Cameron a toujours été un fervent défenseur de l’écologie, et son combat a même pris une autre tournure dans la décennie passée puisqu’il est devenu végan et a ouvert une immense ferme en Nouvelle-Zélande pour développer une agriculture biologique durable, tout comme il a produit (entre-autres) un documentaire sur des athlètes de haut-niveau ayant un régime végétarien.
Ces éléments sont au cœur de la narration de The Way of Water, qui invite à reconsidérer son rapport au vivant en permanence, n’ayant pas peur d’utiliser le fantastique pour forcer le trait, avec une candeur qui fera sûrement rire quelques cyniques mais qui donne lieu à des scènes hautement symboliques et touchantes.
Et si le message du premier opus semble être tombé dans l’oreille d’un sourd, il reste que la situation s’est bien aggravée depuis, et Cameron en profite pour en remettre une couche, en montrant dès les premières scènes une race humaine qui n’a plus aucune considération pour la chose, prête à absolument tout pour extraire des matériaux rares, sans se soucier des dégâts colossaux, répétant inlassablement les mêmes schémas de destruction.
La sensation d’injustice et de dégoût qui en ressort, et qui est l’enjeu principal de la désormais saga Avatar, marque tant elle s’avère viscérale, car méticuleusement pensée et préparée.
Evidemment, Cameron n’est pas le premier ni le dernier à offrir une fable écologique, mais il articule ici l’imaginaire et une écriture mythologique avec une telle force que cela marque bien plus que chez ses comparses, et son épopée est entièrement dévouée à cette cause, avec une ferveur et une manière de la traduire sensoriellement et émotionnellement qui n’ont aucun équivalent à l’heure actuelle. On notera d’ailleurs que tout a été pensé en coulisses, entre les studios de tournage et de post-production alimentés par des panneaux solaires ou un régime végane pour toutes les équipes, afin que la production ait une empreinte carbone négative. James ne rigole pas avec l’intégrité !
Film familial revendiqué, il y a fort à parier que The Way of Water marque bien des esprits par son approche implacable du sujet, et les mène sur une réflexion quand à leur rapport au vivant et à leurs aliments. Pour le dire plus simplement, ça ne serait pas étonnant que certains spectateurs, y compris les plus jeunes, deviennent végans en sortant !
D’ailleurs, pour en finir avec la réflexion sur l’eau, on sait combien elle est indissociable de la vie.
La science est catégorique là-dessus : sans eau, pas de vie telle qu’on la connaît, c’est aussi simple que ça.
Evidemment, cette parabole est là encore présente au cœur du film, qui invite à célébrer la pureté d’une existence vierge, primaire, des origines, loin de toute considération superflue, comme un poème qui vanterait les beautés innombrables de la création, et la magie qui en découle, à travers cette étincelle inexplicable qui anime les choses. Si les humains du film sont un reflet direct du pire de ce que l’on peut causer, les Na’Vis en sont le versant idéal, une invitation à un retour aux sources, aux origines de notre être profond, animal, naturel et mystique.
The Way of Water y ajoute la candeur de l’enfance, pour apposer le point de vue le plus pur et vierge sur la question, à l’instar d’un Miyazaki ou d’un George Miller.
En proposant une telle mythologie entièrement axée sur la question, Cameron peut imposer pour de bon Avatar comme LA grande saga populaire de son époque, plus connectée aux enjeux actuels qu’aucune autre, alimentée par une colère et un élan passionnés à l’heure où la majorité des franchises de grand divertissement est restée bloquée sur des enjeux cosmétiques et vieillissants, totalement désincarnée par les studios qui creusent leurs fonds de tiroirs pour alpaguer le public sur sa fibre nostalgique.

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La raison d’être d’un mythe, c’est précisément de parler du concret par le prisme de l’imaginaire.
Cameron l’a compris depuis le début (on salue bien bas Terminator devant les derniers progrès fulgurants des intelligences artificielles…), et compte proposer un récit facile d’accès, touchant et fédérateur pour porter ses thématiques.
C’est l’une des grandes évolutions de The Way of Water par rapport à son modèle : la famille !
Et rassurez-vous, pas question d’avoir ici un simple refrain recraché à tout va façon Fast & Furious : Cameron montre comment les enfants ébranlent les certitudes des personnages, en faisant d’abord de Jake et de Neytiri deux êtes pétris de doutes, fuyant le danger et dépassés par les conséquences de leurs actes anciens, encore plus maintenant qu’ils ont des bambins dans les pattes.
Cela lui permet de traiter de la transmission, d’abord culturelle et éducative, mais aussi du monde que l’on laisse à nos enfants, histoire d’en remettre une couche avec l’environnement.
Et des craintes dans lesquels on peut s’enfermer dans une telle situation, Jake voyant sa famille comme une forteresse mais passant son temps à remonter les bretelles de ses gosses, qui apprennent comme lui auparavant, et qui offrent parfois un point de vue nouveau, auquel il n’est pas forcément préparé.
Les enfants occupent la plus grande part de cette suite, reléguant d’ailleurs un peu trop Neytiri au second plan, même si cela s’explique narrativement, elle aussi étant dépassée par la situation.
Elle et Jake portent cette idée terrible que si les enfants sont notre succession, ils ne doivent en aucun cas refaire nos erreurs, sauf que cette philosophie peut s’avérer contre-productive et amener d’autres problèmes.
D’autant qu’à la manière de Terminator 2, Cameron brouille les frontières et complexifie la situation, avec la présence du fameux personnage de Spider, un humain élevé par les Na’Vis, dont le compas morale et le sens de l’appartenance vont être mis à rude épreuve, creusant une figure passionnante, dont le statut hybride rappelle Jake et son avatar sans être passé par la phase de résurrection du personnage, qui réapprenait littéralement à vivre dans le premier film.
Coincé dans son corps humain et obligé de porter un masque pour arpenter Pandora, Spider peut-il vraiment vivre tel un Na’Vi, à l’heure où ceux qui lui ressemblent défoncent la porte ?
Une question qui est aussi approfondie par la présence d’avatars malintentionnés du côté des humains, qui vont passer le film à essayer d’apprendre les coutumes et usages des Omatikayas, revivant les grandes étapes par lesquelles est passé Jake dans Avatar pendant que celui-ci essaie d’avancer. Un ressort dramatique à la fois symbolique (les méchants sont restés bloqués au premier film !) et redoutable (ce détail anodin est déjà une révolution pour eux, et les rapproche petit à petit de Jake) qui accentue un peu plus le flou entre les deux camps, ou les chemins de traverse entre eux.
La présence au scénario de Rick Jaffa et Amanda Silver, ceux-là même qui ont travaillé sur la dernière trilogie de la Planète des Singes, n’étonnera donc personne, tant ils avaient revigoré cette franchise en jouant sur les guerres intestines et les dilemmes moraux en tout genre.
Des guerres intestines là-encore présentes, puisque la cohabitation entre Omatikayas (la famille Sully) et Metkayinas (le peuple des récifs) va être source de tensions, à mesure que les enfants des deux camps se rencontrent, rivalisent et s’apprivoisent, s’amusant chacun des différences de l’autre, parce que le racisme est à vrai dire partout, alors pourquoi pas à l’autre bout du cosmos ?!
Et vous le voyez venir, ces fameux dilemmes moraux vont prendre de l’épaisseur petit à petit et être la pierre angulaire dramaturgique de ce deuxième film, tout en servant de fondation aux suivants.
Notamment sur la réponse aux méthodes des humains, et l’incapacité d’entrée de jeu de Jake à faire face à un tel déluge, faisant des personnages des migrants, qui ne sont jamais vraiment en sécurité ou chez eux à mesure que l’ombre du danger les suit.
On parlait de quoi tout à l’heure déjà ? Ah oui, l’environnement.
Qui dit crise climatique, dit aussi mouvements migratoires liés à des conditions météo de plus en plus extrêmes, qui viennent s’ajouter à ceux causés par des guerres.
Politique cet Avatar vous dites ?

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Alors tout ça peut sembler très dense, peut-être un peu trop évident ou à charge et pourtant, la chose qui fait la différence, c’est la fameuse touche James Cameron, celle-là même qui faisait passer Titanic en un éclair, tout comme le premier Avatar.
Rebelote : les 3h10 de The Way of Water ne se ressentent jamais et s’avèrent être une merveilleuse démonstration de la relativité du temps. Parce que rien n’est jamais gratuit et que chaque scène apporte quelque chose, parce que le tout est fait avec un soin maniaque, et parce que Cameron mélange les genres et s’en fout complètement à vrai dire du moment qu’il a son histoire à raconter (sans manquer de rendre un petit hommage à son pote Spielberg au passage), le film coule de source, en partie par l’immersion délirante qu’il offre, insufflant de la vie dans absolument tout ce qu’il y a à l’écran. On a parlé du miracle Pandora et de ses prodigieux fonds marins, mais cette qualité se retrouve à l’écriture, comme en témoigne la multitude de personnages, et le fait que l’on croit dans tout ce que l’on voit, parce que Cameron y croit lui-même dur comme fer et qu’il sait donner la juste réplique au bon moment, le petit geste apriori anodin qui pose un personnage, la réaction dans un coin de l’écran qui ancre l’instant, le fait que tout interagit avec un naturel désarmant quand bien même tout ça est extra-terrestre et numérique.
Le diable est dans les détails, et Cameron n’en omet aucun.
The Way of Water porte les fruits d’un travail d’orfèvre, où tout se coordonne à la perfection, où ce qui semble être un écart narratif a des conséquences dans la foulée, où l’on imagine sans aucun mal que tout ça bouge même en dehors de ce que l’on voit à l’écran, tant on a cette impression Ô combien délirante que Pandora existe, que les Na’Vis respirent pour de vrai et que James Cameron est allé sur place avec sa caméra pour filmer, aussi simplement que ça.
Son travail particulier sur le cadre reste un modèle du genre, où tout est fait pour sentir le poids d’une caméra physique malgré l’avalanche technologique, où il va chercher l’air de rien des petites choses à droite à gauche qui donnent de la chair à l’ensemble, pour appuyer cette sensation de poids et de réalisme hors normes, tout comme il a encore ce don pour charger tout ça de symbolique en continu.
Car Cameron a toujours été un cinéaste qui parle directement à l’inconscient, dont les images piochent dans notre mémoire collective sans en avoir l’air pour convoquer émotions et réflexions (le colonialisme en prend encore pour son grade), tout comme il sait combiner tout ça à une exigence dramaturgique de chaque instant, pour mieux vous scotcher et ne plus vous lâcher.

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Vous vous souvenez de ses triples climax implacables ?
Celui de The Way of Water semble même être passé au quadruple, enchaînant les moments de bravoure avec une facilité et une aisance déconcertantes, entre une chasse à l’homme sous-marine suffocante, un mexican stand-off aux proportions démesurées, une bataille d’une lisibilité intacte malgré le nombre d’éléments à l’écran, ou encore un film catastrophe envoyé dans la foulée, rejouant les meilleurs moments de Titanic de façon encore plus immersive !
Dès lors qu’il est lancé, Cameron a ce don démoniaque pour ne plus nous lâcher, et c’est ainsi qu’on se retrouve à avoir peur pour les personnages comme rarement, aussi parce que l’on sait que tout peut arriver dans ses films.
D’un point de vue du spectateur lambda, qui vient au cinéma en prendre plein la vue, The Way of Water propose en son sein un véritable roller-coaster, et possède des trésors d’inventivités conceptuels et scéniques, où certaines inventions de science-fiction se traduisent au cœur de l’action en alimentant cette dernière, sans jamais s’écarter ni des thèmes du film, ni des personnages qui restent au cœur du récit du début à la fin. C’est à se demander le temps qu’il a fallu aux équipes ne serait-ce que pour appréhender certains passages du film, tant ils sont retors sur le papier, infernaux à mettre en scène, et en ressortent avec une efficacité et une évidence qui laissent bouche-bée.
Oui, James Cameron reste ce metteur en scène hors pair, et quand bien même il nous en met plein la tronche à tous les niveaux, il le fait en ayant systématiquement en vue son récit, en témoigne un accent plus poussé sur les émotions que dans le premier opus, The Way of Water étant pour ainsi dire bouleversant par instant, aussi bien dans la magnificence de ce qu’il montre que dans la puissance de ses enjeux et de ses personnages, qui restent le vecteur premier de tout le projet.

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Alors, au beau milieu de ce déluge de louanges, reste-t-il quelques ombres au tableau ?
Il se trouve que oui, la plus évidente étant l’utilisation du VFR, pour Variable Frame Rate, qui consiste à mélanger les fréquences d’images plutôt que de garder la même tout du long.
Pour ceux qui n’ont rien compris à cette phrase, le cinéma est depuis l’arrivée du parlant bloqué à un standard de 24 images par seconde, soit le nombre minimum d’images permettant la synchronisation entre l’image et le son, histoire de ne pas utiliser trop de pellicule tout en ayant une illusion viable.
Avec l’arrivée du numérique, cette fréquence n’a plus raison d’être, surtout en 3D où ce faible nombre d’images entrave le confort d’une telle technologie.
Or avec le Hobbit, Peter Jackson a essayé de pousser le format avec le HFR, High Frame Rate, en passant à 48 images par seconde, pour offrir une plus grande fluidité de mouvement, et une 3D naturellement plus profonde et riche vu qu’elle contient le double d’information chaque seconde.
Problème : notre cerveau est conditionné depuis notre plus tendre enfance à voir des films en 24 FPS, c’est pour lui le sel de l’illusion cinématographique. Et ces habitudes de spectateur sont extrêmement difficiles à rééduquer tant elles sont ancrées en nous.
Jackson en a fait les frais : les 3 Hobbits étaient de moins en moins facile à voir en HFR au fil de leurs sorties, parce que les spectateurs trouvaient le rendu souvent trop télévisuel ou jeu vidéo, notamment sur les visages et les gros plans, tandis que c’est moins gênant sur les plans larges où il y a énormément de choses en mouvement. Ang Lee avait même essayé de pousser le procédé à 120 images par seconde avec Billy Lynn et Gemini Man, et la réponse a été encore pire de la part du public pour le film avec Will Smith, dont les qualités narratives n’aidaient certes pas beaucoup.
La solution ici expérimentée par Cameron, c’est donc le VFR, à savoir garder le 24 FPS pour les gros plans et les images susceptibles de perturber notre perception avec le saut technologique, et d’utiliser le 48 FPS pour ceux où le confort offert est non-négligeable, tout en apportant de la fluidité et de la netteté à l’écran, ce qui n’est pas un luxe quand ça bouge dans tous les sens, y compris sous l’eau. À noter que cette technologie ne s’applique qu’à la version 3D du film, où elle prend tout son sens compte tenu du relief, tandis que la version 2D restera constamment à 24 FPS.
Et résultat : ça ne marche pas très bien, déjà parce que le choix des plans en 24 ou en 48 semble par moment aléatoire, Cameron utilisant une fréquence puis l’autre sur des plans très proches lors d’une même scène, et sacrifiant parfois la fluidité d’un plan large pour rendre un gros plan au contraire très limpide, avant de faire exactement l’inverse quelques secondes plus tard.
Alors rassurez-vous, une majeure partie du film est en 48 FPS, et il y a aussi des plans qui ne choquent pas du tout en 24 FPS. Mais globalement, l’écart entre les deux peine à s’expliquer tant on a souvent l’impression qu’un plan se met soudain à « ramer », surtout vue la richesse de la mise en scène, avec des arrières plans souvent chargés, et une tendance à mettre des choses en mouvement partout même dans des scènes anodines, l’un des fameux trucs du réalisateur pour donner de la vie à ses films. Cameron vient de passer des années à faire son film chez Weta, la boite d’effets spéciaux de Peter Jackson qui avait fait le Hobbit ou Gemini Man, et est sans doute conscient du résultat, donc on pourrait imaginer que le but est aussi de montrer au public la supériorité indiscutable du HFR lors d’une projection 3D, en espérant que le prochain Avatar franchira définitivement le pas, ou qu’il sera au pire mieux équilibré sur la question. Mais tout de même, cette disparité visuelle a de quoi étonner à plusieurs reprises, surtout que la ressortie du premier film en septembre proposait le même dispositif, et le résultat était plus harmonieux. Néanmoins il y avait beaucoup moins de plans en HFR, qui sont ici en grande majorité.
Ce petit tic visuel est cependant minime, et n’atteint que très peu l’immersion délirante proposée par le film, qui rejoint le club très fermé des œuvres prouvant l’utilité du relief lorsqu’il est pensé au sein de la mise en scène.
Je ne vais pas vous refaire le chapitre sur les scènes sous-marines qui tiennent du jamais-vu, et ce serait dommage de passer à côté de cette expérience en relief tant elle vous transporte sur Pandora sans jamais donner dans les effets gadgets qui sortiraient de l’écran façon pop-up, et tant le HFR prouve son utilité pour offrir une 3D propre, lumineuse et plus profonde que jamais.

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À part ce petit différent technique, profitons-en pour signaler la jolie musique de Simon Franglen, ancien collaborateur du regretté James Horner, qui porte le flambeau sans pour autant le révolutionner, se contentant de reprendre une majorité des thèmes de son modèle et de les réutiliser exactement comme dans le précédent, avec quelques jolis ajouts par-ci par-là.
Enfin, après le retour en grandes pompes des forces humaines sur Pandora, on peut légitimement se demander ce qu’elles font pour la plupart durant le film tant The Way of Water se concentre concrètement sur une petite portion de la planète, mettant de côté la majorité des Omaticayas et annonçant des plans machiavéliques pour les humains avant de resserrer le point de vue global sur la traque entre Quaritch et Sully. Cela étant, Cameron et ses scénaristes placent clairement leurs pions au début de l’histoire, et on devrait être mis au courant des agissements en arrière-plan très tôt dans les prochaines suites, qui s’annoncent pour le moins explosives.
Vu combien ce deuxième film est déjà épique, les 2 ans qui nous séparent du prochain ne seront pas du luxe pour tout digérer.
Enfin, ce serait criminel de terminer sans dire un mot sur les acteurs.
Après tout, Cameron ne s’est pas encombré de la performance capture pour le plaisir, et prouve de plus belle combien cette technologie permet de préserver le jeu des comédiens dans des maquillages numériques saisissants. Si chaque personnage déborde de vie, on prend un malin plaisir à reconnaître les traits de leurs interprètes dans leurs visages, et le casting est globalement excellent, Zoé Saldana étant notamment toujours d’une honnêteté dans son jeu qui transperce l’écran, à l’instar de la nouvelle venue Bailey Bass, ou encore de Cliff Curtis, très imposant en chef de la tribu Metkayina, avec un charisme et une aura qui forcent le respect.
Surtout, comment ne pas mentionner Kiri, cette fameuse adolescente jouée par Sigourney Weaver. James Cameron avait déjà grandement étoffé le personnage d’Ellen Ripley avec Aliens, scellant pour de bon le rôle mythique de l’actrice. Il vient peut-être de faire un encore plus grand cadeau à la comédienne tant elle est absolument épatante et resplendissante dans une partition aussi étonnante, à l’importance capitale dans le film, et qui a le droit aux plus belles scènes, dont certaines revêtent une dimension méta-textuelle d’un lyrisme poignant, se permettant un tour de passe-passe sidérant d’un point de vue cinématographique.
On n’en dira pas plus, mais sachez juste que vous risquez de ne jurer que par Kiri en sortant de la salle.

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Il était le roi du monde en 1998, puis en 2009, et il y a fort à parier qu’il le sera encore en 2022.
Avec The Way of Water, James Cameron offre à Avatar son Empire Contre-Attaque, son Jugement Dernier ou ses Deux Tours, à savoir une suite qui cultive ses forts acquis et double la mise pour continuer de surprendre son spectateur en l’embarquant tous azimuts dans une épopée hors-normes, conciliant perpétuellement grand spectacle, tragédie grecque, brûlot écologique et fresque mythologique.
Une perfection visuelle qui frise l’insulte à toute la concurrence (inexistante à ce niveau), une écriture fluide et sensée qui happe autant qu’elle interroge, et un cœur énorme battant comme nul autre au milieu de tout ça pour mieux nous faire vibrer…
Il y a fort à parier que la planète entière est sur le point de vaciller à nouveau et se reprenne d’une passion délirante pour Pandora, ce qui serait amplement mérité tant le résultat est à la hauteur de l’évènement, et fait la preuve par l’exemple de combien un tel cinéaste nous avait manqué au milieu de toutes les franchises rincées qui ont gangrénées la machine à rêves, qui retrouve ici toute sa splendeur tant l’expérience sur grand écran se justifie à chaque seconde, en offrant ce mélange irrésistible d’intime et d’universel.
Au même titre que l’original, Avatar – La Voie de l’Eau s’apparente à un rêve éveillé de 3h10, une célébration dantesque du pouvoir de l’imaginaire et de la narration, qui ne manque paradoxalement jamais de vous confronter au réel avec une clairvoyance déchirante.

On avait presque oublié qu’une simple place de cinéma pouvait tant nous offrir.

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Critique : Avatar, La Voie de l’Eau

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