Max Hooper Schneider – Pourrir dans un monde libre au MO.CO. Panacée

Jusqu’au 24 avril 2022, le MO.CO. accueille Max Hooper Schneider à la Panacée pour «Pourrir dans un monde libre ».

Pour sa première exposition dans une institution européenne, l’artiste américain signe une proposition magistrale qui marquera à l’évidence l’actualité culturelle de ce printemps à Montpellier et plus largement dans la région méditerranéenne. C’est aussi le dernier projet de l’ère Bourriaud à la Panacée. Son vernissage qui coïncide avec la fin de « L’épreuve des corps » à l’Hôtel des collections permet de mesurer l’importance et la richesse de la programmation qu’a connu le MO.CO. ces dernières années.

Les habitué·e·s de la Panacée se souviendront certainement de la participation de Max Hooper Schneider dans « Retour sur Mulholland Drive, Le Minimalisme fantastique » en 2017, avec Cold War Dishwasher (Uranium Glass) de 2015… Il était également présent dans « Permafrost – Les formes du désastre » avec l’installation satirique et teintée d’absurdité et d’humour To become a melon head (2019), accompagnée d’une tonitruante bande-son…

À certains égards, on peut voir dans « Pourrir dans un monde libre » des prolongements des questions abordées par « Permafrost – Les formes du désastre » ou dans « Crash Test ».

Les problématiques liées à l’anthropocène y sont certes encore présentes, mais avec « Pourrir dans un monde libre », Max Hooper Schneider suggère d’aller plus loin, vers un monde qui ne « ne laisse plus aucune place pour l’humain »…

La présentation de l’exposition met en exergue ce propos de l’artiste :

« Prédire quelles espèces survivront à la crise écologique n’est pas le fruit de certitude, mais de spéculation. Ce que l’on sait cependant, c’est que les héritiers de la planète seront ceux qui, tout comme les extrêmophiles, seront capables de prospérer sur le substrat luxuriant de la pourriture humaine accumulée au cours des siècles de destruction volontaire que beaucoup ont caractérisée comme le rapport de l’homme à la nature ».

Le même texte ajoute :

« Loin de déplorer les effets néfastes sur la Terre qu’a entraîné l’avènement de l’espèce humaine (l’Anthropocène), l’artiste savoure le potentiel créatif du désastre écologique imminent, et dont l’imaginaire se nourrit de l’idée profondément optimiste que la matière ne meurt jamais, seulement qu’elle change de forme ».

« Pourrir dans un monde libre » n’est pas une litanie de plus sur les désastres annoncés, mais une évocation d’un après inéluctable sur le plan individuel et probablement au niveau de l’espèce, mais pas pour la planète. Hooper Schneider nous convie à le suivre dans ses des jardins « médico-légaux » (forensic gardens) et à partager ses visions d’une vie future luxuriante, et pourquoi pas jubilatoire, qui pourrait se développer sur le substrat de pourriture humaine accumulée au cours des derniers siècles…

Le parcours et la mise en espace, remarquablement bien construits, invitent le spectateur à une « dérive somnambule » dans un univers onirique, parfois cauchemardesque, à la rencontre d’acteurs non-humains qui appartiennent aux mondes « végétal, minéral, animal, fongique et viral » et qui « sont à la fois oracles et entrailles »…

Le début de l’exposition met en scène quelques œuvres montrées l’automne dernier dans « Damaged by Miracles » à High Art Paris.

Les deux tiers de l’accrochage et la majorité des pièces présentées dans « Pourrir dans un monde libre » sont des œuvres nouvelles (sculptures, vidéos, installations immersives) produites par le MO.CO. à l’occasion d’une résidence de recherche et de production à Montpellier.

Max Hooper Schneider a travaillé en collaboration avec des étudiants du MO.CO. Esba (École Supérieure des Beaux-Arts de Montpellier) et pour Divination Through Decomposition (Mercury’s Prograde) avec COSA (COnnexion Science et Arts), CNRS Université de Montpellier/ENSCM/Institut Charles Gerhardt.

Max Hooper Schneider a un sens étonnant de la mise en scène aux caractères parfois hollywoodiens. Dans une progression dramatique, l’artiste californien conduit ses visiteurs depuis des Terres arides de l’éocène jusqu’à Ce qui fleurit de la décomposition et illumine depuis le chaos en passant par un Terrain de jeu d’une hybridité monstrueuse, des Champ de visions mal adaptées et une Chambre de photoexcitation

« Pourrir dans un monde libre » est aussi le résultat d’un remarquable engagement des équipes du MO.CO et de la contribution essentielle de Pauline Faure et Anya Harrison qui signent un commissariat d’exception.

Anya Harrison et Pauline Faure commissaires de l’exposition et Max Hooper Schneider

Déambuler dans « Pourrir dans un monde libre » est une expérience étonnante et rare qui ne peut pas laisser indifférent et dont on ne sort obligatoirement pas indemne…

L’exposition de Max Hooper Schneider n’impose pas vraiment interprétations, commentaires ou compte rendu. Seule l’expérience physique de la confrontation aux œuvres et à leur mise en scène fait sens.

À propos de « Pourrir dans un monde libre », on pourrait tout à fait reprendre les mots que Pierre Huyghe employait pour ses installations Uumwelt puis After Uumwelt :
« Je ne veux pas exposer quelque chose à quelqu’un, mais plutôt le contraire : exposer quelqu’un à quelque chose. »
Il n’est pas inutile également de signaler que Max Hooper Schneider a été l’assistant de Pierre Huyghe entre 2011 et 2014. À l’évidence, la collaboration entre les deux hommes a été enrichissante pour l’un comme pour l’autre…

À lire, ci-dessous, quelques regards sur l’exposition qui peuvent être ignorés pour celles et ceux qui ne souhaitent pas gâcher le plaisir de la découverte… Les textes sont ceux présents dans l’espace d’exposition. Les repères biographiques sont extraits du dossier de presse et du site High Art.

En savoir plus :
Sur le site du MO.CO. Montpellier Contemporain
Suivre l’actualité du MO.CO. Montpellier Contemporain sur Facebook et Instagram
Max Hooper Schneider sur le site de High Art et du Hammer Museum

On regrette l’absence d’une publication. On renvoie à la lecture de l’article de Ingrid Luquet-Gad dans les Inrocks de novembre 2021, au texte qui accompagnait l’exposition Damaged by Miracles à High Art et à la vidéo publiée en 2019 par Hammer Museum.

Max Hooper SchneiderPourrir dans un monde libre : Regards sur l’exposition

Arid Lands and Novel Machinic Life
Terres arides et nouvelle vie machinique

Dans un paysage désertique, des machines cinétiques surgissent d’une terre aride. Des fossiles datant de l’époque éocène (-56 à -33 millions d’années) affleurent de monticules. Ces machines évoquent autant des plantes que des insectes, hybrides d’une ère révolue et imminente à la fois.

Max Hooper SchneiderEocene Epizoon Virus Spire, Eocene Epizoon Cnidarian Bacula et Eocene Epizoon Crystal Bacteriophage, 2021. Fossiles de l’époque éocène, machines en aluminium, sable aggloméré – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée. Courtesy High Art, Paris/Arles

Garden of Uncertain Preservation
Jardin de la préservation incertaine 

Les objets – plantes, fruits, légumes, accessoires BDSM, maisons de poupées – qui forment ces ensembles sculpturaux, sont recouverts d’une couche de cuivre galvanisé. Le métal emprisonne la matière, sans l’empêcher de se modifier ou de pourrir. Les contusions arc-en-ciel qui apparaissent sur la surface sont les seuls indices de la transformation en cours.

Max Hooper SchneiderMi Casa, Su Casa (Victorias House), Mi Casa, Su Casa (Farnthouse) et Mi Casa, Su Casa (Georgian House), 2022. Maison de poupée, tronc d’arbre en fibre de verre. Techniques mixtes, galvanisation cuivre – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée

Max Hooper SchneiderDis-Memorium (Morbid Eroticism), 2021. Accessoires érotiques et de bondage plaqués cuivre – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée. Courtesy High Art, Paris/Arles

Playground of Monstruous Hybridity
Terrain de jeu d’une hybridité monstrueuse 

Cette sculpture hybride est formée de fragments en aluminium d’un mammifère marin, de fossiles et d’une balançoire. L’œuvre explore la technologie et sa capacité à produire de nouvelles matières, ne serait-ce que par un assemblage de formes inédit échappant à la raison.

Max Hooper SchneiderThis Seat Is Taken, 2022. Objets en fonte d’aluminium soudés, chaînes et Succulent Tomb (Aloe), 2022. Plante, galvanisation cuivre – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée

Field of Maladaptive Visions 
Champ de visions mal adaptées 

À la fois quête hypnotique et conte funèbre, l’œuvre montre un mutant traversant en auto-stop le désert d’Arizona. Il cherche un lieu de sépulture pour son fils décédé, un poisson pétrifié. Cette traversée solitaire fonctionne comme une parabole du délire qui nous atteint lorsque nous subissons une isolation extrême. Trop triste pour être drôle, trop absurde pour être triste, l’œuvre fait se succéder les registres à la façon d’un kaléidoscope délirant.

Chamber of Photoexcitation
Chambre de photoexcitation 

Ces œuvres évoquent à la fois des cabinets de curiosités et des vitrines de laboratoires dans lesquelles seraient menées des expériences électriques. Les différents objets les composant sont à peine reconnaissables et perdent leur fonction première, pour devenir d’autres signes : ceux du potentiel de la matière à muter pour renaître.

Max Hooper SchneiderEggs That See, 2022. Vitrine sur mesure en acrylique, œufs plasma, boutons de clavier, cristaux, plantes et fleurs en plastique, silicone, colorant UV, table sur mesure en fonte d’aluminium, résine – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée

Max Hooper SchneiderNonnegative Vacuum, 2022. Vitrine sur mesure en acrylique, globe en plasma, spécimens marins préservés, cristaux, plantes et fleurs en plastique, pigment photoluminescent, table sur mesure en fonte d’aluminium, techniques mixtes, résine – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée

Max Hooper SchneiderBirdcage, 2022. Cage à oiseaux vintage, tapissée tapissée sur mesure, enseignes vintage au néon, algues conservées, objets trouvés sur une plage, résine – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée

That which grows out of decomposition, illuminates from chaos
Ce qui fleurit de la décomposition, illumine depuis le chaos 

Sur les murs, des « serpents du pharaon » – formes rocailleuses évolutives et éphémères produites par l’incandescence de la poudre de mercure – se développent dans des dioramas composés d’une multitude de bibelots abandonnés.

Max Hooper SchneiderDivination Through Decomposition (Mercury’s Prograde), 2022. Installation vidéo sur trois écrans – 54′. Composition musicale de Jorge Elbrecht – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée. Œuvre produite en collaboration avec COSA (COnnexion Science et Arts), CNRS Université de Montpellier / ENSCM / Institut Charles Gerhardt, Montpellier

Dans l’espace, un paysage calciné forme le pendant de ces films, pour nous plonger dans un environnement de non-retour. Désertée de toute présence humaine, la catastrophe écologique a eu lieu. Et la matière poursuit sans nous d’autres existences possibles.

Max Hooper SchneiderRainforest Café, 2022. Cadre de vitrine en métal, caisson lumineux LED, tabouret de restaurant en fibre de verre, cire d’abeille, lingerie, résine, champignons en verre d’uranium coulé – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée.

Max Hooper SchneiderA Star Is Not Born In Isolation, 2022. Plastique brûlé, objets trouvés sur une plage, mannequin, coyote empaillé, techniques mixtes, ampoules diverses, silicone, résine – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée.

To Flourish in the Afterlife
S’épanouir dans l’au-delà 

Le Pillsbury Doughboy, figure d’une réclame des pâtisseries Pillsbury devenue iconique dans l’Amérique des années 60, devient un fantôme radioactif. Modelé en verre d’uranium, il est plongé dans un épais liquide phosphorescent où cohabitent coraux et céramiques. Les œuvres évoquent la tension d’une vie joyeusement intoxiquée.

Max Hooper SchneiderAfterlife (Three Friends) et Aftelife (Six Friends), 2022. Céramique moulée, silicone, cerre d’uranium coulé, table en métal, lumière UV, vitrine sur mesure en acrylique – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée.

The Successors of Ruin
Les héritiers de la ruine 

Un arthropode en aluminium – invertébré formé de segments articulés – vit en symbiose avec son socle de détritus provenant des estuaires. Des coraux lumineux et flamboyants fleurissent d’un récif déchiré. De nouvelles formes naissent des environnements écologiques abandonnés, qui sont souvent le siège de rivalités entre espèces.

Max Hooper SchneiderEstuary Holobiont, 2022. Machine en aluminium chrome, résine, plantes et algues marines, détritus estuariens – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée.

Max Hooper SchneiderPrisoner’s Reality (Red Plasma), 2022. Vitrine sur mesure en acrylique, récipients en plasma rouge, enseignes vintage au néon, brindilles en plastique, grotte en argile polymère, techniques mixtes, résine et Those Once Loyal, 2022. Specimens de corail antique, coquillages fossilisés, douilles en étain, coraux en verre soufflé, gaz plasma, vitrine sur mesure en acrylique, matériaux divers, résine – Pourrir dans un monde libre au MOCO Panacée.

À propos de Max Hooper Schneider

Né en 1982 à Los Angeles, Etats-Unis.Vit et travaille à Los Angeles, Etats-Unis.

Max Hooper Schneider au MOCO Panacée
Max Hooper Schneider au MOCO Panacée

Formé en biologie marine et architecture de paysage, la pratique de Hooper Schneider se situe au croisement de l’art et de la science et comprend souvent diverses collaborations avec des chercheurs, artisans, créateurs et fabricants afin d’imaginer de nouveaux écosystèmes où l’artificiel et l’organique, l’humain et le non-humain se fusionnent, s’infectent, s’hybrident et se contaminent prenant de formes inédites.

Hooper Schneider a bénéficié notamment d’expositions personnelles à High Art (Paris), au Hammer Museum et Jenny’s (Los Angeles, Californie) parmi d’autres. Son travail a été présenté dans des expositions de groupe au Salon d’octobre, Biennale de Belgrade ; 16e Biennale d’Istanbul ; 13e Triennale de Pays Baltes (Vilnius, Lituanie ; et Riga, Lettonie) ; au Musée d’art moderne de la ville de Paris ; ou à la High Line (New York, NY).



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