maliweb.net – Cauris et religion : La chose du diable ?

L’islam et le christianisme rejettent catégoriquement les arts divinatoires notamment, les cauris. Les explications de l’imam Oumar Diarra et du prêtre Pierre Dembélé.

Il est délicat, le sujet sur l’art divinatoire. Aller consulter le cauris est pas a priori mal, selon l’islam et le christianisme. « Dans la Bible, recourir à des pratiques de voyance est considéré comme une abomination. Voir : (Dt 18,10-13 ; 2Co 11,14-15 ; Lv 20, 27 ; Ap 22, 15 ; Ga 5, 19). Cette position a été largement reprise par l’Eglise catholique, qui recommande de ne pas recourir aux voyantes ni à d’aucune autre forme considérée comme de phénomènes paranormaux. Le catéchisme de l’Eglise explique que recourir à la divination ou à la voyance est contraire au premier commandement : « Tu n’auras pas d’autre dieu devant moi. L’utilisation des cauris est une sorte de voyance. Cependant, retenons que l’Eglise ne condamne pas ceux qui font recours aux voyants. Elle n’affirme pas aussi qu’ils iront en enfer. Elle exprime simplement un appel à la conversion, à mettre sa confiance en Dieu et à se débarrasser de mauvaises habitudes, qui parfois peuvent coûter très cher », explique le prêtre Pierre Dembélé.

« L’utilisation des cauris est Haram dans l’islam. Parce que, les gens qui jettent le cauri le font pour regarder l’avenir. Selon le verset coranique, “personne ne connaît ce qui est caché à part Dieu “. Ce qui est caché, c’est ce qu’on ne voit pas dans notre monde. Les personnes qui prédisent parlent avec Satan. Car dieu a dit à travers sa parole que les démons montaient les uns sur les autres, pour écouter la parole des anges et utilisaient chaque parole accompagné de 100 mensonges pour ensuite informer leur complice sur terre. Beaucoup sont persuadés que c’est un signe de Dieu sur terre. Les gens qui l’utilisent trouvent toutes sortes de prétexte pour que ça ne soit pas haram sur eux. D’autres vont jusqu’à dire qu’il y avait un prophète qui en faisait recours. Selon la parole de Dieu, il y a bien le prophète (PSL), qui en faisait recours. Mais là, ce dernier recevait ses réponses à travers des rêves venant de Dieu, on ne peut pas nous comparer à eux. Ils faisaient du Séfara », affirme l’imam Oumar Diarra.

Malgré ces positions de l’islam et le christianisme sur l’art divinatoire, beaucoup de maliens, surtout les femmes, font recours à cette pratique pour régler leurs problèmes. Les femmes, pauvres et victimes de toutes sortes de violences, d’analphabétisme et de bien d’autres maux, sont les plus bernées par des charlatans qui pullulent la société.

Jeanne-Marie Samaké

(stagiaire)

 Us et coutumes :  

Le cauri expliqué par Dr. Fodé Moussa Sidibé, traditionnaliste

 Le cauri est un art divinatoire employé le plus souvent par les femmes. Pour percer ce mystère, nous nous sommes entretenus avec Dr. Fodé Moussa Sidibé, traditionaliste. Selon lui, le cauri, divination généralement féminine, était important dans notre société. Il l’est encore, mais pas comme avant.

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Fodé Moussa Sidibe

Mali-Tribune : Qu’est-ce que le cauri ?

F. M. S. : Le cauri c’est un mollusque. Il a été introduit chez nous depuis des millénaires. C’est de couleur blanche et sa forme est bizarre. Une forme bizarre qui rappelle l’organe génital féminin. C’est très important à noter, car, c’est à partir de là que naît le symbolisme africain lié aux cauris.

Maintenant, pour ce qui est de son histoire, comme je l’ai dit tantôt, son histoire se perd chez nous dans la nuit des temps. Parce que le cauri a servi de monnaie et ça il y a trop longtemps parce que c’est ce qui est rare qui devient une monnaie.

La chose qui est rare comme l’or. Mais, à cette époque, la valeur du cauri était adossée à l’or. C’est l’or qui était la mesure de base et les endroits où il y a beaucoup d’or, le cauri ne coûtait rien. Je ne peux pas dire si la symbolique a précédé l’utilisation ou si c’est l’utilisation qui a précédé le côté symbolisme. De toutes les façons, utilitairement, c’était une monnaie et utilitairement, également, ça sert à faire de la divination.

Mali-Tribune : Combien de cauris pour la divination ?

Dr. F. M. S. : On utilise 12 cauris généralement. Mais, il y en a qui vont jusqu’à 48 cauris pour faire de la divination. C’est une divination totalement féminine. Mais, il y a des hommes qui l’utilisent aussi. Mais, c’est quand même un objet de divination qui appartient plus aux femmes qu’aux hommes. Même l’utilisation du cauri dans la spiritualité est en lien avec la femme, car on demande de sacrifier 3 ou 4 cauris.

D’ailleurs, jusqu’à présent, il y a des géomanciens qui demandent à être symboliquement payés en cauris.

Mali-Tribune : Quelles différences entre le cauri d’hier et d’aujourd’hui ?

Dr. F. M. S. : De nos jours, le cauri a perdu de sa superbe. Il n’est plus la monnaie des échanges. Maintenant, personne n’utilise le cauri pour payer à part dans certains rituels. Chez certains, tu payes symboliquement avec les cauris, mais après c’est à toi de voir l’argent que tu peux apporter.

L’homme qui porte un cauri, c’est généralement à l’oreille gauche et fait référence à « koukeni », l’un des fétiches le plus dangereux en milieu bambara. Koukeni veut dire, koloni kelen, cauri unique.

Mali-Tribune : Quelle est son utilité ?

Dr. F. M. S. : Le cauri de façon utilitaire sert d’ornement. Mais, contrairement à ce qu’on voit aujourd’hui, même en tant qu’ornement, il n’était pas porté au hasard.

Les femmes pouvaient arborer dans les cheveux ou comme pendentif au cou pour certaines circonstances bien déterminées. Le nombre est connu. On ne dépasse pas le nombre. Bon, c’est généralement des nombres féminins.

Chez nous, les nombres aussi sont genrés. Il y a le genre dans tous les pays d’Afrique. Personne ne nous a appris le genre. Il y a des chiffres masculins, des chiffres féminins. Pour les hommes, l’utilisation, c’est généralement dans les tenues d’apparats, dans les tenues de scènes, pour certains danseurs, pour certains types de spectacles.

Chez les donzos, on a un nombre de cauris sur les tenues. Le nombre est déterminé par le grade et le statut du chasseur.

Mali-Tribune : Quelles sont les personnes aptes à prédire à travers les cauris ?

Dr. F. M. S. : Les femmes, très rarement, les hommes. Généralement, les cauris ne parlent que d’affaires de femmes. Quand vous allez chez un jeteur de cauris bon, tout ce qui concerne votre vie sentimentale, et même sexuelle, il va tout vous raconter. Ce qui fait que les hommes s’en méfient.

Mali-Tribune : L’utilisation du cauri s’apprend-t-elle ou c’est un don ?

Dr. F. M. S. : Bon, les histoires de don, il faut faire très attention. Il y a très peu de choses qui sont innés chez l’homme. Si tu ne l’apprends pas, tu ne le connaîtras pas. On ne vient sur aucune terre avec aucune connaissance. On vient avec des aptitudes et des réflexes. Le savoir, la connaissance s’acquièrent.

Mali-Tribune : Cet art rapporte-t-il de l’argent ?

Dr. F. M. S. : Je pense que si les gens s’y adonnent, au-delà du plaisir de se retrouver, il y a un gain derrière.

Propos recueillis par 

Jeanne Marie Samaké

(stagiaire)

 

 PORTRAIT

A.F., le cauris pour « Dieu »

Au Mali, la majorité des gens qui consultent les cauris sont des femmes. A.F, jeune femme malienne, consulte fréquemment les jeteurs de cauris pour divers problèmes, mais aussi pour connaître son avenir.

Cest une femme au foyer âgée de 32 ans. De teint noir, taille moyenne, elle est mariée et mère de 3 enfants. De sa jeunesse jusqu’à aujourd’hui, elle consulte les cauris pour n’importe quel problème grâce à l’influence de ses amies. « Deux de mes amies ont pu se marier à travers une consultation de cauris. Ma meilleure amie a également eu son premier enfant à travers les jeux de cauris après 3 ans de mariage », dit-elle.

Pour elle, les cauris sont ses meilleurs compagnons depuis ce jour. Portant, de première vue, A.F. est une femme comme les autres. Malgré son attachement pour la religion, elle n’hésite pas, à chaque problème, de recourir aux conseils d’un jeteur de cauris.

« A 19 ans, j’étais focus sur mon commerce jusqu’au jour où je suis tombée amoureuse d’un homme », affirme-t-elle, souriante. « Je suis donc allé chez un jeteur de cauris », ajoute-t-elle. « Celui-ci m’a informé qu’une relation n’était pas possible entre nous. Je me suis donc concentré sur mes activités », dit-il.

A l’en croire, un homme est venu en famille pour demander sa main. Comme à son habitude, avant d’accepter, elle est partie consulter le cauri et cela fut le bon cette fois-ci. Remplie de joies, elle se marie à l’âge de 24 ans et aujourd’hui elle est mère de 3 enfants. « Les cauris me disent tout sur ma vie et celle de ma famille. Même quand mes enfants sont malades, les cauris me montrent le chemin à suivre », précise A.F. Même si certains prêcheurs et guides religieux estiment que la consultation des cauris est proscrite, pour A.F, les cauris et la religion peuvent bien cheminer ensemble. « Les cauris sont là juste pour montrer la solution aux problèmes », insiste A.F.

Jeanne-Marie Samaké

(stagiaire)

 ART DIVINATOIRE

Quand les cauris parlent

La case des joueurs de cauris est structurée de sorte que chaque chose ait sa place. Chez certains, c’est un endroit moins éclairé, rempli de feuilles d’arbres, de fétiches de toutes tailles et, surtout d’une tasse remplie de cauris. Ce sont des endroits où généralement les chaussures sont interdites et que personne ne rentre de face mais plutôt de dos. Chez d’autres, c’est une chambre tout à fait normale car, ce n’est pas l’endroit qui importe. Avec les multiples arnaqueurs aujourd’hui, les gens se méfient des jeteurs de cauris. Beaucoup les qualifient de menteurs. La plupart disent tout sauf ce qui est vrai car, en réalité, d’autres ne savent pas le lire. Massalé Fofana jeteur de cauris explique son cas. « Le cauri a plusieurs portes d’entrée. D’une part, c’est un don transmis par des êtres surnaturels. Cela se fait de deux manières, soit dans un rêve soit dans la forêt ou lors d’une promenade seul. D’autre part, il se transmet par descendance si un membre de la famille le pratique.

Le frais de consultation du cauri n’est pas fixe. Il varie selon les moyens du client. J’ai vu et dit des choses incroyables qui se sont réalisées à travers le jet des cauris. Il y a une sorte de phrase magique qui se prononce pour pouvoir implorer et lire le cauri. Le client dit ses souhaits sur les cauris pour qu’il puisse lui montrer quoi faire. La plupart de mes consultants sont des femmes avec leur multiple envie », explique-t-il. Le jeu des cauris est une sorte d’amusement, de causerie entre le client et le voyant.

« Lorsqu’on malaxe et joue avec les cauris, chaque cauri qui tombe représente une chose, rien n’est à négliger. Un seul cauri peut signifier beaucoup. Lorsque le cauri est sur le dos, c’est l’homme. Et, lorsqu’il tombe sur la face, c’est la femme. Il n’y a pas d’endroit précis pour jeter les cauris, il est même possible de se promener avec dans ses poches », indique Bourama, joueur de cauris. Le cauri est certes un art divinatoire complètement féminin mais, rien n’empêche les hommes de l’utiliser. Tout le monde peut jeter les cauris. Il suffit d’apprendre et de s’initier.

Jeanne-Marie Samaké

(Stagiaire

 

GÉOMANCIE 

Un art réservé aux initiés 

Fanto Doumbia est « voyante » à Tiakadougou Faramba. Elle explique comment elle pratique, comment se fait l’initiation.

Mali Tribune : Qu’est-ce que la géomancie ?

Fanto Doumbia : C’est une science d’initiés qui consiste à prévoir les choses et à y parer au besoin.

Mali Tribune : Comment se fait l’initiation à la géomancie ?

F D. : Auparavant, dans nos sociétés traditionnelles, les 16 cases de la géomancie étaient étudiées d’abord par les initiés chez un maître. Ses instructions étaient prescrites sur une calebasse. Après la maîtrise de ces instructions, l’impétrant était ainsi initié à la géomancie.

Mali Tribune : Comment se fait la pratique de la géomancie ?

F D. : Une fois consulté par un client pour des problèmes quelconques, le géomancien approche sa science pour voir le sort du client dans ses situations ou comment remédier aux problèmes du client.

Mali Tribune : Quels sont les différents problèmes qui motivent les gens à venir vous voir ?

F D. : il y a plusieurs problèmes qui renvoient les gens vers les géomanciens tels que : affaire de cœur, d’argent, santé, etc. Par exemple, si un homme veut se marier, il consulte un géomancien. Souvent le géomancien peut prévoir l’impossibilité de l’union mais peut apporter des solutions pour la rendre possible.

Mali Tribune : Quels sont les problèmes auxquels les géomanciens sont confrontés ?

F D. : Pratiquement tous les géomanciens ont des problèmes avec les clients vu que certains n’arrivent pas à tenir leur promesse après le travail. C’est le cas d’un client pour qui j’ai égorgé un mouton à mes frais, qui devrait me rembourser, et que je n’ai plus vu.

Mali Tribune : Pourquoi il y a beaucoup de géomanciens aujourd’hui ? 

F D. : Selon moi, il y a plutôt beaucoup d’affabulateurs. Ils sont nombreux à n’avoir aucune science. C’est juste pour leur pain quotidien. C’est pourquoi la réputation de la géomancie est aujourd’hui en jeu. L’imposture ne paye pas. Elle ternit l’image et la réputation.

Mali Tribune : Y-a-t-il une crise de clientèle ?

F D : Oui. Il y a une crise de clientèle. En plus, aujourd’hui, la majorité des consultations se fait au téléphone. On s’en sort bien.

Propos recueillis par 

Ba Nema Sogoba

(stagiaire)

 

MICRO TROTTOIR

Safiatou Coulibaly (étudiante) :

« Les cauris ne sont pas contre la religion. Ce n’est pas mauvais car on dit que ça prédit l’avenir. Quelqu’un qui a une maladie très grave, il ne sait pas s’il doit mourir ou pas. Il peut aller voir celui qui sait lire le cauri pour qu’il le guide avec ses mots et des sacrifices ».

Fatoumata Keïta (femme au foyer) :

« Les cauris permettent de s’informer sur son avenir. Lorsque je désespère ou que je veux en savoir plus sur ma famille, je pars voir un jeteur de cauris. Ce n’est écrit nulle part que sa consultation est interdite ».

Sankofa Touré (enseignant) :

« Je pense que les jeteurs de cauris représentent une sorte de pont entre hier et aujourd’hui. Malgré le temps qui passe, les cauris gardent toujours (peut-être plus ou moins) leur attrait ».

Salif Mariko (géomancien) :

« Le cauris est une création de Dieu. Nos personnes qui savent lire, utilisent environ 12 pour prédire l’avenir. Le cauri existait bien avant les prophètes. Avec l’arrivée des religions, son utilisation est interdite d’une part. Mais, cela dépend de ce que les gens pensent car, le cauri est utilisé même de nos jours. Il faut une bonne formation pour se servir de cet art. Les gens disent que celui qui utilise les cauris pour ses propres problèmes est maudit mais, pour d’autres, tel n’est pas le cas car. C’est Dieu qui voit tout. Tout art divinatoire à ses principes ».

Marthe Kamaté (étudiante à la FESG) :

« Je ne crois pas aux pratiques de la géomancie. On dit que c’est de la divination. Pour moi, les géomanciens sont des imposteurs. En plus c’est une pratique mystique et c’est contre ma foi ».

Tante Adissa (coiffeuse) :

« Pour moi, tous ceux qui pratiquent la géomancie aujourd’hui à Bamako sont des menteurs. Les vrais sont dans les villages. Ma tente a été victime d’un géomancien. Elle a duré sans se marier. Elle voulait un mari. Elle est donc allée chez un géomancien. Après la consultation, il lui a donné rendez-vous dans un endroit éloigné de la ville. Ma tente devait se laver avec des médicaments que le géomancien avait préparés. Elle est donc allée avec le géomancien. Sur place, celui-ci lui a tenté de coucher avec elle. Elle a refusé et s’est enfuie ».

Zenab Cissé (ménagère) :

« Consulter ou pratiquer la géomancie, c’est associer une autre divinité à Dieu, par exemple de contredire ce qui a été dit dans le saint Coran ou dans la Bible ».

Ba Nema Sogoba

(stagiaire)

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