John Cage : 10 (petites) choses que vous ne saviez (peut-être) pas sur le créateur de 4’33’’

Plus que tout autre pionnier radical de la musique du XXe siècle, John Cage a révolutionné les principes fondamentaux de son art ainsi que les modes d’écoute de son public. Si l’œuvre de Cage suscite la question : « qu’est-ce que la musique ? », il y répondra de manière simple : « Tout ce que nous faisons est musique ».

Tout sauf un compositeur

Avant d’arriver à la musique, l’esprit curieux et infiniment créatif au nom de John Cage passe d’abord par la littérature, l’architecture et même la peinture. En 1930, il abandonne ses études de théologie au Pomona College de Claremont pour partir en Europe et étendre ses connaissances culturelles. A Paris, il se découvre une passion pour l’architecture gothique, et parvient à rejoindre le cabinet du célèbre architecte Ernő Goldfinger. Il n’y restera qu’un seul mois avant de s’intéresser à la musique auprès de son professeur, le pianiste et compositeur Lazare Lévy.

De Paris John Cage se dirige ensuite vers l’île de Majorque où il se met à la peinture et la composition. Ses œuvres musicales lui inspirent peu et il laisse ses partitions manuscrites lorsqu’il quitte les îles Baléares. C’est à Séville qu’il découvre finalement la configuration artistique capable de réunir les différentes formes d’expression qui le fascinent : « au coin d’une rue, j’ai remarqué la multiplicité d’événements visuels et sonores simultanés qui s’unissent dans l’expérience et produisent du plaisir. C’était le début pour moi du théâtre et du cirque. »




1h 00

L’élève de Schoenberg

De retour aux Etats-Unis, John Cage poursuit ses études musicales sous l’égide des compositeurs Richard Buhlig, Henry Cowell et d’Adolph Weiss. Une fois confiant, il contacte le grand Arnold Schoenberg dans l’espoir de devenir son élève. Ce dernier accepte, à condition que Cage choisit de consacrer sa vie entièrement à la musique. Mais il est clair au bout de deux ans que les deux musiciens ne sont pas d’accord sur de nombreux points.

Schoenberg annonce à son élève qu’il ne sera jamais capable d’écrire de la musique. « Vous arriverez à un mur et vous ne pourrez jamais passer à travers », explique le professeur. « Alors je passerai ma vie à me cogner la tête contre ce mur », répond l’élève. Malgré leurs désaccords, Cage vouera une admiration éternelle pour son professeur. Schoenberg, quant à lui, ne reconnaitra jamais Cage comme un compositeur, mais plutôt comme un « inventeur de génie », ce que Cage portera avec fierté tout le long de sa carrière.

Un compositeur zen

Les plus grandes influences sur l’œuvre de John Cage ne viennent pas d’autres compositeurs mais des idées philosophiques et métaphysiques qu’il explore au sein du bouddhisme zen et la philosophie orientale et indienne. Il découvre notamment l’œuvre musicale et philosophique de la musicienne indienne Gia Sarabhai, qui lui explique que le but de la musique est d’assouplir et de calmer l’esprit, le rendant ainsi sensible aux influences divines. Cage s’inspire également des écrits du métaphysicien et historien de l’art srilankais Ananda K. Coomaraswammy, qui affirme que la responsabilité de l’artiste est d’imiter la nature dans sa manière d’opérer.

L’impact de ce changement de perspective sera radical. John Cage remettra en question la structure et l’intérêt de sa musique et conclut que toutes les activités musicales doivent être considérées comme faisant partie d’un processus naturel, unique et ouvert. Il conçoit une nouvelle idée sur la relation de la musique et le temps : désormais les sons doivent se succéder dans une séquence libre, sans logique harmonique, structurés simplement en termes de durées entre chaque événement.




59 min

Tenter sa chance

Souhaitant s’émanciper de l’acte de composition, John Cage se tourne progressivement vers la chance afin d’assurer des moments de création uniques et impossibles à reproduire à l’identique. Il développe un moyen de composition élaboré faisant appel aux opérations aléatoires du traité de divination chinois Yi Jing. Ainsi, son rôle de compositeur n’est plus d’élaborer une structure musicale stricte à suivre mais de concevoir un protocole d’actions musicales capable de se dérouler de façon autonome et imprévisible.

Cependant, Cage fait une distinction importante entre l’indétermination lors de la composition et l’indétermination lors de la performance. La musique de Cage est principalement indéterminée dans sa composition, afin de retirer toute trace de l’ego du compositeur du processus de création et de laisser les sons exister par eux-mêmes. Mais les interprètes ont peu de liberté et doivent suivre les partitions avec beaucoup de soin, car l’interprétation des œuvres de John Cage est en réalité une tâche très complexe et méticuleuse, nécessitant beaucoup de précision.

La musique et la danse, ensemble mais à part

En plus de remettre en questions les fondations de la musique du XXe siècle, John Cage contribue également à travers son œuvre au développement de la danse moderne. Inscrit au Cornish College of the Arts à Seattle en 1938, il y rencontre celui qui deviendra non seulement son plus fidèle collaborateur mais également son partenaire de vie : le danseur et chorégraphe Merce Cunningham.

Ensemble, Cage et Cunningham révolutionnent non seulement la musique et la danse, mais surtout la relation entre les deux arts. En effet, si la danse et la musique partagent une mise en pratique à travers le temps, il semble essentiel aux deux créateurs de libérer la musique de toute contrainte d’accompagnement de la danse, mais également libérer la danse de toute obligation d’interprétation musicale. Ainsi, les mouvements des danseurs ne sont plus liés aux rythmes ni à la structure de la musique, et vice versa. Les deux arts deviennent autonomes, partageant simplement l’espace et le temps.

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Silence !

En 1952, John Cage signe son œuvre la plus célèbre et sans doute la plus controversée du XXe siècle, 4’33’’. L’interprète arrive sur scène mais ne joue aucune note de musique et reste immobile dans le silence pendant 4 minutes et 33 secondes. Souvent surnommée « l’œuvre silencieuse », 4’33’’ est tout sauf une musicalisation du silence mais plutôt une mise en avant des sons environnementaux et involontaires de l’instant afin d’ouvrir l’esprit du public au fait que tous les sons sont de la musique.

John Cage est sensible aux bruits et aux intrusions sonores de la vie quotidienne genres. Mais alors que les bruits qui nous entourent sont d’habitude considérés une nuisance, ils sont pour lui une source de fascination. Par son désir de se débarrasser des structures musicales héritées des siècles précédents et d’ouvrir les portes de la musique sur le monde extérieur, Cage demande à son public une nouvelle façon d’écouter le monde qui les entoure et même une nouvelle façon de comprendre la musique elle-même. En somme, l’œuvre de Cage remet en question toute l’expérience musicale humaine jusqu’alors acquise et devient un sujet controversé de la musicologie et de la théorie générale de l’art du XXe siècle.

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Cage l’écrivain

Cage consacrera sa vie à l’expérimentation musicale et artistique, mais il n’oubliera jamais son premier amour : l’écriture. En effet, il signe au cours de sa vie de nombreuses nouvelles [que vous pouvez consulter ici de manière aléatoire en rafraichissant la page], écrites comme des mémoires, inspirées de sa vie. Parfois surréalistes, ludiques, mélancoliques, incompréhensibles et profondes, ces nouvelles ne sont pas uniquement de simples créations littéraires mais parfois même des partitions pour une danse, des œuvres à interpréter lors de ses concerts ou même des déclarations artistiques pour des conférences.

En 1970, John Cage écrit son livre Silence. A la fois une élaboration de ses théories musicales, le livre est également une mise en œuvre de ses propres théories. L’auteur laisse ainsi intervenir dans la création du livre les différents métiers de l’édition. Les typographes, graphistes et éditeurs deviennent ainsi eux-mêmes interprètes de la théorie de John Cage.

Père du « happening »

En 1952, John Cage crée ce que l’on considère aujourd’hui comme le tout premier ‘happening’, instant spontané de création artistique. Alors professeur à l’université libre expérimentale Black Mountain College pendant les étés de 1948 et 1952, il organise un événement de performance multimédia et pluridisciplinaire, à présenter le jour-même de sa conception.

Chaque interprète n’a comme consigne qu’une partition sur laquelle sont indiqués des instants à remplir par une action ou inversement une inaction, le tout sans rapport avec les actions des autres et dans des périodes de temps déterminées au hasard. En dehors de la partition et de la disposition des accessoires, rien n’est prescrit. La performance se déroule à la fois devant et autour des spectateurs avec l’idée de faire participer le public à la performance. « Tout ce qui advenait après cela advenait dans l’esprit du spectateur lui-même », résumera Cage. L’événement ne sera qualifié de ‘happening’ seulement six ans plus tard, par le peintre Allan Kaprow en 1958, lui-même élève de John Cage.

L’expert des champignons

On connait John Cage, le révolutionnaire de la musique contemporaine mais on connait moins John Cage le célèbre mycologue ! Pourtant, il sera de son vivant autant une figure majeure du monde des champignons qu’il le fut du monde de la musique. En 1954, John Cage s’installe à Stony Point, dans l’État de New York. Il se promène régulièrement dans les forêts de la région et découvre de nombreuses espèces de champignons. Curieux et perfectionniste dans l’âme, John Cage devient rapidement expert du sujet.

En 1959, alors qu’il travaille Studio di fonologia musicale de la R.A.I. à Milan, il est invité à participer au jeu télévisé Lascia o Raddoppia ?, dans lequel les candidats sont interrogés sur un sujet de leur choix. Chaque semaine, Cage répond à toutes les questions progressivement plus obscures et finit par remporter huit mille dollars. Aux Etats-Unis, il co-fonde la New York Mycological Society, donne de nombreuses conférences sur l’identification des champignons et participe même à la réalisation du livre “The Mushroom Book” (1972), aux côtés d’Alexander H. Smith et Lois Long. John Cage sera même le fournisseur de prédilection pour divers restaurants exclusifs de New York, dont le célèbre Four Seasons !

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L’œuvre musicale la plus longue de l’histoire

John Cage se fait connaitre de son vivant pour ses expérimentations musicales hors-normes, mais cela ne s’arrête pas à sa mort. Même après avoir tiré sa révérence en 1992, John Cage continue de surprendre son public. En effet, il devient en 1997 l’auteur de l’œuvre la plus longue de l’histoire de la musique, toujours en cours à ce jour. En 1985, il compose As Slow As Possible [Le plus lentement possible] pour piano puis pour orgue. Il ne précise pas de durée concrète, laissant uniquement le titre comme indication pour l’interprète. La première performance de l’œuvre ne dure que 29 minutes mais la prochaine s’étendra jusqu’à 71 minutes.

Lors d’une conférence en 1997, un comité de musiciens et de philosophes décident de lancer une nouvelle interprétation de l’œuvre sur l’orgue de l’église de St. Burchardi à Halberstadt, en Allemagne. Ils choisissent comme durée 639 ans, précisément le nombre d’années entre la construction du premier orgue dans la cathédrale d’Halberstadt en 1361 et l’an 2000, date prévue du début de l’interprétation. Des sacs de sable sont placés sur les pédales afin de maintenir le son continu de la note en cours. Le prochain changement de note aura lieu le 5 février 2024, mais l’œuvre ne prendra fin qu’en 2640 ! La renommée de Cage est assurée pour des siècles à venir…

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