Rencontres, blessures, coups de sang… À cœur ouvert, Joakim Noah se livre sur sa carrière haute en couleurs

Retraité des parquets depuis une (très) brève apparition avec les Clippers dans la « bulle » d’Orlando, Joakim Noah reste plutôt discret depuis sa fin de carrière. Le fugace international tricolore, avec une médaille d’argent au cou lors de l’Euro 2011, reste néanmoins un des personnages les plus captivants du paysage NBA.

Il faut dire qu’avec ses origines suédo-américano-franco-camerounaises, et une enfance privilégiée partagée entre New York et Paris avec un papa star du tennis (voire de la chanson) et une maman mannequin, il n’a clairement pas connu le parcours souvent raconté du joueur NBA qui sort des quartiers difficiles pour arriver à l’aisance financière.

Exclu des Nations Unies !

Jeune garçon à New York, dans le quartier de Hell’s Kitchen, Joakim Noah ne tarde pas à se heurter à l’autorité. Au lycée, il s’est ainsi fait éjecter de son équipe… de l’ONU !

« Je me suis fait virer le l’équipe des Nations Unies lors de ma deuxième année au lycée », raconte-t-il dans le podcast de JJ Redick, The Old Man & The Three. « J’avais un petit joint dans la poche et même un petit bong aussi. J’étais toujours un rebelle, qui se bat toujours contre l’autorité. C’était le genre d’expérience difficile qui m’a permis de grandir et d’évoluer. J’ai beaucoup grandi cette année-là, littéralement, en passant de 1m87 à 2m08 ! À l’époque, je jouais meneur avec l’équipe de l’ONU. Cette école était incroyable cela dit parce qu’il y avait des gamins de partout dans le monde. À table le midi, il y avait un Pakistanais, un Brésilien, un Israélien… C’était un super melting-pot, qui représente aussi la ville de New York. Après avoir été exclu, je suis allé à Poly Prep, à Brooklyn. C’est là que j’ai commencé à me mettre sérieusement au basket. La douleur d’avoir été exclu et d’avoir mis la honte à ma famille, ça m’a rendu plus fort. »

« Oui, j’aurais pu me la couler douce à St Barth, mais j’étais là à dormir par terre, car je savais que c’était ce dont j’avais besoin »

Au contact d’athlètes de haut niveau par l’intermédiaire de son père, qu’il suit sur certains tournois ou à l’entraînement, Joakim Noah va également faire une rencontre décisive avec Michael Jordan alors qu’il était minot. Bercé par le basket de la Grosse Pomme, avec tous ces terrains mythiques, le jeune Noah va également choisir la balle orange comme sport de prédilection, pour s’écarter de l’ombre immense de son paternel au tennis.

« Mon père était dans l’agence ProServe, qui comptait aussi Michael Jordan et Patrick Ewing dans ses rangs. Ils étaient plus jeunes mais de la même génération que mon père. Je me souviens de cette énergie et de pouvoir approcher un peu ces superstars, qui m’ont donné des rêves de basket dès l’enfance. J’ai toujours évité le tennis parce que je ne voulais pas être comparé à mon père. Depuis petit, je ne voulais tout simplement pas vivre dans son ombre. C’est quelqu’un de très charismatique, que tout le monde adore avoir à ses côtés, c’est un leader ! J’étais un gamin qui cherchait sa place, et le basket m’a fourni ça. Une grande partie de ma détermination vient de ce que je ne voulais surtout pas être identifié comme un gosse de riches à qui on a tout donné. Je ne voulais pas être celui qui est né avec une cuillère d’argent dans la bouche et qui est soft. C’est ça qui m’a entraîné vers mes démons aussi, durant ma carrière. »

La renaissance à Memphis

À ce propos, Joakom Noah est prompt à choisir un de ses matchs préférés, le Game 2 face à Cleveland durant les playoffs 2010 après avoir « insulté » la ville de Cleveland. Toujours à fond, ayant du mal à poser des limites à son esprit de compétiteur, il a plusieurs fois franchi la ligne rouge.

Mais, l’âge et les blessures aidant, il a retrouvé une approche plus humble et sage sur sa fin de carrière, nommant à ce titre un autre de ses matchs préférés en carrière : un match tranquille à 4 points, 3 rebonds pour son retour en NBA avec Memphis le 6 décembre 2018, en fin de carrière quand il profitait à fond de chaque instant.

« Après ma saison à Memphis, j’étais content. J’avais tourné à 7 points, 6 rebonds en 15 minutes. J’ai pris du plaisir, je me dis que je peux continuer dans ce rôle d’intérieur qui apporte son énergie en sortie de banc. Je peux faire ça trois ou quatre ans. Pendant la free agency, je reçois des offres, de deux ans, une midlevel… Mais je veux jouer pour une équipe qui vise le titre. J’ai fait un entraînement pour les Lakers mais ils choisissent Dwight [Howard]. Les Clippers m’appellent et me disent qu’ils vont me prendre. La veille du camp d’entraînement, je suis en train de me préparer chez Laird [Hamilton], je me fais un bain glacé. Et là je déplace la baignoire en métal, et je me coupe à la cheville. En plein sur le talon d’Achille. »

« Je ne voulais pas jouer pour l’équipe de la police ! »

Réparée à la va-vite, sa cheville ne tiendra plus. « J’arrivais à peine à dunker ! » Il sent la fin proche et regrette évidemment de quitter la scène par la petite porte, sans en avoir pris vraiment la décision de lui-même. Mais ainsi va la vie pour Joakim Noah, toujours dans l’inattendu…

« J’avais un coach, Tyrone Green à PAL, qui était tout près de chez moi à Hell’s Kitchen. Ma mère me disait : on va aller dans ce programme après l’école parce que c’est pratique, c’est tout proche. Mais moi, je ne voulais pas jouer pour l’équipe de la police ! En fin de compte, j’y suis allé et ce coach m’a pris en mains pour me former. C’est lui qui m’a convaincu de changer mes plans de vacances. À l’époque, mes parents disaient : ‘Allez, on part à St Barth pour l’été ! Non, pas toi. Toi, tu vas rester avec moi pour bosser ton jeu. Tu vas dormir sur mon canapé et tu vas progresser’. J’avais 13 ans et je n’étais vraiment pas un joueur qui avait la cote. Mais lui a cru en moi dès le début. C’est un de mes anges gardiens [décédé en 2014]. Il bossait pour la sécurité du ABCD Camp et j’ai pu assister au camp en tant que ramasseur de balles. J’ai pu voir ce qu’était le haut niveau. A l’hôtel, il n’y avait même pas de lit, je dormais par terre. J’ai fait ça pendant quatre étés d’affilée ! C’était dur mais c’était incroyable. Oui, j’aurais pu me la couler douce à St Barth, mais j’étais là à dormir par terre, car je savais que c’était ce dont j’avais besoin. C’est comme ça que j’ai pu jouer avec Lenny Cooke et avec les meilleurs joueurs de la ville.  Après ça, j’ai écumé tous les tournois de New York, à UCD, dans le Bronx, Rucker Park, King Dome, Dyckman… Quand j’ai enfin eu ma chance de jouer au ABCD Camp ma dernière saison de lycée, je suis passé de Marist à toutes les écoles du pays qui ont commencé à me recruter. Tout ça à partir de cinq jours de basket. »

Passé de l’ombre à la lumière lors de l’été 2003, Joakim Noah atteindra les sommets de la montagne universitaire à deux reprises, avec deux titres de champion glanés consécutivement (en 2006 et 2007). Il sera même élu MOP du Final Four en 2006, avec 26 points, 15 rebonds, et 5 contres en finale contre Villanova.

De quoi débarquer en NBA avec la banane, comme sur sa fameuse photo aux côtés de David Stern le soir de la Draft. Mais aussi armé d’une sacrée dose de confiance en soi, parfois débordant dans l’arrogance…

Suspendu par ses propres coéquipiers !

Ça lui a valu certaines réprimandes en interne, dont un fait rarissime dans l’histoire de la Ligue : une exclusion du groupe, non pas décidée par le staff ou les instances dirigeantes de sa franchise mais votée par ses propres coéquipiers de Chicago !

« Je sortais de deux titres universitaires consécutifs, j’avais vingt ans, j’avais une certaine arrogance dans ma personnalité, ça rendait fou les vétérans de l’équipe ! J’ai toujours été un gros bosseur mais ils voulaient aussi me faire rentrer dans le rang. Si je t’appelle à 4h du matin pour aller me chercher des donuts, tu t’exécutes, tu ne discutes pas ! C’était la première fois que je me sentais rabaissé comme ça. Scott Skiles m’avait dit au début du premier entraînement que j’allais jouer avec les titulaires. Avec Ben Wallace, Kirk Hinrich, Ben Gordon… On avait une grosse équipe, avec des vétérans… Mais en fait, cinq minutes après le début de l’entraînement, il me dit de retourner mon maillot [réversible] et de jouer avec les remplaçants ! Il avait un plan en place pour me recadrer d’entrée ! J’étais super énervé et j’ai commencé à m’enguirlander avec Ron Adams, un des assistants. Mon coach attitré. J’avais bossé tout l’été avec lui déjà, je l’adore. Mais là, c’est parti en sucette. Si je me souviens bien, je crois qu’il m’a dit d’aller me faire voir [rires] ! J’ai voulu me battre avec lui. Ils m’ont dit de faire ma valise et de rentrer à Chicago. On était à Philly. On avait joué dix matchs dans la saison, et je venais déjà de me faire renvoyer à la maison ! »

« Est-ce qu’il a bégayé ? »

« Après ça, j’ai des remords et j’appelle Coach pour m’excuser et on se réconcilie immédiatement. Encore à ce jour, on est proche. Je suis donc suspendu et j’arrive à l’entraînement pour repartir de l’avant. Mais là, Ben Wallace vient me voir en me disant, qu’au nom des autres joueurs, il pense qu’un match [de suspension] n’était pas assez ! Je regarde mes coéquipiers et je vois dans leur regard que certains n’étaient même pas au courant. Je m’étonne et là, Joe Smith arrive en disant : ‘Est-ce qu’il a bégayé ?’ (pour dire que ce n’était pas une blague) Ben Wallace est le capitaine de l’équipe, il a ses deux bandeaux sur les bras. À côté, je suis minuscule [rires]. On se prend une fessée face à Orlando. On prend 50 points dans la face. Je me souviens d’être rentré aux vestiaires et à la télé, il y a Joe Rogan qui cite mon nom et m’attaque directement : ‘Noah, tu n’es plus à l’université, c’est la NBA maintenant !’ Je reçois des coups de téléphone de membre des médias dans ma chambre d’hôtel, qu’est-ce qui me tombe dessus ? C’est le début de ma carrière et je vois des gars se marrer après la défaite. Je vais voir « Body » [Ben Wallace] et je lui dis : ‘C’est n’importe quoi cette histoire [de suspension] ! Je suis le gars suspendu et vous, vous vous fendez la poire après une grosse défaite !’ Et là, c’était moche. On a dû être séparés. Mais il a commencé à me respecter, et l’équipe dans sa globalité a apprécié que je lui tienne tête aussi. Personne n’osait rien lui dire. »

Ayant grandi dans la marmite du sport de haut niveau, Joakim Noah a tôt pris goût à la « bagarre », à l’idée qu’il faut parfois aller chercher loin pour se motiver, ce qui a ses excès : « La compétition, ce n’est pas toujours tout rose ! », dit-il pour en remettre une couche. Mais dans le même temps, il reprend déjà de la hauteur…

« La beauté de ce jeu, c’est que j’ai pu rencontrer tellement de gens. Ben Wallace, c’est un gars du Dirty South. Moi, j’ai grandi [en partie] dans un quartier huppé de Paris. Je bois des bières avec lui après les matchs et on discute comme si de rien n’était. Mais j’avais des posters de lui dans ma chambre. » 

Derrick Rose et l’ascension brisée des Bulls

Membre important de la renaissance des Bulls impulsée par le plus jeune MVP de l’histoire de la Ligue, Derrick Rose (en 2011), Joakim Noah a été aux premières loges de cette ascension fulgurante. Les deux hommes sont toujours très proches à ce jour, ayant dernièrement voyagé ensemble en Afrique, au Sénégal notamment.

Le pivot des Bulls (neuf saisons durant de 2007 à 2016) se souvient en particulier d’un duel entre le jeune Rose et le double MVP, Steve Nash.

« Kirk (Hinrich), tu prends Nash [envoie Vinny Del Negro]. Et là D-Rose sort : ‘Non, non, je prends Nash’. Le coach reprend : ‘Non, Kirk est notre meilleur défenseur sur le porteur de balle’. Derrick est du genre réservé et timide mais il insiste : ‘Non, je m’occupe de Nash. Je ne veux me défiler devant aucun [gros] duel’. »

Malheureusement plombé par les blessures, comme le sera bientôt aussi Joakim Noah, Derrick Rose était persuadé qu’il pouvait porter les Bulls jusqu’au titre suprême. C’était pour cette saison 2010/11, jusqu’en finale de conférence Est face au Heat des « Three Amigos ».

« Chris Bosh m’avait assuré qu’il allait venir à Chicago »

Mais avant ça, il y avait l’intersaison de tous les dangers. La fameuse intersaison brûlante de l’été 2010. À ce moment-là, Joakim Noah était actif en coulisses pour recruter. A l’inverse de Derrick Rose…

« Derrick ne voulait pas s’impliquer dans le recrutement. Sa mentalité était qu’on pouvait gagner le titre grâce à lui. Sans l’aide de personne d’autre. Mais moi, j’étais prêt à tout pour renforcer l’équipe, je voulais bien recruter tout le monde. Car je n’arrivais à rien au jeu poste bas. J’étais nul aussi au tir extérieur. Ma seule chance était d’avoir un gars à qui je peux faire la passe et qui peut shooter. Et si ça ne rentre pas, je pouvais aller chercher le rebond. Et puis, en transition, je pouvais jouer. (…) Chris Bosh m’avait pour ainsi dire assuré qu’il allait venir à Chicago [à l’été 2010]. J’avais recruté LeBron et D-Wade aussi. Mais le fait que Bosh m’avait dit qu’il allait venir, ça a clairement ajouté de l’huile sur le feu quand on a joué face au [Big Three du] Heat par la suite. »

Malgré deux accessions aux demi-finales en 2013 et 2015, Joakim Noah ne reverra plus les finales de conférence Est. Ni avec les Bulls qu’il quittera finalement à l’été 2016, après un titre de meilleur défenseur, une All-NBA First Team et une deuxième cape All Star pour la seule année 2014, sa meilleure en carrière, et de loin.

Une dernière rixe pour Stix

Revenu à New York, dans la ville de son enfance pour jouer dans la franchise qu’il venait voir gamin, en plus dans la salle mythique du Garden, Joakim Noah se pinçait pour y croire. Mais le rêve va rapidement tourner au cauchemar, entre blessures et mauvaise gestion.

« La première année, c’était difficile pour [Coach Hornacek]. Il était coach mais il y avait Phil Jackson au poste de président, qui reste un entraîneur avant tout. Il ne pouvait pas coacher comme il voulait le faire. À vrai dire, c’était très sympa de vivre dans cette équipe, on avait beaucoup de bons gars mais on perdait. Et perdre à New York, c’est encore plus dur ! Il y avait beaucoup de frustration pour moi. J’ai eu deux blessures, je n’était plus que l’ombre de moi-même. Je me fais suspendre… L’année suivante, j’ai les crocs mais je n’entre déjà plus dans les plans du coach, qui dit qu’il en a assez de moi. Il me disait de continuer à travailler, que mon heure allait arriver. Toutes ces conneries… On est en février, on perd des matchs, on joue Golden State, Kristaps est blessé, tout le monde est blessé. Je me dis que je vais avoir ma chance, d’autant que je m’entraîne dur chaque jour. Et je reçois un coup de fil du GM qui me dit que je vais jouer le lendemain. Je me dis : ‘Putain, enfin’ ! »

« Je savais que ça pouvait être mes derniers moments en NBA »

« On est en février, ça fait déjà quatre mois qu’on me chie dessus au Garden, qu’on me fait m’asseoir derrière le banc. Je suis ultra motivé. Pour le moins motivé ! Finalement, il me fait rentrer à quatre minutes de la fin du match. Sur la première action, on donne la balle à Stix (son surnom), je fais un petit dribble croisé et je finis main gauche. Je suis content, je viens de marquer un panier. Et là, il me ressort direct ! J’ai pété les plombs. Je n’ai rien écouté de son discours de fin de match, je file à la douche. Le lendemain, il essaye de me parler mais c’est parti en vrilles ! À vrai dire, ça aurait pu être bien pire aussi ! Après [la bagarre], il m’a fallu une bonne demie-heure pour redescendre. J’ai fait attendre tout le monde une demie-heure avant de pouvoir partir. Mais je n’étais pas prêt à quitter le terrain ! Je savais que ça pouvait être mes derniers moments de joueur NBA. »

Au final, il pourra savourer une dernière bonne saison avec les Grizzlies. Même si ce retour aura été coupé court par une baignoire bien aiguisée, Joakim Noah aura pu boucler la boucle.

Désormais heureux père de famille et investisseur averti, il veut également faire la promotion du basket en Afrique en collaboration avec la Grande Ligue avec, en point de mire immédiat, un documentaire sur la BAL, la ligue africaine, qui ne devrait pas tarder à sortir.

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Rencontres, blessures, coups de sang… À cœur ouvert, Joakim Noah se livre sur sa carrière haute en couleurs

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