Powerwolf : la messe enflammée – RADIO METAL

Powerwolf, en digne héritier des groupes à grand spectacle, tels Iron Maiden ou Kiss, la grandiloquence, ça les connaît. Et quand, alors qu’ils n’ont toujours pas pu défendre leur dernier album en date Call Of The Wild, ils décident de donner dans le live stream, ils ne font pas les choses à moitié. Ainsi est né The Monumental Mass – la messe monumentale, tout est dans le titre. Au programme : une heure vingt, quatre plateaux pour quatre chapitres, un écran à LED géant, des intermèdes cinématographiques, des acteurs et figurants, des danseuses, un orgue d’où jaillissent des gerbes de feu, des ailes d’anges qui s’embrasent, des effets en veux-tu en voilà… Et le groupe qui fait le show évidemment, entre hymnes heavy à s’époumoner dans son salon et grand divertissement qui en met plein la vue. Même les géants de la pop n’ont qu’à bien se tenir face à la meute de loups !

C’est à l’occasion de la sortie de ce véritable film-concert que nous avons échangé avec Falk Maria Schiegel, le plus intenable des claviéristes, pour qu’il nous parle des dessous de cette prouesse, mais aussi de son rapport au live et du concept scénique global de Powerwolf.

Visions Of Atlantis a le vent en poupe RADIO

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« Mon credo est toujours : quand le groupe divertit, c’est bien pour le public, mais si le public divertit le groupe, c’est encore mieux. »

Radio Metal : Call Of The Wild est sorti il y a un an, en juillet 2021. Vous n’avez toujours pas eu l’occasion de le promouvoir en tournée, alors qu’en temps normal, la sortie d’un nouvel album signifie le début d’une intense activité live. Comment avez-vous vécu cette période de calme inhabituel ?

Falk Maria Schiegel (claviers) : C’était très inhabituel ! J’étais le gars dans le groupe qui disait toujours : « Allez, les concerts vont reprendre durant l’été » ou « Il faudra qu’on tourne, même si ce n’est que deux ou trois concerts », mais au final, la pandémie ne l’a pas du tout permis. Très tôt, nous avons commencé à réfléchir à un événement en streaming. Matthew [Greywolf] a eu la première idée, car c’est toujours un peu le visionnaire du groupe, celui qui apporte de nouveaux éléments à Powerwolf. Au début de la crise du virus, comme je l’ai dit, je partais quand même du principe que nous pourrions assez vite refaire du live, donc à ce stade, nous suivions les deux approches, c’est-à-dire que nous préparions et améliorions notre live show tout en travaillant sur un concept pour le stream. Nous pensions que The Monumental Mass ne devait pas être un concert live traditionnel, mais j’imagine que tu auras des questions à ce sujet, donc nous pourrons y revenir plus tard !

En effet. Vous avez également sorti récemment un single indépendant, la chanson « Sainted By The Storm ». C’est la première fois que vous faites ça…

Le truc, comme tu l’as dit, c’est que nous avons sorti l’album Call Of The Wild l’année dernière et normalement, tu as une grosse publicité et tout, tu montres aux gens que tu as sorti de nouvelles chansons et un nouvel album. Cette fois, nous nous sommes dit : « Sortons une chanson à telle date gratuitement et faisons-en une grosse surprise pour tout le monde », car personne ne s’attendait à une nouvelle chanson de la part de Powerwolf. Pour la première fois, nous prêchons l’océan [rires]. Ce n’est pas un thème typique que Powerwolf a l’habitude d’aborder. Comme on peut le voir sur l’artwork, avec le loup voguant sur l’océan, c’est un petit peu différent des précédents. Les gens ont adoré cette chanson. Nous avons eu énormément de retours pour « Sainted By The Storm ». Ça nous a aussi montré que si on sort un single de temps en temps, c’est une surprise bienvenue pour tout le monde, car ce n’est pas la même approche qu’un album. C’est genre : « Voilà une nouvelle chanson et vous pouvez l’avoir. » Nos fans apprécient beaucoup ça, c’était super.

Vous qualifiez The Monumental Mass d’« événement metal cinématographique » et en effet, vous avez poussé la dimension cinématographique plus loin que n’importe quel groupe, avec la façon dont vous l’avez divisé en chapitres, dont ça a été filmé, dont vous l’avez enrichi d’extraits cinématographiques, etc. Comment avez-vous personnellement vécu ça en tant que musiciens ? Quelle part de liberté aviez-vous malgré ce qui ressemble à une superproduction très préparée et rigide ?

Je dirais que nous étions complètement libres de faire ce que nous voulions pendant The Monumental Mass et c’était génial. Nous voulions créer un événement qui avait lieu dans notre propre monde de Powerwolf, loin de la réalité, et dans lequel le public et le groupe pouvaient se plonger. Nous étions vraiment captivés. Nous voulions créer un événement, un spectacle, un film théâtral, et encore une fois, nous ne voulions pas d’un simple concert en streaming ou quelque chose dans ce genre. The Monumental Mass est un film, une prestation théâtrale basée sur la musique et l’imagerie de Powerwolf ; ce n’est pas un concert mais une forme d’art réellement unique. Le théâtre classique a toujours été une source d’inspiration pour nous durant les récentes années et normalement, dans une pièce de théâtre classique, il n’y a pas d’interaction entre le public et les acteurs. C’était assez inhabituel pour Powerwolf parce que normalement, en situation live, nous avons cette part d’interaction qui est très importante dans nos concerts, mais là, l’approche était différente.

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« Nous nous considérons comme un groupe de live et le public me manque. Nous avions dans l’idée de faire un clip vidéo géant ou un film, et nous l’avons fait, mais au final, pour nous, le plus important est de jouer en concert dans la vie réelle. »

Nous avions ces quatre chapitres basés sur les notions thématiques majeures de la foi chrétienne, et en particulier de l’Eglise catholique : la tentation, le péché, la confession et le pardon. Ces quatre chapitres ou expressions ont vraiment déterminé l’image de l’Eglise pendant des siècles, et pour nous, ces sujets sont également une source d’inspiration. C’était notre approche pour choisir les chansons qui s’intègreraient aux chapitres. Ensuite, nous avons développé les idées : « Comment peut-on transposer l’œuvre de Powerwolf là-dedans, par exemple la chanson ‘Cardinal Sin’ ? Va-t-on faire appel à des religieuses et des danseuses sur ‘Demons Are A Girl’s Best Friend’ comme on l’avait fait pour le clip officiel ? » Je dirais qu’il nous a fallu pratiquement neuf mois pour planifier ça et ensuite mettre tout en place comme un puzzle. Nous avions la possibilité d’enregistrer seulement deux fois. Nous avons joué et enregistré les chansons en live, ce n’est pas comme si nous pouvions refaire plusieurs fois les prises jusqu’à ce que ce soit parfait, ce n’était pas l’idée. Nous voulions vraiment avoir ce côté live dans le film. C’était très important pour nous, mais aussi, par exemple, dans la chanson « Venom Of Venus », nous avons ces ailes d’ange et une fois qu’elles sont brûlées, elles sont brûlées, elles ne sont plus là. Nous n’avions donc pas beaucoup de possibilités de refilmer ce passage, donc nous devions faire très attention et être très concentrés pour faire ce qu’il faut.

Qu’est-ce que ça a nécessité en termes de préparation par rapport à une production live normale de Powerwolf ?

C’est complètement différent. Plus de gens travaillaient dessus. Il y a un réalisateur, il y a une équipe de cameramans, il y a une équipe pyrotechnique, il y a l’équipe de mise en place de la scène, il y a l’équipe qui gère le mur de LED, il y a l’équipe qui gère le contenu… Matthew s’est chargé du contenu du mur de LED et de la scénographie. Ensuite, nous avions les danseuses, les chorégraphes, les maquilleurs… Il faut coordonner tout ça. Initialement, le concept a été développé par notre tête pensante Matthew Greywolf, comme toujours [rires]. Il avait différentes idées. Ensuite, mon rôle dans le groupe est de concrétiser ça. Notre producteur pour The Monumental Mass était Jörg Michael, l’ancien batteur de Stratovarius, et il était vraiment à fond dedans, genre : « Ouah, ce sont des idées géniales ! Allez, on fait ça ! » Nous avons échangé avec lui, le scénographe, le département pyrotechnique avec qui j’ai travaillé pour l’orgue de feu, etc. D’abord, il faut de bonnes idées et ensuite, tu peux parler à l’équipe et aux producteurs pour savoir comment arranger et rendre ça possible. C’était très intéressant. Nous ne savions pas si ça allait se faire au final, mais ça s’est fait et c’était super.

Nous avons aussi eu des discutions sur le système de lumière, car c’est une approche différente des concerts. Dans ce cas, c’était très important qu’on puisse voir tout le monde jouer sur scène, mais en ayant moins de lumière que dans un contexte live normal. De même, ce mur de LED de quarante mètres de large est tellement lourd qu’aucune scène ne pourrait le supporter ! [Petits rires] Ou alors il faudrait construire une scène spéciale et obtenir un tas d’autorisations. Il fallait aussi que nous fassions attention à plein de choses dangereuses. Par exemple, l’orge de feu sur lequel j’ai joué : c’est un instrument assez lourd avec des éléments pyrotechniques et il faut faire très attention quand on met ça sur une scène avec des décors, car justement c’est très lourd et surtout c’est très chaud quand la pyrotechnique commence ! Il a fallu que nous répétions beaucoup, mais à la fois, on ne peut pas tout répéter. Nous avons eu de longues journées de travail. Nous commencions à sept heures du matin – ce qui est très tôt pour un musicien ! [Rires] – et nous finissions à deux heures du matin, après avoir discuté de ce que nous pourrions améliorer le lendemain. Tout ça, ce sont des aspects techniques, mais comme tu peux le voir, ça a été une aventure pour nous. C’est l’une de mes plus grosses expériences à ce jour.

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« La production a coûté beaucoup d’argent, mais ça valait la peine. Au final, nous n’avions pas le choix, car si nous avions voulu économiser de l’argent, nous aurions dû retirer certaines choses, or chaque scène à l’écran était importante. Ce n’était pas négociable. »

Au final, je pense que nous avons obtenu tout ce que nous voulions avoir sur scène et c’est super d’avoir une telle scénographie. Je suis super fier du résultat, pour être honnête, et les réactions de nos fans étaient extraordinaires. C’était du genre : « Merci pour avoir fait ça. J’ai déjà vu le stream cinq fois et je découvre encore de nouveaux détails. C’est quoi ça ? Comment avez-vous fait ça ? Ça me procure plein d’émotions… » C’est la raison principale pour laquelle nous avons fait ce film, c’est-à-dire pour donner quelque chose en retour à nos fans en particulier à cette période, et j’ai l’impression qu’ils étaient très reconnaissants.

Le public fait généralement partie intégrante d’un concert de Powerwolf et je sais que leur énergie est très importante pour vous : comment avez-vous fait sans ? Comment en tant que musiciens avez-vous compensé cette absence d’échange d’énergie pour rentrer dedans ?

On m’a souvent posé la question : « Était-ce difficile pour vous de jouer sans public ? » C’était notre plus grande crainte au début, car mon credo est toujours : quand le groupe divertit, c’est bien pour le public, mais si le public divertit le groupe, c’est encore mieux, c’est la combinaison parfaite. J’avais un petit peu peur, je ne savais pas comment ça allait marcher. Je pensais que ça allait être très difficile de jouer sans public, l’interaction et tout ce que je fais normalement sur scène. Je ne pouvais pas le faire parce qu’il n’y avait personne d’autre que l’équipe de cameramans et le réalisateur, et je me disais que j’aurais l’air idiot si je tapais des mains pour encourager des gens que je ne voyais pas. J’ai donc dû réfléchir à adopter différents comportements sur scène. Mais après la première chanson, j’ai complètement plongé dans la scénographie et le monde de Powerwolf. J’étais totalement concentré sur ce que j’étais en train de faire ici. C’était génial. Je me souviens quand je suis monté pour la première fois sur le plateau, j’ai vu cet énorme mur de LED, plein de gens partout, des tests pyrotechniques, etc. J’avais l’impression que j’allais faire quelque chose de complètement différent de tout ce que faisaient les autres groupes jusqu’à présent. C’était donc assez facile se mettre dedans. C’est un aspect de The Monumental Mass. L’autre aspect est, bien sûr, que nous nous considérons comme un groupe de live et le public me manque. Nous avions dans l’idée de faire un clip vidéo géant ou un film, et nous l’avons fait, mais au final, pour nous, le plus important est de jouer en concert dans la vie réelle.

Combien coûte la production d’un tel événement en streaming par rapport à une tournée et dans quelle mesure ce type d’événement peut-il rattraper l’absence de tournées ?

Ça coûte très cher. Je ne peux pas révéler les chiffres, mais comme tu peux l’imaginer, c’est énorme. Par exemple, nous avons filmé dans un monastère en Pologne la scène avec le novice dans le dernier chapitre quand il rencontre Attila qui le bénit pour ses mauvaises actions et l’absout. Il a dû venir en Allemagne malgré les restrictions sur les voyages à cause du Covid-19. La production a donc coûté beaucoup d’argent, mais ça valait la peine. Le truc, c’est qu’au final, nous n’avions pas le choix, car si nous avions voulu économiser de l’argent, nous aurions dû retirer certaines choses, or chaque scène à l’écran était importante. Ça aurait été dommage de retirer les scènes avec l’orgue de feu ou du Cardinal ou n’avoir qu’une disposition de scène au lieu de trois ou quatre. Ce n’était pas négociable. Nous voulions que ce soit fait de la meilleure manière possible. C’était cher, mais au final, ce que vous voyez dans le DVD est, j’imagine, une belle œuvre d’art. Evidemment, ce n’est pas possible de faire des événements en streaming pour gagner de l’argent à la place des concerts, ce n’est pas un remplacement. Ce n’est pas possible, parce que nous voulons proposer le meilleur, or si on fait des concerts en streaming seulement pour gagner de l’argent, il faut éliminer beaucoup de choses. Ça n’a jamais été notre approche. L’approche était que nous voulions faire un film de concert et, plus important encore, offrir quelque chose en retour aux fans. La troisième chose est : nous voulons refaire des concerts [rires]. C’est très important pour nous. C’était une super expérience pour nous d’avoir réalisé The Monumental Mass sous cette forme, mais je ne sais pas si nous le réitèrerons.

Dans quelle mesure avez-vous utilisé ça comme un genre de laboratoire pour vos futurs concerts ? Est-ce que vos tournées à venir – à court et long termes – en bénéficieront ?

Oui, je suis sûr que nous avons beaucoup appris de ce que nous avons fait avec ça et je peux facilement nous imaginer reprendre certains éléments de The Monumental Mass en situation live. C’est une possibilité, de ramener des éléments du monde digital dans la vie réelle, comme le Cardinal ou les danseuses. Par exemple, je suis presque certain que l’orgue de feu sera utilisé sur scène, mais nous avons déjà développé et amélioré notre installation scénique pour les prochains concerts cet été et cet automne – avec un peu de chance, ils auront lieu. Mais c’est très bien pour nous d’avoir eu cette expérience. Ça nous a montré que si on est créatif et qu’on a de bonnes idées, on peut arriver à tout, et si la scène est suffisamment grande [rires], on peut évidemment faire encore plus niveau spectacle que sur de plus petites scènes.

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« Quand j’ai fondé mon premier groupe, il était clair que je ne voulais pas être un claviériste normal, caché quelque part en fond de scène. J’ai toujours voulu être un entertainer, mais dans mon premier groupe, ça n’était pas permis, c’était genre : ‘Allez, reste à ta place.’ […] Je suis la preuve que même en tant que claviériste, on peut divertir le public. Ce n’est pas réservé au chanteur. »

Le côté théatral est déjà une part importante d’un concert normal de Powerwolf et, comme on en a déjà discuté par le passé, tu es probablement le membre le plus actif et divertissant sur scène – ce qui se vérifie aussi dans The Monumental Mass. A quel moment dans ta vie t’es-tu dit que tu voulais être non seulement un musicien mais aussi un véritable entertainer ?

Bonne question ! Comment expliquer ça ? Quand je suis devenu un metal addict, j’ai commencé par exemple avec Piece Of Mind d’Iron Maiden et à partir de là, j’étais accro au heavy metal. Au même moment, j’ai appris à jouer de l’orgue d’église, mais ça n’allait pas bien avec le metal à l’époque. Normalement, j’aurais dû apprendre à jouer de la batterie ou de la guitare. Quand j’ai fondé mon premier groupe, il était clair que je ne voulais pas être un claviériste normal, caché quelque part en fond de scène. J’ai toujours voulu être un entertainer, mais dans mon premier groupe, ça n’était pas permis, c’était genre : « Allez, reste à ta place. » Puis Powerwolf a été créé et j’ai rejoint le groupe, et c’était le destin car dans ce groupe, j’ai vu que c’était possible de faire ce que je fais sur scène. J’ai même amélioré ça au fil des années, ou en tout cas je me suis mis à en faire plus qu’au début. Mais je suis la preuve que même en tant que claviériste, on peut divertir le public. Ce n’est pas réservé au chanteur. C’est toujours la même chose : la plupart des gens regardent le chanteur, c’est comme ça, mais personnellement, je veux être plus qu’un musicien derrière son clavier, je veux divertir, interagir, faire l’acteur, pas seulement jouer de la musique. Je veux avoir ce retour direct du public quand je lève le poing et que je suis là « criez pour moi » ou peu importe, même si je n’ai pas de micro, à être comme David contre Goliath car Attila a le microphone et pas moi, il y a une compétition sur scène, et ainsi de suite. Au fil des années, cet aspect de Powerwolf, le fait que le claviériste et Attila soient les gars qui sautent partout sur scène et divertissent le public, c’est l’un des éléments principaux en live. J’adore ça.

Es-tu un enternainer dans la vie de tous les jours, est-ce que ça fait partie de ta personnalité ?

Si tu me vois sur scène, faire rire les gens ou les divertir fait partie de ma personnalité. En privé, parfois c’est pareil, si je me sens en sécurité ou à l’aise, j’adore divertir et raconter des histoires. Parfois, je suis un peu le centre de l’attention, donc le fait de m’exprimer un peu plus que les autres fait partie de ma personnalité, mais il y a aussi une part de timidité en moi. Je peux être très calme. Par exemple, après un concert, quand j’ai tout donné au public, je suis la personne la plus calme que tu as jamais vue, je ne parle pas du tout. Donc ça aussi ça fait partie de ma personnalité, autant que la bête de scène, le côté divertissement, le musicien, etc. Tout ça c’est moi. En l’occurrence, quand j’étais gamin, quand j’étais en confiance, j’étais l’entertainer, mais quand je ne savais pas si les gens m’appréciaient, j’étais timide. Pendant un concert de Powerwolf, normalement les gens nous aiment et c’est plus facile pour moi, mais il m’est déjà arrivé de monter sur scène quand des gens ne nous aimaient pas ; j’ai déjà connu ce genre de situation où nous avons joué à un festival et où des gens nous détestaient. Ça n’a pas du tout changé mon attitude scénique, donc bien sûr, c’est différent de quand j’étais gamin.

Après avoir fait votre rituel de maquillage, au moment de monter sur scène, quel est ton état d’esprit ? En d’autres termes, quelle est ta relation au live sur le plan psychologique ? Y a-t-il une part de transe ?

Oui. Quand nous nous maquillons et tout, c’est un moment très privé. Il n’y a que le groupe dans les loges. J’adore cette adrénaline quand nous sommes près de la scène ou même sur scène et qu’il y a ce drap devant qui empêche les gens de nous voir, que j’entends le public et que je vois les lumières s’éteindre. Je suis toujours nerveux [petits rires]. J’ai évidemment hâte que le concert commence, mais je suis très stressé au début. Après les trois premières notes, c’est fini et c’est du pur bonheur pour moi. C’est de l’adrénaline, j’y suis accro. C’est pourquoi ces deux dernières années n’ont pas été faciles pour moi, car je n’avais pas ça. Evidemment, je suis reconnaissant envers les bons retours que nous avons eus pour Call Of The Wild et The Monumental Mass, et envers les gens qui nous ont soutenus au fil des années, je suis super content, mais j’ai envie de les revoir en personnes. Ça me donne de l’énergie, c’est ma vie de donner quelque chose aux gens et qu’ils me le rendent. L’interaction physique est très importante pour moi.

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« Je me souviens bien au début, quand nous mettions le maquillage blanc, ce n’était que de la poudre. Plein de gens nous demandaient : ‘Tu vas bien ? Tu es tellement blafard !’ »

As-tu parfois l’impression d’entrer dans un ring de boxe, en l’occurrence ?

Pas vraiment, parce qu’un boxeur se fait mal [rires]. Je me considère comme un acteur qui joue un personnage fictif, même si c’est mon propre personnage. Je suppose que c’est la différence entre un acteur dans une pièce de théâtre et moi sur scène, car ça fait partie de ma personnalité. Un acteur professionnel dans une pièce de théâtre ou un film n’est normalement pas le tueur [rires], normalement il n’est pas le méchant dans la vraie vie. Mais c’est différent de la vraie vie, évidemment.

Tu ne te blesses jamais sur scène ?

Non, mais il y a eu un petit accident lors de The Monumental Mass. Nous avions l’idée de me mettre du gel ou de la pâte à feu sur mes bras, afin de jouer avec mes bras enflammés – il existe une pâte protectrice, puis une qui brûle, tu y mets feu et ta peau n’a rien. Nous avons fait ça, mais malheureusement, mon maquillage, que j’ai aussi sur mes bras, a enlevé la pâte et je me suis blessé aux bras. Ce n’était pas la meilleure idée. Au final, nous n’avons pas pu l’utiliser au montage parce que c’était merdique [rires]. Ça montre à tout le monde que nous avons tout fait pour avoir un bon spectacle. Mais en situation live, je ne me suis jamais blessé, ce qui est bien ! Je suis tombé plusieurs fois sur scène, mais rien de sérieux. Nous avons fait un concert à Londres avec Epica il y a des années, nous sommes bons amis avec eux, ils ont vu le concert et m’ont vu chuter, et ça s’est transformé en plaisanterie récurrente sur la tournée, mais je ne me suis pas fait mal.

Evidemment, l’aspect visuel a toujours été important pour Powerwolf. Le désir d’être visuellement impressionnant faisait-il déjà globalement partie de de votre approche artistique dès le début, y compris à l’époque de Red Aim, le groupe pré-Powerwolf, ou bien c’est venu un peu plus tard ?

L’approche a toujours été de travailler l’aspect visuel, mais si tu voyais, par exemple, nos accoutrements de scène et nos maquillages pour l’album Return In Bloodred, c’était vraiment… [rires]. Nous les avons améliorés au fil des années. C’était le point de départ de l’idée de développer le… je ne parlerais pas de concept visuel, parce que nous n’avions pas de concept à l’époque, mais nous voulions avoir des maquillages et costumes de scène. C’était le début. Ensuite nous avons amélioré ça au fil des années avec le côté religieux, de nouveaux maquillages, de nouveaux costumes et ainsi de suite. C’était un évolution étape par étape et ce n’est pas comme si nous avions déjà en tête en 2005 d’avoir ce concept en 2022. A mesure que nous développions les chansons, nous avons aussi développé notre apparence scénique. Je me souviens bien au début, quand nous mettions le maquillage blanc, ce n’était que de la poudre. Plein de gens nous demandaient : « Tu vas bien ? Tu es tellement blafard ! » Et l’autre remarque était : « Ah, vous jouez du black metal, vu que vous portez du maquillage blanc. » Eh, allez les mecs ! Kiss porte aussi du maquillage blanc et ils ne font du black metal ! Donc comme tu vois, ça s’est étoffé au fur et à mesure, mais nous ne savions pas au départ où nous allions avec ça.

Encore aujourd’hui, je suppose que nous avons trouvé notre maquillage et nos costumes de scène, mais ça reste un processus de développement continu. Je peux te dire avec certitude que nous ne montrons jamais sur scène en simple jean et t-shirt. Ce n’est pas notre approche [rires]. J’ai été obligé de le faire une fois. Je me souviens d’une de nos premières tournées avec Gamma Ray en Espagne, nous n’avions pas du tout le temps, il restait une minute avant de monter sur scène. J’ai juste eu le temps d’enfiler ma chemise, mais pas pour changer de pantalon, donc ça voulait dire que je ne pouvais pas me déplacer. Il fallait que je reste derrière mon clavier, parce que je portais un blue jeans avec une chemise noire. C’était un très mauvais concert pour moi ! Mais c’était il y a quinze ans, donc ça n’a pas d’importance [rires]. Mais l’idée de jouer ce type de musique et faire ça visuellement, c’est vraiment venu avec Powerwolf, et le fait de développer le côté religieux est venu un peu plus tard. Ce n’était pas sur Return In Bloodred, c’est venu sur l’album Lupus Dei. C’est là que j’ai utilisé pour la première fois l’orgue d’église et que nous nous sommes rendu compte que cet instrument sonnait vraiment heavy. Nous avons toujours été intéressés par les sujets religieux, mais nous avons décidé de les aborder à notre façon. C’était le point de départ de ce que nous sommes aujourd’hui.

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« J’aime dire que nous ne nous prenons pas au sérieux, mais que nous prenons ce que nous faisons très au sérieux. C’est très important pour nous, c’est notre art, mais sur scène on peut rire de soi. »

Malgré le côté théâtral de vos concerts, est-ce important que ça reste un vrai concert live avec une part de spontanéité et que ça ne se transforme pas en une sorte de pièce de théâtre où tout est calculé ?

Oui. Je veux conserver la spontanéité en live, car c’est la raison pour laquelle j’aime faire des concerts. Evidemment, je qualifie toujours nos performances scéniques de liturgies. Tu as une setlist, ce n’est pas comme si tu étais là : « Qu’est-ce qu’on joue ensuite ? » Donc tu as tes rituels et ta liturgie, mais tu as aussi plus de possibilités pour être spontané. Par exemple, si les gens chantent en chœur avec Attila et moi, ou s’ils chantent un riff de guitare, nous leur permettons de le faire et les encourageons à continuer. Je me souviens d’un concert en Slovaquie, je crois. Quelqu’un a envoyé une marionnette de loup sur scène. Elle était très bien faite et très drôle. Attila l’a mise au microphone et a fait comme si elle chantait la chanson suivante. Les gens étaient morts de rire et s’amusaient. C’était un moment mémorable. Les gens criaient et ont adoré la scène, car nous ne l’avions pas prévue, pas plus que le gars qui a balancé cette marionnette. Je veux ce genre de concert. Ça ne m’irait pas de faire des concerts où c’est la routine, nous jouons les chansons et c’est tout, nous sortons de scène. On devrait toujours laisser une possibilité pour que ce genre de chose se produise. C’est important pour nos concerts, et ça a toujours été comme ça.

Donc en situation live, tout est possible, et comme je l’ai dit, j’aime ça. D’un autre côté, si je fais quelque chose qui ne va pas, tout le monde le voit et je ne peux pas le corriger. Si je jouais avec des éléments pyrotechniques et que je faisais une erreur, j’aurais des problèmes et je ne pourrais pas continuer le concert. Je dois donc faire peut-être plus attention que dans l’événement en streaming où nous avions une certaine liberté et où nous pouvions avoir des idées spontanées, mais quand c’était le cas, nous ne pouvions pas les exécuter sur le vif au moment de l’enregistrement. Il fallait en discuter et les planifier avant de filmer. Par exemple, si je décidais de sortir de mon clavier pour brandir le drapeau, je devais le dire au réalisateur, car il devait dire au cameraman de le filmer. C’est complètement différent du live, car ce que je fais en live se produit tout seul et ce n’est pas un souci, et si ça fonctionne, c’est bien [rires].

Vous faites preuve de beaucoup d’humour, sur scène comme dans votre musique. Penses-tu que la scène metal a parfois une tendance à trop se prendre au sérieux ?

Pour être honnête, c’était l’impression que j’avais il y a des années quand nous avons commencé avec Powerwolf. Je ne sais pas, c’est un peu étrange, car si tu regardes Mötley Crüe, Iron Maiden ou Kiss, par exemple, ça a toujours été du grand divertissement et les gens criaient, riaient, etc. Puis j’ai eu l’impression que parfois la scène metal était devenue très sérieuse et qu’il n’était pas permis de rire. Mais je pense qu’on peut avoir les deux, on peut avoir cette image qu’a Powerwolf, avec cette image diabolique et religieuse, tout en ayant des gens qui tapent des mains, rient de nos plaisanteries, etc. J’aime dire que nous ne nous prenons pas au sérieux, mais que nous prenons ce que nous faisons très au sérieux. C’est très important pour nous, c’est notre art, mais sur scène on peut rire de soi. J’ai l’impression que les gens s’en rendent compte, c’est-à-dire que ce n’est pas juste un groupe qui fait son concert professionnellement et c’est tout. Par exemple, quand Attila annonce la mauvaise chanson ou que je tombe, nous en rions. Nous avons un sens de l’humour pour ça, mais nous ne nous moquons pas des choses religieuses ou autres. C’est plus une approche ironique et de l’humour. Je pense en fin de compte que c’est permis dans le heavy metal de divertir et que les gens aiment ça, tout comme nous.

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« La culture donne de l’énergie aux gens. Ce n’est pas seulement pour un court moment. C’est une nécessité pour les gens. Je me demande comment des politiciens peuvent dire : ‘Ce n’est pas possible pour le moment, vous devez faire sans.’ La culture est essentielle, point barre. »

De façon plus générale, cette période de pandémie a été aussi une période de réflexions et de questionnements pour de nombreux groupes. Est-ce que ça a été le cas de Powerwolf ?

Pas du tout. Plus que jamais, notre sentiment était : « Allez, il faut qu’on avance. On doit faire de nouvelles chansons. On doit travailler sur The Monumental Mass. On doit travailler sur tout, sortir un nouveau morceau, etc. » Je dirais que nous avons même travaillé encore plus dur durant cette pandémie, car nous n’avons pas envie d’être là [d’une voix plaintive] : « On ne peut rien faire. » Nous avons envie de continuer. Mais pour être honnête, bien sûr que c’était parfois dérangeant, ce n’était pas toujours : « C’est super d’être tout le temps à la maison ! » Il y a des moments où nous nous disions : « Oh mon Dieu, est-ce qu’on pourra rejouer en live ou est-ce que ça redeviendra comme avant la pandémie ? » Nous y pensions, mais ensuite nous nous disions que de toute façon, nous ne pouvions rien changer, donc ce que nous pouvions faire, comme je l’ai dit, était de composer de nouvelles chansons, tourner des clips, faire le stream et le DVD de The Monumental Mass, et nos fans apprécient beaucoup ça. A aucun moment nous ne nous sommes posé la question si nous devions continuer ou pas. C’est notre bébé et la pandémie ne peut pas arrêter Powerwolf.

Ce n’est plus un secret maintenant, les ventes d’albums ont drastiquement chuté au fil des années. Dans quelle mesure le live est une part vitale, économiquement, de votre boulot en tant que Powerwolf ?

Bien sûr, le live est clairement l’une des choses qui apportent le plus de revenus, si je puis dire ainsi. Ça vaut pour presque tous les groupes. Si tu fais des concerts, tu vends ton merch, tu as ton cachet et tout. C’est grâce à ça que tu peux vivre. Si tu n’as pas la possibilité de faire ça, ça devient très dur de payer ton loyer et tout. Ce n’est pas facile. Comme je l’ai dit, je ne veux pas me plaindre, car nous voulons avancer et il y aura des moments meilleurs, mais ça devient de plus en plus dur pour les musiciens et on ne sait pas à quoi ressemblera le monde après la pandémie, quand ce sera complètement terminé et qu’il n’y aura plus de restrictions pour les concerts. Ce n’est pas encore terminé, mais j’espère que ça le sera bientôt.

D’un autre côté, on a vu à quel point les groupes étaient résilients et que les circonstances les ont poussés à sortir de leur zone de confort et à innover. Est-ce que ça ne démontre pas que, malgré la détresse, les temps de crise sont aussi des périodes de développement ?

Parfois, mais ce genre de temps de crise est vraiment mauvais pour l’industrie live, car nous étions les premiers à fermer et nous sommes les derniers à rouvrir. Le plus difficile est qu’on ne peut rien prévoir. Par exemple, nous avons prévu depuis des mois tous les concerts en festival cet été, nous avons réservé les vols, etc. et on ne sait pas si ça va avoir lieu. Ça veut dire que tu as beaucoup de dépenses que personne ne comblera si c’est annulé, personne ne nous remboursera. C’est très difficile d’établir des plans. Si un groupe vit une crise, il peut en ressortir plus fort et je peux y voir une chance, sauf que quand on ne voit pas le bout d’une crise, c’est vraiment dur de se motiver. Heureusement, nous avons tenu le coup jusqu’ici, donc nous sommes sur la bonne voie, je suppose, et j’espère que la pandémie se terminera et que nous reviendrons à la normale. Je ne dirais pas que la crise sanitaire est une occasion d’être plus fort, car dans ce cas précis, ce n’est pas une crise qui touche un ou deux groupes, c’est une crise pour l’art dans son ensemble et c’est très difficile, car les organisateurs ont aussi beaucoup de problèmes. Ils perdent énormément d’argent. Je ne sais pas s’ils y survivront. La culture est très importante pour les gens, et c’est la raison pour laquelle avec Powerwolf nous avons dit que nous n’avons pas le droit de baisser les bras. Les gens ont besoin de nous et de notre art, et nous avons besoin d’eux.

De nombreux gouvernements ont considéré la culture et le divertissement comme étant non-essentiels en cette période et c’est pourquoi – compte tenu des rassemblements que ça générait – c’est l’un des domaines qui ont connu le plus de restrictions. Quel est ton avis sur la question ?

J’ai très souvent entendu les politiciens allemands dire que la culture était très importante, mais quand la pandémie est arrivée, ils étaient là : « C’est fermé, c’est comme ça. Les salles sont fermées. Les festivals sont annulés. » J’ai l’impression que les gens ont besoin de la culture, ils ont besoin de la musique, ça leur fait du bien, ne serait-ce que pour se lever le lundi matin pour repartir au travail. Je me souviens d’un bon ami qui avait vu un de nos concerts dans ma ville, Saarbrucken, et deux semaines plus tard, il est venu me voir et m’a dit : « J’ai toujours de l’énergie en moi parce que j’ai vu votre concert et je vous ai vus sur scène. » Ça résume tout. La culture donne de l’énergie aux gens. Ce n’est pas seulement pour un court moment. C’est une nécessité pour les gens. Je me demande comment des politiciens peuvent dire : « Ce n’est pas possible pour le moment, vous devez faire sans. » La culture est essentielle, point barre.

Interview réalisée par téléphone le 6 avril 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Matteo Fabbiani (1) & Christian Ripkens.

Site officiel de Powerwolf : www.powerwolf.net

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Powerwolf : la messe enflammée – RADIO METAL

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