Les Animaux de Baker Street. Sherlock à poils

Dans Les Animaux de Baker Street, incarnez des animaux et aidez Sherlock à résoudre des enquêtes. Un jeu narratif palpitant, puissant ! “Rien n’est petit pour un grand esprit.”


Les Animaux de Baker Street

Les Animaux de Baker Street est le tout nouveau jeu d’enquête narratif et coopératif dans l’univers de Sherlock Holmes sorti chez Iello en ce mois de novembre. Illustré par le talentueux Biboun, et co-créé par Clémentine Beauvais et Dave Neale.

Dave Neale. Ce nom vous dit peut-être quelque chose. Il a en effet déjà signé trois autres jeux qui se déroulent dans l’univers de Conan Doyle : deux scénarios Unlock, le premier intitulé Sherlock Holmes sur le fil, dans Unlock ! Heroic Adventures, ainsi que Sherlock Homes : L’Affaire des Anges Brûlés dans Unlock ! Legendary Adventures. Mais surtout, Dave Neale est l’auteur des Francs-Tireurs de Baker Street, un excellent recueil d’enquêtes pour le jeu Sherlock Holmes Détective Conseil.

Après ces trois sorties Sherlock chez Space Cowboys / Asmodee, et les enquêtes audio Echoes chez Ravensburger, l’auteur britannique change de crèmerie et sort de nouvelles enquêtes Sherlock avec Les Animaux de Baker Street chez Iello. En duo avec une autrice dont c’est le tout premier jeu publié, Clémentine Beauvais.

Clémentine Beauvais. Ce nom vous dit peut-être aussi quelque chose. Elle est enseignante-chercheuse à l’université de York en Angleterre où elle enseigne et recherche la littérature jeunesse, l’écriture créative et les pratiques de traduction littéraire à l’école. Si c’est son tout premier jeu de société publié, son nom ne vous est peut-être également pas inconnu.

Elle est une autrice de livres, pour enfants, pour ado, pour adultes, avec plus de 30 romans publiés ! Ses livres ont reçu plusieurs prix littéraires. Et elle fait également de la traduction. C’est elle qui a, notamment, traduit le tout récent roman de J. K. Rowling L’Ickabog.

Prenez un auteur de jeux, à succès, avec une autrice de romans, à succès également. Et ça vous donne Les Animaux de Baker Street. Un jeu d’une qualité, ludique, littéraire, spectaculaire !

Sherlock Holmes, à poils, à plumes

Dans Les Animaux de Baker Street, tout est dans le titre. On incarne des animaux du quartier du célèbre détective et de son appartement au 221b de Baker Street. Limon la grenouille, Sorbier l’oiseau, Acajou la souris et Calebasse la tarentule (arrivée un jour sur un… régime de bananes. Parce que non, les tarentules ne sont pas endémiques à l’Angleterre.)

On commence par lire l’introduction, par déplier le petit plateau qui présente la rue de Baker Street et ses environnements voisins. À relever que le plateau présente deux faces : nuit et jour. Avec des spécificités, selon les scénarios.

Puis on s’attribue l’un des animaux. Si l’on joue à moins de quatre, on en prend tout simplement plus par personne. Et c’est parti pour l’aventure ! L’enquête, plutôt.

Car dans Les Animaux de Baker Street, on participe à de « réelles » enquêtes avec, pour, aux côtés de Sherlock. De son chien Toby, surtout. C’est lui qui nous confie et convie à résoudre diverses affaires en lien, de près ou de loin, avec le détective.

Chaque affaire, il y en a six, parfois découpée en plusieurs chapitres, se présente sous la forme d’un paquet de cartes. Pas d’appli, pas de web.

Les Animaux de Baker Street devrait par ailleurs rejoindre notre sélection des meilleurs jeux d’enquête !

Les Animaux de Baker Street reprend la mécanique, classique, du temps limité. Que l’on retrouve également dans le fameux Détective, ou Détective Charlie, deux autres jeux d’enquête parus chez Iello.

Les Animaux de Baker Street ne se joue donc pas en temps réel avec un sablier, mais avec un nombre de jetons Heure / montre à gousset. La réserve constituée au départ dépend de l’affaire, de sa complexité. Chaque fois que l’on se rend dans l’un des lieux présents et disponibles sur la carte, on défausse l’un de ces jetons Heure.

On le sait bien, le temps, c’est de l’argent. Dans Les Animaux de Baker Street, c’est surtout le nerf de la guerre. De l’enquête, plutôt. Aller partout, n’importe où, risque bien de dilapider sa réserve de temps. Et quand cela se produit, on retourne une carte et l’on découvre ce qui s’y passe, ce qu’on a raté. Ce qu’on aurait pu, ce qu’on aurait faire. Il va donc bien falloir choisir ses déplacements.

En équipe. Car le groupe d’animaux se déplace ensemble. On ne peut pas se séparer pour optimiser son temps, son enquête. Il faut donc s’accorder pour visiter tel ou tel lieu.

Les Animaux de Baker Street Sherlock a poils

Et c’est tout ?

Non.

Le duo d’autrice et d’auteur nous offre une mécanique, subtile, savoureuse, de loupes à compléter. Lorsqu’une carte lieu est retournée, on y découvre parfois des fragments de loupes. Et son animal, son personnage en possède également. Et d’autres cartes aussi, personnages, lieux ou objets. On va pouvoir ainsi associer les deux cartes pour que les loupes se complètent. Et selon les combinaisons, on va pouvoir accéder à de nouvelles informations, à de nouvelles cartes, à des retournements de situation et parfois à des situations… épiques.

Tout n’est donc pas « juste » question de déplacement, d’enquête, mais également d’association, de combinaison, d’utilisation de compétences, d’objets, aussi. Avec un aspect chronologique palpitant qui nous pousse à revenir dans un lieu avec une nouvelle carte, une nouvelle information, un nouvel objet. Qui pourrait alors cette fois générer à un nouveau résultat.

Cette mécanique de loupes est le cœur du jeu. Elle l’enrichit, l’épice et le relève.

Ne rien louper

Mais alors, mais alors, si on voit les loupes, branches et verres, on peut tout à fait anticiper les possibilités et savoir qu’il faut faire quelque chose, peut-être les associer ?

C’est là que le jeu rajoute une couche de subtilité, et de…taquinerie. Il y a des leurres.

On voit les loupes. On se trouve alors presque… spoilés, Mais certaines, la plupart (?) ne sont là que pour « noyer le poisson ». Donc non, il ne faut pas s’y fier pour savoir quoi faire, où aller, quel objet utiliser. Et tant qu’on n’a pas associé une carte avec une autre pour valider telle ou telle loupe, branche + verre, on n’a aucune assurance sur un possible résultat. Malin !

« Je ne fais jamais d’exception. L’exception infirme la règle. »

Je n’ai qu’un seul et unique regret. L’intérieur de la boîte du jeu Les Animaux de Baker Street fait un peu… cheap. On y trouve des « vieux » intercalaires en papier carton léger pour séparer les scénarios. Que l’on retrouve tous rangés dans des pochettes en plastique fin.

Pour un jeu d’une telle qualité, d’une telle splendeur, magnifié par les superbes illustrations de Biboun, avec un tel travail d’écriture, de création, de développement, le packaging, lui, n’est pas très qualitatif. Pour faire honneur au jeu, on aurait pu, dû, proposer un écrin à la hauteur de son contenu. Un coffret ? Un livre à ouvrir à déplier ? Les scénarios rangés dans un insert thermoformé ?

C’est à se demander si la boîte d’un jeu ne représente pas le « parent pauvre » de l’édition d’un jeu de société. Si certains éditeurs y font très attention et en prenne soin, d’autres, au contraire, n’y investissent pas d’importants efforts. À l’instar du récent The Gardens, à la boîte « pleine de vide », sans insert, sans sachet. Sans rien du tout pour contenir, ranger, protéger le jeu.

Et quand on débourse 40-50-60 euros, c’est la moindre des choses que de pouvoir conserver son jeu le plus longtemps et dans les meilleures conditions possibles. On tombe parfois sur des intérieurs de boîtes bâclés. C’est en tout cas l’impression, amère, que l’on ressent en ouvrant Les Animaux de Baker Street. Ce qui, il faut le préciser, ne gâche toutefois en rien la qualité intrinsèque du jeu !

Les Animaux de Baker Street, à combien y jouer ?

Dans Les Animaux de Baker Street il y a beaucoup, beaucoup de texte à lire. Ce qui n’est pas un souci en soi. Chaque fois qu’on débarque dans un lieu, à la manière d’un paragraphe d’un Sherlock Holmes Détective Conseil ou d’un Livre dont vous êtes le Héros. On en découvre, on en lit la description, les événements, les personnages.

Mais je n’ai toujours pas répondu à la question initiale. À combien y jouer ? Le jeu conseille de 1 à 4. Si à moins de 4 il faut se répartir les différentes animaux, personnages, quitte à en avoir plusieurs par personne, pour pouvoir disposer de toutes les compétences nécessaires à l’enquête, cela ne gêne en rien le cours, le plaisir du jeu. Donc à 1-3, Les Animaux de Baker Street, le jeu tourne très bien !

Mais pas seulement !

Comme explicité dans le tout premier paragraphe ci-dessus, avec tout ce narratif, on peut très bien y jouer à plus, à beaucoup plus : 5, 6, 7, 8, même. Tout le monde s’assoit autour de la table, du canap’, et on participe, partage, ensemble, à une enquête, animalière, trépidante.

Les Animaux de Baker Street, à partir de quel âge y jouer ?

Le jeu est conseillé dès 10 ans. Les enquêtes ne sont ni sombres, ni anxiogènes. 10 ans, voire même 8 ans, est tout une bonne estimation.

Mais pas seulement !

Il ne faut pas prendre Les Animaux de Baker Street pour ce qu’il n’est pas seulement. Il est certes un jeu familial, accessible, mais pas seulement ! Les illustrations et le fait de jouer des animaux pourraient sembler… enfantin. On pourrait être ainsi tenté de le bouder si on n’a pas d’enfants de l’âge conseillé, si on préfère jouer avec des adultes.

Ça serait toutefois commettre une grossière erreur et passer à côté d’un jeu stupéfiant. Les Animaux de Baker Street va également passionner un public adulte, Casu, Noob ou Gamer.

« Le monde est plein de choses claires que personne ne remarque jamais. »

Lapalissade, ce qui constitue un jeu narratif, c’est son… narratif. Comme indiqué plus haut, dans Les Animaux de Baker Street, il y cinq grosses aventures, découpées en plusieurs parties. De quoi y jouer une solide dizaine d’heures.

Sans ne rien dévoiler, divulgâcher, il faut reconnaître que ces scénarios, ces enquêtes sont extrêmement bien écrites. Sans coquille, ni trop lyrique, creux ou ampoulé, le style littéraire est accessible, agréable, fluide et prenant. On éprouve un réel plaisir à se plonger dans ces récits.

Dans Les Animaux de Baker Street, on sent la patte (c’est le cas de le dire), l’expérience et les compétences littéraires de l’autrice à succès Clémentine Beauvais. Et c’est ce qui manque parfois dans les jeux de société narratifs. Une qualité littéraire. Pour notre plus grand plaisir, intense, elle est bel et bien présente ici !

Et, cerise sur le gâteau, chaque enquête est aussi palpitante qu’intelligente. Mais vraiment. On ne fait pas « que » chercher ceci, découvrir cela, résoudre ça. Les enquêtes nous proposent une réelle réflexion sur la condition animale, sur les rapports entretenus avec les autres animaux, humains ou non.

« Rien n’est petit pour un grand esprit. »

Et parlons-en, des animaux, puisque c’est le sujet principal de Les Animaux de Baker Street.

Bien souvent, dans des nombreux médias, récits, presse, séries, l’image des animaux est bien trop souvent déformée. Ils sont soit montrés comme des… « objets », utilisables, exploitables à notre bon vouloir pour diverses « utilisations », viande, trait, élevage, compagnie, soit comme des êtres cruels, mauvais et dangereux. Alors qu’au fond, c’est peut-être nous, l’animal (humain) le plus dangereux pour les autres animaux (humains ou non humains).

Il serait aussi fastidieux qu’ennuyeux de dresser la liste des jeux de société qui incluent et représentent les animaux. Il y en a plus de 7 000 (!) dans la base de données de BGG.

Animaux présents et représentés

Les animaux apparaissent comme une véritable source d’inspiration pour les auteurs et autrices de jeux, illustrateurs et éditeurs.

Les premières traces d’images d’animaux produites par l’être humain remontent à la Préhistoire et aux peintures pariétales. D’un large bond en avant, c’est au 19e siècle que les animaux figurent parmi les sujets fréquemment représentés. Il s’agit, en outre, d’une période où la représentation des animaux dans l’art Occidental gagne de l’importance : à partir du XVI° siècle elle forme un genre pictural, puis, au XIX° siècle, les animaux deviennent le sujet principal de peintures ou de sculptures.

Enfin, le succès des fables au XVII° siècle avec, principalement, les récits de Jean de la Fontaine apporte une impulsion supplémentaire et participe à enrichir la manière de dépeindre les animaux. Ces récits ont ainsi inspiré un grand nombre d’artistes tels que François Chauveau, Jean-Baptiste Oudry, Jean-Jacques Grandville, Gustave Doré ou encore Benjamin Rabier.

Leurs illustrations, qui mettent en scène des animaux d’une grande expressivité, sont restées ancrées dans l’imaginaire collectif. Leur influence se reflète, aujourd’hui encore, dans la représentation des animaux, notamment dans les films d’animation ou encore dans nos jeux de société du 20e et 21e siècle.

La grande diversité qui caractérise la représentation des animaux au cours de l’histoire s’appuie tantôt sur l’observation précise de la nature tantôt sur l’imaginaire, se nourrissant, entre autres, de récits mythologiques, religieux ou folkloriques.

C’est à travers un bestiaire éclectique d’animaux représentés, visualisés, illustrés, que ces images traduisent le rapport entre l’humain et l’animal mais développent aussi un discours sur les humains et la société.

Sans émettre de jugement de valeur ou de rentrer en matière sur un questionnement éthique ou zooéthique, pour éclairer le propose et nous intéresser au sujet, nous pouvons toutefois tenter une catégorisation.

La représentation des animaux dans les jeux de société

Les animaux anthropomorphes

Si l’anthropomorphisation des animaux, i.e. l’humanisation des animaux remonte à l’Antiquité, avec Ovide puis La Fontaine bien plus tard, nous, animaux humains, utilisons souvent les animaux pour représenter, caractériser certains traits, certaines personnalités humaines. À l’instar des fables.

De tout temps, les caractères humains ont été attribués aux animaux, souvent à tort, par simplification, pour dépeindre un comportement animal.

L’être humain projette ainsi son image sur les animaux, leur transférant ses traits et ses attitudes. Les contes et les fables s’inspirent de ces pratiques, les enrichissent et participent à les installer dans l’imaginaire collectif.

La représentation fréquente d’animaux anthropomorphes dans les films d’animation ou les jeux s’explique, entre autres, par l’adaptation de ces récits.

Elle découle aussi des fonctions pédagogiques attribuées à la représentation d’animaux dans les productions destinées au jeune public. Ces personnages servent ainsi à transmettre aux enfants des valeurs et à aborder des thèmes difficiles de manière détournée. Enfin, ces animaux qui sortent de l’ordinaire stimuleraient l’imaginaire des enfants.

Pourtant la représentation d’animaux anthropomorphes n’est pas limitée aux films ou aux jeux destinés au jeune public. Les traits associés aux animaux dans nos sociétés contribuent à définir l’identité et le caractère de ces personnages. On pensera notamment au chef d’œuvre de George Orwell et de sa Ferme des Animaux.

Accoutrés de vêtements ou d’accessoires, ces animaux humanisés sont capables de parler et bien souvent, de nous faire rire. On les retrouve dans de nombreux jeux de société, dans de très nombreux dessins animés.

Les jeux de société ne sont pas en reste. Prenez l’excellent Museum Suspects, ou encore Détective Charlie, ou Kyudo, ou encore Root, Everdell et bien d’autres titres qui « humanisent » les animaux pour cibler parfois un public plus jeune, plus familial. Ainsi transformés, les animaux suscitent autant l’amusement que l’émerveillement, le décalage.

Les animaux attachants

C’est, peut-être, la catégorie la plus présente dans les jeux de plateau. Les animaux… chous. Les animaux possèdent une capacité à nous attendrir (même si bon, dans la vraie vie, on finit par en manger certains… Merci la dissonance cognitive).

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Cette catégorie d’animaux est souvent représentée dans les jeux pour susciter un certain sentiment d’attachement. On les retrouve ainsi dans L’Île des Chats, Calico ou dans Takenoko.

Pas vraiment humanisés, ces animaux sont juste à la limite de le devenir. Ils conservent leurs propriétés naturelles, mais on les place, on les représente dans le jeu pour leur fonction d’apaisement, d’attraction, d’attachement, souvent représentés comme animaux domestiques.

Les animaux objectivés

Depuis la domestication des animaux il y a une dizaine de milliers d’années, d’abord avec le chien, puis plus tard le bœuf ou le cheval pour le trait, nous avons toujours eu une relation utilitariste avec les animaux. Et dans les jeux de société, c’est pareil.

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On représente souvent les animaux comme des « objets », comme des ressources utiles, nécessaires pour le développement. On les retrouve ainsi dans le récent et très bon jeu Yak. Ils servent alors à tirer des chariots, ou encore dans toute la gamme des jeux ruraux d’Uwe Rosenberg, les « Agricola-like » et autres Caverna ou Le Havre : bœufs, moutons, cochons, qu’on finit souvent par « transformer » en… viande pour se sustenter. Le mouton est d’ailleurs l’une des ressources que l’on s’échange dans Les Colons de Catane pour acheter des cartes de développement ou construire des… villages (aucun rapport ?).

Dans de nombreux jeux de société, les animaux y deviennent donc des ressources, souvent au même titre que le bois ou tout autre minerai.

Les animaux sauvages

Qu’est-ce que Cascadia, qui raflé le Spiel des Jahres cette année, Ark Nova, Parks et Wingspan ont en commun ? La représentation qu’ils font, qu’ils ont des animaux.

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Dans ces jeux, et dans bien d’autres aussi, les animaux sont représentés, plus ou moins, dans leur habitat naturel (oui bon, sauf peut-être dans… Ark Nova). On s’intéresse alors aux animaux pour leur présence, leur existence à l’état naturel, sauvage. On les « utilise », les manipule alors pour marquer des points. Ils deviennent non pas tellement ressources, mais enjeux du jeu.

Et dans Les Animaux de Baker Street ?

Ce n’est pas un hasard si nous avons placé cette dernière catégorie en… dernier. Car dans Les Animaux de Baker Street, les animaux que nous incarnons dans le jeu ne sont pas des animaux anthropomorphes, ce qui aurait pu être le cas, mais des animaux sauvages, ou presque. Et c’est toute la nuance du jeu, et son intérêt. Avec une telle représentation de l’animal, le jeu s’ancre ainsi plus dans le réel.

Alors certes, dans Les Animaux de Baker Street, ceux-ci communiquent entre eux et entre différentes espèces, et résolvent des enquêtes. Avec Les Animaux de Baker Street, on se situe toutefois plus dans un Ratatatouille que dans un Zootopie.

Les animaux dans la ville (et à Baker Street)

À l’échelle du globe, depuis 2010, le nombre de citadins a dépassé celui des personnes habitant en milieu rural. En 2022, il est estimé que 57 % de la population mondiale vit en ville. Selon les projections démographiques, ce chiffre pourrait grimper à 68 % à l’horizon 2050, principalement porté par la poursuite du développement urbain en Afrique et en Asie.

Les Animaux de Baker Street Sherlock a poils

Il va sans dire que certaines espèces animales ont dû apprendre à tirer profit de ce tissu urbain qui n’a eu de cesse de progresser, souvent au détriment des espaces naturels.

Outre les animaux, domestiques, qui se baladent, que l’on promène, nos villes sont peuplées d’animaux sauvages. Comme toute la faune, bigarrée, que l’on retrouve par ailleurs dans le jeu Les Animaux de Baker Street. Et c’est une constatation, il y en a de plus en plus.

Au premier abord, on pourrait se dire que pour eux, la vie en ville n’est pas forcément une sinécure, pour trouver de la nourriture, par exemple. Il y a des murs, des grillages, du bruit, de la lumière. Pourtant, ces animaux se plaisent plutôt bien en ville. Ils se sont adaptés à cet écosystème urbain, humain.

Durant le XXe siècle, l’homme a tenté de privilégier les espaces verts dans les villes, dans l’optique de favoriser le bien-être de la population. Si, à cette époque, la nature en ville a pour vocation d’embellir les constructions et non pas de protéger la flore et la faune locale, cet urbanisme va tout de même permettre aux villes d’accueillir une certaine biodiversité végétale et animale.

Vers la fin du XXe siècle, l’urbanisme écologique, privilégiant la biodiversité locale, pointe le bout de son nez. Aujourd’hui, la plupart des villes s’y mettent, et tentent de favoriser la biodiversité urbaine.

Nous connaissons tous des animaux des villes qui ont trouvé, plus qu’une place aux côtés des citadins, une véritable niche pour croître et se multiplier. Rats, pigeons, tourterelles turques ou encore souris ont su s’adapter à nos modes de vie, et depuis des décennies composent la biodiversité urbaine « classique ».

Avec le confinement du printemps 2020, on a vu toutes sortes d’animaux débouler dans nos rues. On sait aussi que nos activités endommagent toujours plus leur milieu naturel. Ce qui pousse la faune à chercher asile et nourriture près des maisons.

Les animaux sauvages deviennent de plus en plus nombreux en ville. Leur environnement naturel étant de plus en plus détruit par nos activités, ces animaux trouvent en ville de quoi subsister. De fait, ils s’adaptent très vite aussi parfois. Il y a des villes dans lesquelles la population de ratons laveurs augmente considérablement.

Et évidemment, on peut également citer les rats, les moustiques, les renards, les corneilles, les goélands, les sangliers, même. On connaît bien toutes ces espèces, et on essaie de gérer leurs populations.

En parallèle de la dégradation de la biodiversité, de la disparition d’espèces, il y en a quand même d’autres qui se portent très bien. Ils trouvent, dans la ville, un nouvel écosystème. C’est tout l’univers du jeu Les Animaux de Baker Street. Incarner des animaux, lovés au cœur de nos villes. Du Londres de Conan Doyle.


Interview

Nous avons voulu en savoir plus sur la genèse et le développement du jeu Les Animaux de Baker Streetz. Nous avons alors interviewé le duo d’auteur et autrice Dave Neale et Clémentine Beauvais, ainsi que l’illustrateur du jeu, Biboun.

Bonjour Clémentine, Dave et Biboun. Vous venez tout juste de sortir Les Animaux de Baker Street chez Iello, un jeu de société d’enquête dans l’univers de Conan Doyle qui vous fait incarner des… animaux.

Clémentine, Dave, qu’est-ce qui vous a inspiré de proposer de jouer des animaux opérant pour, avec, aux côtés de Sherlock (et Toby, son chien) ?

Clémentine : Dave avait pensé à Toby, le chien de Sherlock, comme personnage idéal pour un jeu d’enquête pour enfants. Je crois que c’est moi qui ai suggéré d’ajouter des animaux, pour distribuer les rôles. Et finalement Toby s’est retrouvé à jouer un rôle un peu plus diffus !

Les quatre animaux que nous avons choisis sont à la fois typiques de la campagne anglaise et assez différents pour avoir des personnalités très marquées, que nous avons travaillées ensemble…

Dave : Nous avons commencé à discuter d’idées pour un jeu d’enquête pour enfants et comme le dit Clémentine, je pense qu’elle a suggéré d’utiliser des animaux et j’ai pensé à Toby comme une bonne idée pour un personnage central. Et juste une petite correction à ce que disait Clémentine – « typique de la campagne anglaise » ne s’applique pas à l’un d’entre eux bien sûr (rires).

Nous avions opté pour un oiseau, une grenouille et une souris, et nous aimions l’idée que chaque animal soit issu d’une classe différente. Je me souviens que je n’avais pas l’impression qu’un insecte fonctionnerait car il était trop différent des autres, mais une tarentule… Entre Calebasse !

Et comment avez-vous pensé à la mécanique principale de validation des actions avec les loupes, lors de l’utilisation d’objets et d’informations ?

Clémentine : Alors ça, c’est tout Dave ! Je le laisse répondre.

Dave : Je pense que j’ai décidé très tôt que si c’était pour les enfants, il devrait y avoir un moyen simple et visuel de vérifier les effets de l’utilisation d’une carte. J’ai essayé plusieurs approches différentes et j’ai fini par tomber sur l’idée des loupes. Bien que j’aie eu l’idée initiale, Clémentine a aidé à développer le mécanisme au-delà de son format initial (bien qu’elle ne s’en souvienne peut-être pas comme c’était il y a quelque temps maintenant !).

Clémentine, Dave, comment s’est passée votre collaboration sur le jeu ?

Clémentine : Avec beaucoup de pizzas, de café (OK, et de bouteilles de vin) et de week-ends ensemble à bosser sur le jeu. Douze week-ends en tout, je crois, sans compter les séances de boulot en ligne. Dave arrivait chez moi le vendredi soir, et dès le samedi matin on s’y collait, à inventer des intrigues, à écrire, à simuler des parties. Parfois le soir on sortait quand même au pub ou voir des amis ! C’était une période très, très intense (on bossait tous les deux à plein temps pendant la semaine, donc ça revenait à avoir zéro week-ends de repos pendant parfois un ou deux mois de suite !) mais c’était très chouette.

On s’est tout de suite hyper bien entendus professionnellement (on ne se connaissait qu’en tant qu’amis, et encore, vaguement !), et on était sur la même longueur d’ondes, à peu près tout le temps. Une collaboration idéale je dirais.

Dave : Clémentine en a bien parlé. J’ajouterais seulement qu’à l’origine, nous n’étions pas sûrs de la meilleure façon de l’aborder et nous pensions que nous pourrions finir par diviser les tâches et faire beaucoup de travail séparément. Mais quand je suis arrivé chez elle, nous sommes rapidement tombés dans un flux de tout faire ensemble, et chacun contribuant à tous les différents aspects (une fois que Clémentine a compris l’idée d’un jeu de société narratif, car le concept était nouveau pour elle ! ).

Les enquêtes sont extrêmement bien ficelées, subtiles et intelligentes. Combien de temps vous a-t-il fallu pour les développer ?

Clémentine : Merci ! Je crois qu’il nous a fallu grosso modo un ou deux week-ends par enquête, sans compter le temps d’écriture, qui venait un peu en même temps (j’écrivais parfois le premier jet tout en imaginant l’intrigue !) et aussi beaucoup après. Ensuite, Dave testait les différentes enquêtes. Donc il y avait souvent de la réécriture.

Dave : Merci ! Clémentine a donné le calendrier de base. Nous voulions rendre les histoires intéressantes et surprenantes, donc il y avait parfois beaucoup de discussions en se promenant dans York ou en buvant du vin (ou les deux) avant de se fixer sur une histoire qui nous plaisait. Et nous critiquions les idées les uns des autres assez librement et honnêtement, ce qui contribuait à renforcer les mystères.

Biboun, les illustrations jouent un rôle prépondérant pour l’immersion. Et notamment celles représentant les différents personnages, les différents animaux rencontrés lors de chaque enquête. Comment s’est déroulée votre collaboration avec toute l’équipe du jeu, auteur, autrice et éditeur ?

Nous avons eu un process assez classique, je suis passé par le chargé de prod de chez Iello, qui faisait l’intermédiaire entre Clémentine et Dave d’un côté et moi de l’autre.

On avait établi une Direction Artistique au préalable. Puis après nous nous sommes avec Iello, lancé dans un énorme listing car nous avions beaucoup d’images à traiter. Puis après je produisais les croquis, les faisais valider par Clémentine et Dave afin que ça colle parfaitement à ce qu’ils avaient en tête et ce qu’ils avaient couché sur le papier. Une fois tout ça validé on passait à la dernière étape qui est le clean avec parfois une ou deux dernières retake.

Biboun, pour Les Animaux de Baker Street, vous étiez plutôt tablette ou crayon ?

Tablette.

Clémentine, de toutes les enquêtes dans Les Animaux de Baker Street, laquelle est votre préférée ?

Celle avec l’histoire d’amour, car je suis un petit cœur tendre…

Et vous, Dave ?

Celui sur le rat tueur fantomatique, je suppose parce que j’ai un cœur sombre (rires).

Clémentine, Dave, dans un futur plus ou moins proche, ou plus ou moins lointain, envisagez-vous de proposer de nouvelles enquêtes pour le jeu ?

Clémentine : On n’en a pas encore reparlé. C’est évidemment possible, mais ça demanderait une nouvelle mise en place logistique d’enfer, car entre temps j’ai eu un enfant et j’en attends un autre, et Dave se balade sur tout le globe en tant que jeune auto-entrepreneur plein de fougue. Un jour peut-être, avec une retraite d’écriture à 200% pour les sortir… Ce serait très chouette.

Dave : Oui, comme le dit Clémentine, il faudrait travailler la logistique ! Mais ce serait super de revisiter les personnages et le monde, et comme vous l’avez peut-être remarqué, il restait quelques questions en suspens à la fin du cas 6.

Merci Biboun, Clémentine et Dave pour vos réponses !

Les Animaux de Baker Street, verdict

Si vous ne deviez acheter qu’un seul jeu narratif cette année, ça devrait être celui-ci ! Nous avons surkiffé. Tout rutile et palpite. Les illustrations, les mécaniques de jeu, l’écriture des scénarios.

Et rajoutez à cela l’humour, omniprésent. Sans jamais tomber dans le loufoque ou le lol à deux balles, cet humour, raffiné, cocasse, savoureux, génère à la table une ambiance captivante, surprenante et alléchante. Tout file, tout fonce, tout fonctionne.

Une expérience sensible et essentielle. Les Animaux de Baker Street nous offrent un puissant et profond moment de plaisir ludique, littéraire, intense, et intelligent. L’un des meilleurs titres de 2022 ! Pas moins.

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Grandiose !

👉 Vous pouvez télécharger les règles du jeu ici.


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  • Création : Dave Neale, Clémentine Beauvais
  • Illustrations : Biboun
  • Édition : Iello
  • Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 4 (tourne bien à toutes les configurations. Peut même être joué à beaucoup plus)
  • Âge conseillé : Dès 10 ans (bonne estimation. Les affaires ne sont ni sombres ni anxiogènes)
  • Durée : 45 minutes par enquête
  • Thème : Sherlock Holmes
  • Mécaniques principales : Coopératif, narratif. Pour en savoir plus sur les différentes mécaniques de jeux, c’est ici.

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Article écrit par Gus. Rédacteur-en-chef de Gus&Co. Enseigne à l’École supérieure de bande dessinée et d’illustration, travaille dans le monde du jeu depuis 1989 comme auteur et journaliste.

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