L’Ancien Testament: Israël contre les incirconcis; aux origines de la guerre sainte – Kapitalis

Le jihad est il une création de l’islam et un témoin de sa propension irrépressible à la violence? On ne peut répondre à cette question sans comparer les textes sacrés judéo chrétiens, à ceux musulmans.

Par Dr Mounir Hanablia *

Mohamed avait respecté les vies et les biens quand, à la tête de son armée, il était entré dans la Mecque, la cité idolâtre qui l’avait combattu pendant dix ans souvent avec succès. Josué avait, en pénétrant dans Jéricho après un tremblement de terre, exterminé toute la population et seule une prostituée avait été épargnée, et cet acte n’était pas demeuré isolé lors de la conquête de la terre promise.

Pourtant il est indéniable que le sang ait occupé une place centrale dans la doctrine monothéiste dans son ensemble, en tant qu’attribut sacré. La Bible évoque dès le départ un Dieu,Yahvé, anthropomorphe digne des récits grecs ou hindous. Il a créé le monde en six jours, ainsi que le confirme le Coran, qui a omis de dire qu’il s’était reposé le septième. En créant la lumière, il en a apprécié les effets. C’est déjà admettre qu’à l’instar de l’homme, il se fatigue, et qu’il n’évalue pas à l’avance les effets de sa création. Mais dès la création de l’être humain, à son image, ainsi qu’il est précisé, il décide que ce dernier a la primauté dans l’univers, qu’il est son représentant, ou mieux encore, son substitut, avant même qu’il n’ait été expulsé de l’Eden.

L’apanage du sang

Dans le même temps, Dieu décrète l’apanage du sang à son profit et c’est une décision importante car elle interdit à l’être humain de le faire couler en dehors des conditions qui lui auront été spécifiées. Autrement dit, elle institutionnalise et codifie le Sacrifice. Ce faisant, la vie tant humaine qu’animale, devient d’emblée sacrée. Mais le jardin de l’Eden est mis à la disposition de l’Homme, Adam, et parce qu’il s’y ennuie, la femme est créée à partir de l’une de ses côtes. Pourquoi côte ? Peut-être justement parce qu’il s’agit d’un os, qu’il ne contient pas de sang, et que l’homme disposant de 24 côtes, il pourrait tout aussi bien avoir à sa disposition autant de  femmes, et c’est peut être là une justification de la polygamie que la bible ne condamne jamais.

Mais voilà, la femme d’Adam est «séduite» (?) par le serpent, elle convainc son mari d’enfreindre l’interdit, et tous deux goûtent le fruit de l’arbre interdit, celui de la Connaissance, et tous deux ont aussitôt conscience de leur nudité, et acquièrent ainsi le sens moral, qu’ils ne possédaient pas en désobéissant. Et ils sont chassés du paradis, non pas parce qu’ils ont désobéi, mais parce que Dieu ne veut pas qu’ils goûtent à l’arbre de Vie, qui en leur faisant acquérir l’immortalité, ferait d’eux ses égaux.

Cependant, le sens moral va être mis à rude épreuve. Cain tue son frère Abel sans autre raison que la jalousie, et les fils de Dieu (on apprend ainsi qu’il en possède) s’unissent aux filles des humains et les géants qui en naissent emplissent le monde de corruption et de mal. Dieu décrète alors le déluge et anéantit la création, ne sauvant parmi les humains et les animaux que ceux qui s’étaient réfugiés sur l’Arche de Noé, ce bateau de bois insubmersible qui, après 14 mois de pérégrinations, accoste sur le mont Ararat.

La séparation des groupes humains

Mais voilà on apprend que les humains en ces temps-là vivaient plusieurs siècles et que Noé avait plus de neuf cents ans. Mais la surprise ne s’arrête pas là. Noé, tout homme de Dieu qu’il soit, s’enivre un jour, expose ses parties intimes et s’endort. Deux de ses fils le couvrent de leurs manteaux mais à son réveil, apprenant ce qui s’est passé, il déverse on ne sait pour quelle raison son courroux sur Canaan, un enfant de son fils Cham qu’il maudit et condamne à être l’esclave des esclaves de ses frères. Or Cham est noir, ainsi que tous les spécialistes de la Bible (en hébreu) le savent, et souvent le dissimulent.

Le sort des Cananéens est alors d’emblée scellé, ils deviendront les esclaves des enfants d’Israël auxquels ils seront condamnés à ne jamais se mêler. Ainsi est née la séparation institutionnalisée dans la Bible entre les groupes humains. Mais voilà qu’Abram, cet habitant monothéiste d’Ur, en Irak, émigre un jour sur une injonction divine transmise par un songe, en terre de Canaan. Il épouse Saraï, une très belle femme, mais n’en a pas d’enfants. A la suite d’une famine il émigre en Egypte mais recommande à sa femme de prétendre qu’il n’est que son frère. Celle-ci est alors enlevée par un seigneur égyptien ignorant qu’elle était mariée, mais Dieu intervient et le tourmente en rêve, et il est obligé de la restituer à son époux.

Ce récit ne reflète que le peu d’estime en lequel le narrateur dans la Bible (le scribe) tient les prophètes d’une manière générale. Abram, qui deviendra Abraham (le père de la matrice), se révèle selon cette version un menteur, un dissimulateur, qui n’a aucun sens de l’honneur, au point d’être prêt à sacrifier sa propre épouse. Malgré cela, Dieu lui apparaît en personne à l’âge de 99 ans, alors que son fils Ismaël avait 13 ans, et conclut avec lui l’alliance, celle de faire croître sa postérité et de lui accorder le pays tantôt situé entre l’Euphrate et le Nil, tantôt sur les terres des peuples de Canaan. Et la circoncision vient sceller cette alliance.

Pourquoi cet honneur? Parce qu’Abraham a obéi à l’ordre de sacrifier son aîné Ismaël. Mais au moment de l’exécution, un bélier lui a été substitué. Cependant l’écrivain de la Bible, avec qui il faut aussi compter, sans doute un prêtre lévite, intervenant dans le récit, attribue cet honneur au second fils d’Abraham, Isaac, alors que, ainsi qu’il en est souvent fait mention, seuls les aînés sont consacrés de droit à Dieu dans la littérature biblique.

Ceci fournit évidemment des renseignements précieux sur la personnalité du narrateur de la Bible, sur ses intentions ainsi que les motifs purement idéologiques sous-tendant son récit, celui d’attribuer l’exclusivité de la légitimité de l’alliance à Isaac et à ses enfants, qui deviendront les enfants d’Israël. Mais l’entreprise de démolition des prophètes directement ou à travers leurs familles ne s’arrête pas là. Loth, qui avait fui les homosexuels des villes de Sodome et Gomorrhe, détruites par une tempête de feu et de soufre, est accusé d’avoir eu des rapports incestueux avec ses filles, certes à son corps défendant. Isaac s’est rendu chez les Philistins mais une nouvelle fois, la dissimulation de la qualité de mari qui semble être devenue une tradition dans la famille lui a valu l’enlèvement de sa femme Rebecca par le roi, et une fois encore, c’est l’intervention divine qui lui a permis de retrouver son épouse. Cela ne l’a pas empêché de réussir dans les affaires.

Le rôle du sacrifice

Jacob (Israël) est accusé d’avoir subtilisé (acheté) le droit d’aînesse à son frère Esaü, puis d’avoir obtenu la bénédiction de son père au prix d’une véritable escroquerie. Il est également accusé de s’être indûment enrichi aux dépens de son beau-père grâce à une sélection (génétique) des bêtes de son troupeau, mais lui-même avait été victime d’une escroquerie, lors de la nuit des noces, on lui avait substitué son épouse Rachel par sa sœur Léa. Ses fils (Juda) massacrent les habitants de la ville de Sichem qui pourtant avaient accepté de se faire circoncire, parce que l’une des sœurs, Dina, avait été enlevée par l’un des habitants de la ville qui avait déclaré vouloir l’épouser. Puis Joseph est abandonné par ses frères dans un puits et il est vendu comme esclave à l’un des officiers du Pharaon.

Dans tout le récit c’est uniquement Joseph qui paraît avoir eu la rectitude et la probité morales qui siéent aux prophètes, du moins aux yeux du scribe et compte tenu de ses intentions. Mais c’est avec le prophète Moïse (auquel Dieu s’est révélé sous le nom d’Eternel), sa confrontation avec Pharaon, et l’exode dans le désert, que l’armature politique, administrative, juridique, et militaire de l’Etat Hébreu se construit, et son pivot est bien évidemment l’Arche de l’Alliance à l’intérieur du Tabernacle, où officient en grande pompe les Lévites, autrement dit les sacrificateurs, qui jouent aussi le rôle d’une autorité de santé publique et d’hygiène.

Entre holocaustes, offrandes, libations, actions de grâce, actions propitiatoires, consécrations, purifications, expiation, culpabilité, le sacrifice joue un rôle économique important et occasionne un transfert des richesses incessant dont la caste sacerdotale bénéficie en officiant aux cérémonies.

En réalité les Lévites constituent l’armature politico-administrative de la théocratie créée par Moïse, et même parfois, sa police politique; quand il s’agit de liquider les adorateurs du Veau d’Or, ce sont eux qui se chargent de la besogne.

Le plus inattendu est quand même, en plein désert du Sinaï, le luxe étalé dans le tabernacle et le cérémonial véritablement royal méticuleusement préparé avec force détails qui y prévaut. On a du mal à penser que Dieu qui avait interdit toute représentation, sculpture, image, humaine ou animale, ait exigé de Moïse une œuvre d’orfèvre telle que deux chérubins (anges) en or se faisant face et deux trompettes en argent.

L’inégalité des sexes

Le second sujet d’étonnement en dehors des richesses en possession des Hébreux dans le désert après la sortie d’Egypte est la taille du cheptel qui permet quotidiennement des holocaustes de grande ampleur. Comment faisaient-ils pour le nourrir en plein désert ? Et comment 600.000 personnes se nourrissaient-elles en dehors des miracles de la manne et des fontaines jaillissant des rochers? Et cela s’accompagne d’un code civil et pénal consacrant l’inégalité entre les homme et les femmes, structuré et centré autour des contraintes de la purification et de la sanctification, où la peine de mort frappe les meurtriers, ceux qui ne sacrifient pas chez les prêtres, qui ne célèbrent pas le Shabbath, ainsi que les homosexuels, les zoophiles, les auteurs d’adultères, et d’incestes.

Le régime libéral accordé aux esclaves qui avaient la possibilité d’être libérés après sept années de service et qui ne devaient pas être maltraités, doit cependant être noté; les Hébreux se souvenaient qu’ils avaient été esclaves chez les Égyptiens, chose que les sionistes semblent aujourd’hui avoir oubliée. Mais tout ceci suscite des résistances de plus en plus vives parmi le peuple, excédé par les pérégrinations sans fin dans le désert (40 ans) et qui ne semble pas prêt de vouloir combattre les peuples de la Terre Promise.

Les Hébreux sont vindicatifs face à l’autorité de Moïse et son frère Aaron, promu au rang de Grand Sacrificateur, et les massacres de rebelles ne sont pas rares, avec évidemment la sanctification divine. Aussi quand ils arrivent au Moab, en bordure de la terre de Canaan, ils n’hésitent pas à entretenir des relations illicites avec les femmes et les filles idolâtres, et à sacrifier aux idoles, des crimes punis de mort dans la législation de Moïse, imposant une épuration de grande ampleur parmi les contrevenants aux lois empêchant le peuple saint de se mêler aux idolâtres. Mais très vite ils se heurtent militairement aux peuples de l’Est du Jourdain qui refusent de leur céder le passage vers la Terre Promise, et ces derniers sont  alors «voués par interdit» au Dieu éternel d’Israël, c’est-à-dire qu’ils sont massacrés, seules les filles vierges qui n’ont pas connu d’hommes sont épargnées, et pour cause, elles seront les épouses des guerriers «saints». Leurs terres, leur bétail, leurs biens sont saisis, et une part en est accordée aux Lévites, les prêtres, qui eux ne combattent pas et sont voués aux charges sacrificielles ainsi qu’à l’entretien du tabernacle sacré.

Le modèle de l’extermination

Ainsi qu’il est dit, si les peuples conquis ne sont pas chassés, ils demeureront comme une épine dans les yeux et un fouet dans les côtes des enfants d’Israël. C’est ce modèle, celui de l’extermination et de la ségrégation, qui prévaudra lors de la conquête du Canaan, et la ville de Jéricho en constitue le célèbre exemple. Il sera plus tard une source d’inspiration aux puissances coloniales chrétiennes et aux sionistes.

On aura beau dire des conquêtes arabo-musulmanes, elles n’ont jamais donné lieu à des massacres de civils, à des déplacements de populations modifiant le caractère ethnique des pays, et à la ségrégation, entre conquérants et conquis.

Quant aux enlèvements de femmes par droit de conquête ou plus largement des lois divines, les Arabo-musulmans avaient évidemment de qui tenir, et il suffit d’avoir la patience de lire la Bible pour le réaliser. Mais la rupture véritable par rapport au Coran, outre les insinuations et les accusations malveillantes contre les prophètes, c’est l’absence totale de toute préoccupation relative à une vie après la mort, au paradis ou à l’enfer. S’il se préoccupe de l’au-delà, le scribe narrateur de la Bible ne le dit pas.

Mais qui est le scribe de la Bible ? Sans doute pas un Egyptien, dont la religion fait la part belle à l’au-delà, mais une personne très au fait des lois des pays de la région, dont celui disposant d’une tradition juridique depuis celles de Hammourabi est sans aucun doute Babylone.

Quant à l’hostilité manifeste  aux prophètes, elle ne refléterait que celle de l’establishment politico-administratif contre tout tribun populaire d’opposition. Et cet establishment depuis la mort de Josué, le conquérant de Canaan, s’est étoffé, au point d’englober désormais des juges dont certains deviennent prophètes au gré des circonstances. Et il faut dire que depuis la conquête de Canaan, l’Etat unitaire nomade de Moïse regroupé autour du tabernacle s’est mué en une confédération lâche de tribus se répartissant le territoire et englobant les différents peuples autochtones qui n’ont pas été exterminés par les envahisseurs, et ils sont nombreux. Et beaucoup d’Hébreux se sont fondus dans les populations locales idolâtres et en ont adopté les cultes et les coutumes, transgressant ainsi les règles strictes de séparation instaurées depuis le temps de Moïse.

Un état de guerre larvé s’est ainsi instauré avec les Philistins, les Ammonites, les Moabites, les Amalécites, les Madianites, de plus en plus menaçants, et la voix du divin s’est de nouveau faite entendre par l’intermédiaire des Juges pour mobiliser les Hébreux contre les ennemis. Ainsi en a-t-il été de la juge Deborah, pourtant une femme à laquelle la religion n’accorde pas les mêmes droits que les hommes, et Abimalek qui s’était proclamé Roi à Sichem, déclenchant une véritable guerre civile qui lui fut fatale.

Mais le récit biblique a toujours tendance à mettre en exergue le rôle néfaste des femmes, à l’instar de Dalila qui trahit le juge Samson, ou la concubine du Lévite qui fut décapitée par son mari après avoir été violée par des membres de la tribu de Benjamin. Accusée d’être responsable de l’assassinat, cette tribu hébreue est d’abord exterminée, et ses survivants ne peuvent la reconstituer qu’en enlevant des jeunes filles d’une autre ville, Silo.

Un nouvel acteur, le peuple

Ainsi l’époque des Juges met en lumière la nécessité pour les Hébreux de disposer d’une autorité centralisatrice susceptible de les unir politiquement et religieusement face à leurs adversaires internes et externes; autrement dit un Roi. Et c’est le juge Samuel, pourtant un prophète, qui est obligé de tenir compte de la décision d’un nouvel acteur, le peuple, d’avoir à sa tête un roi, contre la volonté de Dieu. Quant au choix de ce roi, c’est toujours au juge prophète qu’il est attribué, et Samuel nomme Saül, qu’il soumet à l’onction (par de l’huile), et cette cérémonie de l’onction sera pratiquée par les rois chrétiens. Ainsi la volonté du peuple est respectée mais seulement dans une certaine mesure.

Cependant la volonté populaire n’est quand même pas ignorée; c’est elle qui décide de ne pas punir Jonathan qui avait pourtant enfreint la Loi en mangeant, le jour où l’ensemble de l’armée avait fait vœu de jeûner.

L’Etat Hébreu marque déjà de son empreinte les futures institutions politiques occidentales, dont la légitimité populaire constitue une part essentielle; il marque même les choix de leurs symboles; la fleur de Lys des rois de France en sera empruntée.

Cependant c’est avec le roi David et la conquête de Jérusalem que l’Etat Hébreu s’accomplit pleinement, et quoique David soit l’aimé de Dieu, sa décision d’effectuer le dénombrement de la population est attribuée à Satan, qui jusque-là ne s’était pas manifesté, sans doute parce qu’elle déplait aux sacrificateurs, qui se sentent désormais menacés de devoir rendre des comptes sur leurs activités. Et Salomon construit le Temple, la maison de Dieu, en réduisant 150.000 «étrangers», probablement aux travaux forcés, dans les carrières de pierres et le transport. L’intérieur du temple est revêtu de bois de cèdre du Liban, et d’or.

Ainsi avec cet étalage de luxe et la présence de sculptures représentant des créatures ailées (les chérubins), le Temple apparaît il plus proche d’un lieu de culte Grec, Romain, Mésopotamien, ou Perse, que du dépouillement monothéiste d’un Dieu sans représentation humaine ni animale, qui ordonne à son peuple de prêter et de ne jamais emprunter. Mais on n’en est pas à un paradoxe près…

Fonction prophétique et volonté royale

Le Roi David, lui même prophète, est accusé d’enlever la femme d’Uri, et d’envoyer son mari au combat dans une mission de sacrifice où celui-ci se fait tuer, et sa fille Tamar est victime d’un viol commis par son propre frère Amnon. Salomon épouse des princesses idolâtres, dont une Egyptienne, auxquelles dans un esprit de tolérance il accorde le droit de pratiquer leurs propres cultes, en dépit de l’interdiction formelle de la religion de Moïse. Après la mort de Salomon le Royaume Hébreu se scinde en deux Etats: Juda au sud, constitué d’une seule tribu et qui donnera son nom aux juifs, de religion mosaïque, et Israël au nord dont les habitants sont les israélites et dont les rois adoptent les religions idolâtres des peuples voisins et vénèrent les veaux d’or, les dieux Baal et Astarté. Cela s’accompagne d’atrocités dans les familles royales, telles celles commises par Jéhu nommé roi et couronné par la volonté du prophète Elisée, de guerres incessantes entre les deux royaumes, de guerres contre les voisins, ou bien encore contre les puissances régionales, Egypte, Assyrie, Babylone, peuples de Syrie, et même Ethiopiens.

Naturellement, dans de telles conditions la fonction prophétique, souvent en opposition avec la volonté royale, prend une importance cruciale, et certaines femmes, telles Hulda, y acquièrent reconnaissance et autorité. Certaines prophéties attirent l’attention, telle celle de Michée, annonçant qu’un esprit du mensonge se charge d’induire en erreur 400 prophètes, afin de provoquer la mort du Roi Achab, qui encourt le courroux de Dieu. Le Roi Joas fait assassiner le prophète Zacharie qui dénonçait certains de ses manquements.

Néanmoins, les relations entre le Roi et les autorités du Temple, les sacrificateurs, deviennent parfois difficiles, et le Roi Osias est empêché de sacrifier des animaux lui-même dans le saint des saints parce que les grands prêtres s’y opposent.

Ainsi se dessinent les futurs conflits dans la chrétienté entre le divin et le séculier dans ce que l’on nommera la querelle des investitures qui opposera l’Eglise et l’Empereur, et conduira à la séparation des pouvoirs. Mais les prémisses du christianisme apparaissent déjà lorsque les règles strictes de la pureté ne sont pas imposées par le Roi Ezéchias lors d’un sacrifice public dans le Temple.

Finalement le dernier Roi de Juda Sédécias, est pris, aveuglé après avoir vu ses enfants égorgés, et il est déporté à Babylone avec 10.000 de ses compatriotes. Et après le retour d’exil, ordonné par le Roi de Perse Cyrus qui inspirera peut-être plus tard Lord Balfour, Esdras le scribe et Néhémie le gouverneur, des sionistes avant l’heure, créent un dominion sous le protectorat d’une grande puissance, la Perse, reconstruisent le Temple de Jérusalem et imposent des règles strictes de séparation sexuelle, entre les immigrés de retour de Babylone et les gens du pays; tout ceci s’effectue désormais sans l’habituelle consultation de la divinité par le biais des prophètes.

Un communautarisme juif agressif

L’épisode de la Reine Esther marque l’apparition d’un communautarisme juif agressif qui se manifeste depuis lors chaque année à la fête du Pourim. 

Quant à l’histoire de Job, elle donne lieu à des spéculations d’ordre philosophique sur le sens de la destinée humaine dignes de la pensée grecque d’Alexandrie. Mais c’est à partir des Psaumes qu’on commence à percevoir une éthique qui jusque-là était à l’arrière-plan de l’enseignement de Moïse, la croyance en un jour du jugement dont on n’avait pas entendu parler, et une ferveur dans l’adoration du divin, qui dépasse le cérémonial sacrificiel. On y évoque les notions morales jusque là inconnues de droiture, de probité, de correction, de piété, mais son objet est centré autour du retour à Jérusalem, et bien qu’une grande partie en soit attribuée au Roi David il est probable que sa rédaction, au moins en partie, soit postérieure au premier exil; une imprécation contre Babylone afin que ses enfants aient les crânes fracassés, rappelle qu’en dépit des envolées lyriques, les comptes n’ont pas encore été remis à zéro.

Dans les proverbes, ce sont des conseils qui sont énoncés dans les relations avec le prochain qui font partie de la sagesse et de la bienséance, avec une hostilité marquée pour les femmes «étrangères»; l’heure est plus que jamais à la ségrégation, en particulier sexuelle.

Enfin, l’Ecclésiaste représente le point de vue sur la vie d’un adepte du stoïcisme, et cela laisse en deviner une origine ou une influence grecque. Le livre d’Esaïe rempli d’imprécations contre Babylone, l’Assyrie, Moab, Ammon, Edom, et même tous les peuples chez qui les juifs sont dispersés (une justification à l’antisémitisme), annonce le prochain divorce entre le sacrifice rituel et la vertu inspirée par la foi, et le jour du Jugement transparaît, même s’il ne s’agit encore que de la prise et de la destruction de Jérusalem, ou bien la revanche d’Israël sur les nations écrasées dans la vallée de Josaphat.

La rédemption et le retour à Sion

Quant au livre de Jérémie, il préfigure véritablement les thèses du Coran; il étale tous les péchés des juifs, leurs manquements à la Loi, des sacrifices de leurs enfants sur les autels des idoles empruntées aux peuples voisins, jusqu’aux meurtres des prophètes (Zacharie, Uri) en passant par les faux prophètes, et les destructions des livres sacrés. Mais tout cela tourne autour de la rédemption et de la promesse du retour à Sion après 70 années d’exil à Babylone. L’ombre du Messie se profile, «un homme à la parole douce qui n’élève pas la voix» selon le texte, un rameau de Juda, celui qui, il faut le deviner, ramènera le peuple élu à Jérusalem, et ce n’est là nullement le messie chrétien ni l’envoyé de Dieu musulman. Jérémie pour dire la vérité est accusé de collaboration avec les envahisseurs babyloniens; c’est encore là une occasion de porter un mauvais coup à la fonction prophétique.

Le livre d’Ezéchiel commence par la vision d’une créature effrayante d’airain et de feu, instrument de la punition divine qui est la mort; elle se poursuit par un anathème contre les faux prophètes, les «nations» qui adorent les idoles, les incirconcis de chair mais aussi de cœur, des imprécations contre Jérusalem et Samarie, qualifiées de prostituées pour s’adonner au culte des idoles.

Samarie? En effet, jusqu’à ce jour, les Samaritains ne reconnaissent pas l’autorité de Jérusalem, leur lieu de culte se situe à Sichem, et non pas à Jérusalem, et les juifs ne les aiment pas.

Ezéchiel  le prophète fait par ailleurs l’apologie de la rectitude, de la droiture, et de l’éthique, et conclut par une autre vision, celle du Temple de Jérusalem reconstruit dans lequel officient les Lévites, mais sans les Prophètes, dont visiblement les services ne sont plus requis.

Ainsi, le culte des Hébreux, d’abord éthique rédigé sur les tables de la Loi détruites ou perdues de Moïse, s’est il mué en cérémonies de sacrifices dans le tabernacle transporté par les Lévites de place en place, jusqu’à son installation définitive dans le Temple de Jérusalem qui devient ainsi la résidence de l’Eternel, ainsi qu’il se prénomme. Et quand le Temple est détruit et pillé, c’est Jérusalem qui devient elle-même l’objet de l’adoration des exilés affermie par l’espoir du retour.

Les textes attribués aux prophètes varient-ils  entre malédictions et punitions contre ceux qui violent l’alliance, et promesses de leur pardon par un Yahvé doté de sentiments propres à l’être humain, surprenants pour une divinité, tel celui du repentir.

La main du scribe de la Bible, assénant un coup fatal à la légitimité des prophètes, n’est pas étrangère à leur occultation finale. Durant l’exil, la prophétie évolue : elle est désormais porteuse de visions oniriques de créatures terrifiantes; elle évoque un jour du jugement des nations, une fin des temps; elle insiste sur la piété et la rectitude; et elle convainc une autorité étrangère à priori hostile dont elle obtient la collaboration.

Après le retour d’exil et la reconstruction du Temple on a désormais besoin d’administrateurs, de juges et de prêtres, et les prophètes ont moins d’utilité dans l’établissement de la vérité, et la contestation de l’ordre établi, d’autant que la collaboration de l’autorité politique est acquise.

L’accusation de l’altération des textes sacrés, proférée par les musulmans contre les scribes juifs a ainsi sans aucun doute ce qui la justifie. Qui a écrit la Bible? On ne peut pas prétendre que l’Ancien Testament se soit préoccupé avant tout d’éthique et de considérations morales. Les récits du déluge, du jardin d’Eden, et de la tour de Babel sont empruntés à la littérature mésopotamienne. Ceux de l’exil en Egypte et en Mésopotamie sont dénués de preuves matérielles pour les confirmer. Le faste décrit dans le Temple est celui d’un grand empire, et les cérémonies des sacrifices peuvent être gréco-romaines ou mésopotamiennes.

Des enjeux idéologiques et politiques

Les dates admises par les spécialistes pour sa rédaction vont du VIIIe au IIIe siècle avant l’ère universelle, mais évidemment, les enjeux idéologiques et politiques entourant le sujet imposent la prudence. Les nombreux faux manuscrits de la mer Morte sont là pour le rappeler.

Les exégètes de la Bible ne sont ni chinois ou hindous, ni musulmans, mais judéo-chrétiens, et c’est tout dire. Il semble s’agir d’un texte remanié au fur et à mesure des évènements.

Pourquoi les scribes, sans doute issus des prêtres sacrificateurs de Yahvé, ont-ils fait œuvre de «mémoire» depuis l’antiquité en compilant et en remaniant un texte selon les besoins du moment avec une vision très particulière où eux seuls se permettent de porter des accusations et des jugements sur les prophètes et les rois, tout en rendant intelligibles les intentions divines?

Les prétentions politiques du clergé d’un temple au nom de son autorité religieuse et de la nature particulière de sa foi (monothéiste et indifférente à l’au-delà) sont des motifs plausibles, mais insuffisants; les juifs de la diaspora (Alexandrie, Antioche, Rome) étaient en effet bien plus nombreux que ceux demeurés sur le territoire de Canaan, qui n’ont jamais constitué la majorité de la population; ils n’y furent jamais qu’une communauté parmi d’autres.

En réalité, on a l’impression par la rédaction d’un livre qu’il s’agit d’obtenir la reconnaissance de régimes juridiques particuliers auprès de la puissance occupante du moment, et durant l’antiquité, les gréco-romains étaient bien ceux qui étaient les plus soucieux de lecture, de connaissance, de culture, et les plus ouverts à la discussion. Il y a bien eu la Bible d’Alexandrie traduite en grecque, et les Romains ont fini par reconnaître aux juifs des privilèges, comme être dispensés du culte de César, faire le Shabbat, respecter leurs règles culinaires, pratiquer leur culte, partout où ils se trouvent.

Sans l’occupation grecque puis romaine de la Palestine, on peut légitimement se demander s’il y eût eu une Bible, et conséquemment, un Coran. Néanmoins l’un des effets, inattendu pour les rédacteurs de la Bible, a été la perpétuation de la contestation de l’autorité du Temple de Jérusalem, d’essence prophétique, appelée messianisme, qui a finalement, contre le texte sacré, abouti au christianisme, ou au nom de la restauration du texte dans sa lecture originelle, à l’islam. 

* Médecin de libre pratique.

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