La paralysie du sommeil, un phénomène effrayant mais inoffensif

Je suis allongé dans mon lit, incapable de bouger. Les yeux fermés, j’ai du mal à respirer. Des bruits étranges parviennent à mes oreilles : des bourdonnements, un brouhaha de voix. Soudain, j’ai l’impression d’être enterré vivant. Mon cœur s’emballe. J’essaie désespérément de bouger, de crier. Rien. La peur m’envahit. C’est alors seulement qu’au prix d’un effort extrême, je parviens à soulever légèrement les paupières. Et après ce qui me semble être une éternité, je réussis très progressivement à bouger une main. Puis la tête. Puis le reste de mon corps ! Une fois revenu à la réalité, seule me reste cette question : que s’est-il passé ?

Ce que je viens de décrire était ma première expérience de paralysie du sommeil. « Normalement, cette absence de tonus musculaire, ou atonie, ne se produit que pendant le sommeil paradoxal, encore appelé « sommeil REM », car il est caractérisé par de rapides mouvements des yeux (rapid eye movements, en anglais) sous les paupières, ainsi que par les rêves. C’est la dernière phase d’un cycle de sommeil, qui intervient après les phases de sommeil lent aussi nommé “non-REM” », explique la neurologue et spécialiste du sommeil Anna Heidbreder, de la faculté de médecine d’Innsbruck, en Autriche.

En fait, l’activité électrique de nombreux neurones du cerveau lors du sommeil paradoxal ressemble beaucoup à celle de l’état de veille… De sorte que les actions que nous effectuons pendant le sommeil paradoxal – ou plutôt que nous effectuerions si nous n’étions pas paralysés – sont vives et complexes, presque comme si nous les exécutions pour de vrai… « L’atonie nous protège donc contre le fait de vivre nos rêves pour de vrai, en bougeant et en nous levant, ce qui comporterait le risque de nous blesser », explique Anna Heidbreder. Pour ce faire, le cortex moteur du cerveau, qui commande les muscles de tout l’organisme, est partiellement mis en sourdine. Les activités neuronales qui y sont produites ne sont pas transmises, ou seulement de façon incomplète, aux muscles du corps. « Or, dans la paralysie du sommeil, l’atonie persiste alors que la personne est déjà consciente, car elle est réveillée, poursuit la spécialiste du sommeil. C’est comme un réveil incomplet… »

Un réveil ou un endormissement… incomplet

Il arrive aussi que le phénomène se produise non pas au moment où l’individu se réveille mais, à l’inverse, lorsqu’il s’endort. Le sujet est alors pleinement conscient et la paralysie se produit d’un seul coup. Comment expliquer ce phénomène, à la frontière entre l’éveil et le sommeil ? D’un point de vue neurophysiologique, ce sont les réseaux inhibiteurs et activateurs du cerveau, régulant notre sommeil, qui ne fonctionnent pas correctement ensemble. On ignore encore ce qui se produit exactement dans le cerveau, mais la paralysie du sommeil semble être un trouble très répandu…

En effet, en 2011, les psychologues Brian Sharpless et Jacques Barber ont réalisé une métaanalyse de toute la littérature scientifique sur le sujet, soit les données de plus de 36 000 volontaires : 7,6 % d’entre eux avaient déjà fait l’expérience, au moins une fois, d’une paralysie du sommeil. Et parmi les sujets souffrant d’un trouble psychique, quel qu’il soit – par exemple, des attaques de panique –, cette proportion atteignait environ 30 %.

En 2022, le médecin Maurice Ohayon, de l’université Stanford, et son collègue suédois Amir Pakpour ont présenté les résultats d’une étude à long terme menée entre 2002 et 2015 auprès de plus de 10 000 Américains interrogés à plusieurs reprises au téléphone. Près d’un participant sur dix avait connu au moins une paralysie du sommeil au cours de l’année écoulée. Et en 2020, Ambra Stefani et Birgit Högl, de l’université d’Innsbruck, avaient estimé que jusqu’à 40 % de la population en souffrait au moins une fois dans sa vie.

Premier concerné : le travailleur de nuit

Mais pourquoi ? Selon les chercheurs autrichiens, plusieurs facteurs amplifient le phénomène : le manque de sommeil, des heures de coucher et de réveil irrégulières, ainsi que les décalages horaires. « Nous savons que la paralysie survient plutôt dans des situations de sommeil inhabituelles, explique Anna Heidbreder. Le grand classique est l’assoupissement après un service nocturne. » De sorte que le phénomène se produit plus souvent chez les personnes travaillant la nuit, ou à la suite d’une privation de sommeil, ou encore à cause d’un changement d’heure après un vol long-courrier.

Par ailleurs, plusieurs études ont également révélé que la paralysie du sommeil est plus fréquente lorsqu’on dort sur le dos que sur le côté. Et lors d’une grande étude de synthèse, en 2018, l’équipe de Dan Denis, à l’école de médecine Harvard, à Boston, a mis en évidence d’autres facteurs de risque comme le stress, certains « variants » génétiques, la consommation de drogues, certains troubles physiques ou encore psychiques. Et il semblerait que le phénomène soit en partie lié au syndrome de stress post-traumatique.

Combien de temps dure un épisode de paralysie du sommeil ? On a du mal à l’évaluer, ne disposant presque exclusivement que des informations fournies par les personnes en ayant vécu une. Et, dans cet état intermédiaire entre éveil et sommeil, il est fort probable que la perception subjective du temps soit trompeuse. Anna Heidbreder estime toutefois qu’une durée moyenne de quelques secondes est réaliste. Alors que certains sujets jugent parfois qu’elle s’étend sur des dizaines de minutes – nous y reviendrons…

Aucun danger

En tout cas, rassurez-vous : ces épisodes ne comportent aucun danger et se terminent presque toujours d’eux-mêmes. On parle de paralysie du sommeil isolée quand ils interviennent en l’absence d’autres troubles, comme des problèmes respiratoires lors du sommeil. Un phénomène difficile à étudier en laboratoire, du fait de son irrégularité et de son caractère imprévisible. Mais pas de quoi décourager Anna Heidbreder et le psychothérapeute Eric Hüttmann, spécialisé dans les troubles du sommeil, qui tentent de comprendre la paralysie du sommeil lorsqu’elle survient par hasard afin de bien la diagnostiquer et de proposer les thérapies adéquates.

Car tout le monde ne vit pas une paralysie du sommeil de la même façon… En effet, si le phénomène est régulier et vécu comme stressant, on commence souvent par diagnostiquer un trouble du sommeil. Les témoignages des personnes ainsi concernées révèlent que la paralysie du sommeil provoque parfois de sérieux problèmes psychiques. Par exemple, Manuela Grünewälder a vécu de nombreuses expériences effrayantes : « Tout a commencé quand j’avais environ 14 ans », se souvient-elle. Jusqu’à la fin de ses 20 ans, elle a connu « beaucoup de nuits de paralysie violentes », puis elles sont devenues un peu plus rares.

La peur au cœur de la nuit

Voici l’une de ces dernières. « Je me suis réveillée, et j’étais paralysée. J’ai vu une marionnette avec un haut-de-forme qui dansait dehors, devant ma fenêtre. Elle m’a dit que je l’avais appelée. Mais je ne l’avais pas fait ! Elle est entrée dans mon appartement par la fenêtre. À chaque pas, elle grandissait et se transformait en une silhouette masculine géante. Elle s’est penchée sur moi et m’a attrapée avec ses mains griffues. Je ne pouvais pas bouger et j’essayais en vain de crier. J’étais sans défense face à cette créature. Elle m’a touché les parties génitales… Au bout d’un moment, j’ai fini par me réveiller, mais je n’ai pas pu me rendormir avant longtemps. »

Depuis cet événement, Manuela Grünewälder a réussi à développer une technique qui lui permet – le plus souvent – de couper court à ses frayeurs avant même qu’elles ne commencent : « Dès que je sens que cela va se produire, je roule rapidement des yeux ! », dit-elle. Le succès n’est pas toujours au rendez-vous, mais souvent !

Souffle coupé et silhouettes sombres

Anna Heidbreder a déjà entendu de telles histoires d’horreur dans son quotidien, à l’hôpital : « De nombreux patients voient des figures et des êtres menaçants dans leur chambre. Certains racontent que quelqu’un s’est assis sur leur poitrine et qu’ils n’ont alors plus de souffle. » La neurologue explique ce dernier cas : pendant le sommeil paradoxal, l’atonie concerne aussi, en partie, la musculature respiratoire auxiliaire. De sorte que la respiration est faible… Quand on dort vraiment, on ne s’en rend pas compte, mais la personne qui fait une paralysie du sommeil en est consciente, sans pouvoir y remédier dans un premier temps : elle a donc souvent l’impression d’avoir du mal à respirer. Ce qui s’amplifie davantage avec le stress…

Les hallucinations fréquentes lors d’une paralysie du sommeil seraient simplement de rêves qui s’échappent du sommeil paradoxal pour atteindre la conscience éveillée…

Quant aux hallucinations fréquentes lors de la paralysie du sommeil, il s’agirait tout simplement de rêves qui s’échappent du sommeil paradoxal pour atteindre la conscience éveillée. Cependant, selon Anna Heidbreder, les perceptions des sujets ayant témoigné sont souvent « atypiques », différentes, de celles des rêves.

Voilà pourquoi le psychologue Gerhard Mayer, de l’Institut de psychologie et de psychohygiène à Fribourg, en Suisse, n’est pas tout à fait convaincu par l’explication habituelle des spécialistes du sommeil : « En général, on rêve d’individus que l’on connaît, qui font partie du quotidien », explique-t-il. En revanche, dans la paralysie du sommeil, ce sont plutôt des êtres étranges qui apparaissent…

Avec Max Fuhrmann, spécialiste de la culture et des religions, Gerhard Mayer a réalisé une enquête en ligne sur le thème de la paralysie du sommeil auprès de 380 personnes en Allemagne. Ainsi, la plupart des participants ont aperçu des silhouettes grises ou sombres pendant une paralysie du sommeil. « Ce n’est pas un contenu onirique typique du sommeil paradoxal », explique Gerhard Mayer. Mais si ces hallucinations ne sont pas des rêves qui atteignent la conscience, de quoi s’agit-il ?

L’agresseur tapi dans l’ombre serait… moi-même !

En 2014, Baland Jalal, de l’université Harvard, à Boston, et Vilayanur Ramachandran, de l’université de Californie à San Diego, ont supposé qu’un dysfonctionnement du cortex pariétal droit expliquerait ces ombres nocturnes, cette région cérébrale étant entre autres impliquée dans la perception de l’analyse de plusieurs sens. De sorte que l’hallucination résulterait d’un mauvais traitement multisensoriel et la forme humanoïde grise serait une sorte de projection de notre propre image corporelle.

En 2017, les chercheurs ont en outre émis l’hypothèse d’un lien avec les neurones dits « miroirs ». Logés dans le cortex prémoteur, ces derniers s’activent non seulement quand on réalise une action, mais également lorsqu’on regarde une autre personne l’effectuer. Ce qui aide d’autres régions cérébrales à « comprendre » les intentions d’autrui. Baland Jalal et Vilayanur Ramachandran pensent qu’une activité excessive du système des neurones miroirs contribuerait à la perception des ombres. Mais il est aujourd’hui impossible de le prouver rigoureusement.

Toujours est-il, comme annoncé plus haut, que tout le monde ne réagit pas par un stress intense, ni ne se sent menacé par ses hallucinations nocturnes… Au contraire, certaines personnes vivent cet état comme extrêmement agréable. Anna Heidbreder se souvient de l’une de ses patientes : « Elle souffre de narcolepsie [ndlr, un trouble du sommeil au cours duquel le sujet s’endort parfois soudainement n’importe où] et la thérapie a si bien fonctionné qu’elle n’est plus, en revanche, sujette aux paralysies du sommeil. Eh bien, elle en est très malheureuse… Car elle a toujours vécu ses paralysies comme agréables et inspirantes. »

Gerhard Mayer et Max Fuhrmann sont d’accord avec ce constat : en 2022, après analyse de leur grande enquête en ligne, ils ont obtenu des résultats similaires : plus les paralysies du sommeil sont fréquentes, plus les expériences sont diverses et variées et, souvent, mieux elles sont vécues. Dans ce cas, la personne concernée se focalise davantage sur ses propres perceptions et pensées, et moins sur l’environnement extérieur.

Comme un rêve éveillé

Michael Schredl, spécialiste des rêves à l’Institut central pour la santé mentale de Mannheim, en Allemagne, renchérit en ajoutant que les personnes plus sujettes aux rêves lucides [ndlr, quand on est capable de contrôler son rêve] sont aussi plus souvent touchées par des paralysies du sommeil. « Mais, par définition, le fait qu’une paralysie du sommeil se transforme en rêve lucide n’est pas du tout plausible, car la paralysie du sommeil est un état de veille et les rêves lucides ont presque toujours lieu pendant le sommeil paradoxal, explique Michael Schredl. Les expériences semblent comparables, mais la paralysie est plus proche du “rêve éveillé” que du rêve endormi. Voilà peut-être un nouveau terme pour désigner de telles expériences ?… »

Le fait qu’une paralysie du sommeil se transforme en rêve lucide n’est pas du tout plausible. […] Il s’agit davantage d’un “rêve éveillé” que d’un rêve endormi.

Mayer émet tout de même des réserves. Car « l’état d’éveil » pendant la paralysie du sommeil peut se transformer soudainement en sommeil paradoxal, comme cela se produit chez les patients narcoleptiques. Une transition qui parfois se fait en étant temporairement conscient qu’on est en train de rêver. Ce qui amorcerait le début d’un rêve lucide. Par ailleurs, les personnes qui apprécient leurs paralysies du sommeil ne glissent pas toujours vers un rêve lucide : certaines connaissent aussi des expériences extracorporelles, encore nommées « expériences de sortie hors du corps ». Aujourd’hui, ce phénomène est aussi considéré comme une hallucination.

Les « voyageurs » réguliers hors du corps voient souvent les choses différemment des personnes à qui cela n’arrive jamais, à l’instar de Timo Erdtmann qui, depuis son enfance, souffrait régulièrement de paralysies du sommeil qui l’effrayaient… Mais, à l’âge de 33 ans, il a entendu parler, pour la première fois, du phénomène de sortie hors de son corps : dès lors, il n’a plus eu peur de cet état. Mieux encore : cela lui a ouvert un nouveau monde, qu’il explore maintenant depuis de nombreuses années. « Des sensations corporelles et des bruits étranges annoncent chez moi un voyage dit “astral”. Lorsque je sors de mon corps, je me trouve généralement dans la pièce où je dors, mais parfois aussi dans des endroits inconnus – par exemple sur une île, sur une place fréquentée ou dans un bâtiment quelconque. Les murs ne sont pas des obstacles dans le monde astral, on vole simplement à travers. C’est incroyablement fascinant. »

Un contact avec les esprits

Au cours de ses excursions, il dit percevoir également des démons, des anges et d’autres êtres sombres et flous. Timo Erdtmann les appelle « pensées et énergies collectives » – un terme qu’on retrouve dans certaines cultures. Par exemple, « au Japon, la cause des paralysies du sommeil est attribuée soit au stress ou à la fatigue, soit aux esprits qui entrent en contact avec nous », explique Gerhard Mayer. D’ailleurs, il est frappant de constater à quel point la paralysie du sommeil est répandue, notamment au Japon. En 1987, une enquête menée auprès de 635 étudiants avait en effet révélé que 98 % d’entre eux connaissaient ce phénomène, appelé « kanashibari ». Et en 1999, selon une autre analyse, environ un tiers de la population japonaise avait déjà fait l’expérience d’une paralysie du sommeil – soit bien plus que dans le monde occidental. Selon Gerhard Mayer et Max Fuhrmann, il est donc fort probable que des facteurs culturels influent aussi sur la prévalence des paralysies du sommeil.

Un fait confirmé par Baland Jalal et son collègue, Devon Hinton, de l’école de médecine Harvard : lors d’une analyse interculturelle de la paralysie du sommeil, ils ont par exemple constaté que les Égyptiens la craignent beaucoup plus que les Danois. Mais le phénomène est aussi trois fois plus fréquent chez les premiers que chez les seconds…

Max Fuhrmann considère néanmoins la paralysie du sommeil comme un phénomène humain universel, qui existe indépendamment de l’époque ou de la culture. Que ce soit, d’ailleurs, la paralysie physique ou les hallucinations qui l’accompagnent. « Il est probable que le fondement de telles expériences se trouve dans la biologie de l’homme et qu’elles soient seulement “habillées” culturellement », explique Gerhard Mayer. En d’autres termes, une expérience neurobiologique identique serait interprétée très différemment selon les cultures et les croyances dominantes.

De (très) fréquentes interprétations religieuses

Toutefois, Gerhard Mayer estime qu’il ne faut pas non plus trop réduire le phénomène à la neurobiologie, car la façon de l’aborder dépend aussi de la personnalité de chacun. « Il y a des individus qui expérimentent cet état pendant des années et qui vivent des choses incroyables, comme des expériences de sortie hors du corps. » Ainsi, les personnes aventureuses et curieuses testent tous les possibles dans cet état de conscience, alors que les personnes anxieuses, qui aiment conserver le contrôle de ce qui leur arrive, ont en revanche tendance à paniquer.

Quoi qu’il en soit, pour Max Fuhrmann, il est remarquable de constater que de nombreuses personnes concernées par le phénomène préfèrent des interprétations religieuses, spirituelles ou surnaturelles, à l’explication médicale. « Souvent, les impressions ressenties semblent tout à fait réelles, et certains vont même jusqu’à justifier leurs croyances. » Et il est probable que l’intensité des expériences vécues empêche aussi beaucoup d’individus d’en parler. Car ils seraient alors traités de fous s’ils racontaient que des personnages étranges viennent hanter leur nuit… « Certains sont encore regardés de travers lorsqu’ils disent avoir vécu une paralysie du sommeil », explique Max Fuhrmann.

Or une meilleure acceptation sociale du phénomène est nécessaire pour que les personnes atteintes de paralysie du sommeil ne soient pas inutilement marginalisées. Et, en règle générale, la meilleure façon d’y parvenir est d’informer. Car le simple fait de connaître le phénomène et de savoir qu’il est inoffensif suffit souvent à apaiser la peur des personnes concernées. C’est exactement ce qui s’est passé pour moi : si ma première paralysie du sommeil m’a d’abord terrorisé, je vis désormais les nouvelles avec beaucoup plus d’ouverture d’esprit et de curiosité.

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