Il tait une fois Hollywood la revoyure dimanche soir sur France 2 !

Tarantino nous attend dimanche soir prochain (le 4 septembre) sur France 2, chaîne publique, à 21h10, avec son dernier long métrage en date, Il était une fois à… Hollywood (Once Upon a Time in… Hollywood, 2019, 160 mn).

Que raconte ce film-fleuve ? L’on suit, dans le Los Angeles de 1969, la trajectoire brinquebalante d’une (ancienne) star de la télévision, Rick Dalton (Leonardo DiCaprio), accompagnée du cascadeur nébuleux Cliff Booth (Brad Pitt, qui ne cesse de se bonifier avec le temps), sa doublure de longue date, qui a du mal à évoluer dans une industrie du cinéma, le système hollywoodien, qu’il ne reconnaît plus car indéniablement les codes ont changé. Bientôt, leur chemin, entre piscines, cocktails, tournages, pentes sinueuses et baraquement miteux isolé, va croiser la route de Sharon Tate, oscillant entre starlette et star en devenir, jeune actrice qui n’est autre alors que la compagne de Roman Polanski, cinéaste européen remarqué faisant à ce moment-là, et avant ses ennuis judiciaires, carrière aux États-Unis. Sur fond de multiples intrigues s’imbriquant les unes dans les autres, de péripéties diverses et de répliques désopilantes, ce neuvième film de QT peut être vu, au-delà du charme de ses pastilles graphiques jouant avec l’esprit et l’imagerie cultes d’une époque (1969, année érotique, et les années 70), comme un hommage aux derniers moments de l’âge d’or de Hollywood.

Alors oui, ce film signé Tarantino, cinéaste devenu star dès son premier film pétaradant Reservoir Dogs (1992), est foutrement bon, selon moi son meilleur à ce jour aux côtés de l’indétrônable Jackie Brown (1997, son plus profond et mélancolique) et du foldingue et cartoonesque Boulevard de la mort, estampillé film « Grindhouse » en 2007, avec toujours une B.O. d’exception et ô combien entraînante : Tarantino, cinéaste rock, est une sorte de roi de la playlist vintage branchée, capable de nous dénicher tant des standards qu’il remet au goût du jour, comme ici parmi tant d’autres titres Mrs. Robinson (1968) par Simon & Garfunkel, que des perles rares, oubliées et qui pourtant, dès la première écoute, nous reviennent comme des évidences. Et Quentin est un sacré filmeur, avec lui assurément on est entre de bonnes mains (bref, ici, c’est « Hollywood 1969… comme si on y était ! » : la reconstitution est tout bonnement remarquable, du 5 sur 5), il faut voir comment il filme bien les bagnoles, comme les caressant avec sa caméra virtuose en travellings latéraux, lors de certaines virées de ses personnages, sous une lumière chaude et mordorée (photographie splendide), à Los Angeles, dite la Cité des Anges. La « coolitude » nostalgique autour des seventies (on est en août 1969), avec un rythme assez indolent et des flottements bienvenus (combien il s’attarde sur le beau Brad Pitt réparant torse nu une antenne télé sur le toit d’une villa californienne !), rend l’ensemble très séduisant.

Le final, qui botte en touche l’affaire – et le fait divers sordide – Sharon Tate/Roman Polanski/Charles Manson, à cause d’une erreur d’aiguillage (les jeunes tueurs, hippies azimutés à Cielo Drive, perché dans les collines de Hollywood, se trompent en visitant la propriété d’à côté…), est un stratagème scénaristique efficace, et malin, pour éviter d’apparenter son film à un simple documentaire voyeuriste lambda servant une téloche avide d’images et d’audimat qui montrerait TOUT sans point de vue, ni regard – on est bien au cinéma, merci Quentin, « Il était une fois… » nous dit d’ailleurs le titre programmatique du film, avec un metteur en scène conteur optant pour une reconstruction du réel, tirant sa force de la frontière floue, et fascinante, entre réalité et fiction, entre vérité et imaginaire, entre vraie et fausse violence au cinéma.


L'actrice Margot Robbie incarnant Sharon Tate, assassinée par les membres de la secte de Charles Manson en 1969.

Et j’aime beaucoup la séquence western lorsque, sur un plateau de cinéma transformé en saloon, une petite actrice intelligente, indéniablement inspirée par Jodie Foster (l’une des enfants stars les plus connues du cinéma hollywoodien), donne une leçon de je(u) au bourrin et brut de décoffrage Leonardo DiCaprio, je parle bien sûr de son personnage de série B voire Z (Rick Dalton, imbibé de whisky du matin au soir, ancienne vedette de feuilletons télé, assisté tout au long du film par sa doublure cascade un peu louche, Cliff Booth, que l’on soupçonne d’avoir tué son ex-femme), ce Rick paumé – en gros, il en est resté au réac John Wayne, n’ayant pas pris le virage avec le Clint Eastwood taciturne des westerns spaghetti et le Nouvel Hollywood libertaire façon Easy Rider – finissant même par être touchant avec ses problèmes à dire son texte. Selon moi, c’est une séquence forte sur les mirages et les affres du métier de comédien, à montrer à tous les apprentis acteurs et actrices, rêvant ou non de la méthode Actors Studio, école d’art dramatique très en vogue à l’époque du film à New York ! D’ailleurs, dans ce film-gigogne (film dans le film, mise en abyme du cinéma parlant de lui-même, en se regardant dans le rétroviseur), Tarantino n’étant pas comme on le sait à un clin d’œil près, l’un des acteurs phares de la sacro-sainte méthode de Lee Strasberg s’y trouve, via un rôle secondaire, à savoir un certain Al Pacino (qui y incarne l’agent loquace de Dalton, à la logorrhée sans fin genre Tarantino, Marvin Shwarz).

Par contre, je n’aime pas tellement le passage qui ridiculise la star asiatique Bruce Lee (1940, San Francisco – 1973, Hong Kong), certes ça marche (la moquerie est un moteur scénaristique assez jouissif, captant rapidement l’attention). Mais c’est assez bête, limite raciste. Est-ce que Quentin Tarantino oserait s’en prendre dans l’un de ses films aussi frontalement à une grande figure noire (afro-américaine) de Hollywood ? Je ne le pense pas.

Dernier point, Tarantino, ces derniers temps, ne cesse de tirer à boulets rouges, via les médias ravis de reprendre ses soi-disant bons mots, sur… François Truffaut (1932-1984), le traitant, je cite, d’« amateur empoté ». Carrément ! Déjà dans son livre bien bavard (novélisation où il passait du film au roman éponyme en profitant au passage pour faire des développements sur ses propres personnages créés au sein de son long métrage, Il était une fois à Hollywood, sorti en août 2021 chez Fayard, d’habitude c’est le chemin inverse : bouquin puis adaptation au cinéma), Kwentine, je le prononce a l’américaine !, dézinguait sec Truffaut, le livre m’était tombé d’ailleurs des mains (toujours pas fini !), trop agacé ! Non pas qu’on ne puisse pas attaquer une figure importante du monde des arts (il n’y a aucun Dieu intouchable, l’art n’est pas religion), c’est de bonne guerre même puisque les détestations, accompagnées de la rivalité mimétique si chère au philosophe et anthropologue René Girard, y sont nombreuses. Mais c’est/c’était sans finesse, avec juste du gros ego à l’œuvre pour écraser l’autre (en l’occurrence un mort ne pouvant pas se défendre), en lui préférant son éternel rival, Jean-Luc Godard, glose acerbe qui impressionnera peut-être ses aficionados. En tout cas, pas moi ! Et peut-être pas vous non plus. Tout ce que dit Tarantino n’est pas parole d’Evangile, bon sang !

Certes, les films de Truffaut, pour un certain nombre (surtout ceux de la saga Antoine Doinel, je mets de côté Les Quatre Cents coups (1959) dont la gouaille éternelle du petit Léaud genre Gavroche et surtout son noir & blanc le rendent intemporel), ont sérieusement vieilli ; OK ils ont le charme de la patine du temps, montrant le Paris romantique d’autrefois, etc., mais, soyons francs, on y trouve également certaines maladresses formelles, des balourdises quelque peu surannées, qui donnent un côté téléfilm à l’objet-film par moments. Mais depuis quand l’art ne serait que technique ?

Et Truffaut, c’est aussi un attachant « Monsieur Cinéma », à la fois cinéaste et critique de cinéma ayant fait ses armes aux Cahiers du cinéma  : comme Tarantino, pour sa part fervent lecteur d’analyses filmiques depuis son adolescence et se voulant également critique, vouant notamment un culte à la fameuse critique de cinéma Pauline Kael du New Yorker (il dit souvent, et c’est beau à lire, que « ses articles ont été sa seule école de cinéma ») – n’y aurait-il donc pas, le concernant, une pointe de jalousie à l’égard du cinéaste français ? 

Puis Truffaut, héraut de la Nouvelle Vague, a tout de même, n’en déplaise à Tarantino, quelques pépites à son actif, comme dans sa filmographie inégale et avortée (il est mort prématurément, à 52 ans, succombant à un cancer du cerveau) : La Femme d’à côté (1981, son chef-d’œuvre) qui a le tranchant d’une lame pour évoquer la brutalité du réel, sa cruauté, et l’amour impossible, L’Argent de poche (1976), beau film sensible sur l’enfance, le cadre scolaire corseté et l’école buissonnière, La Chambre verte (1978), film fantôme admirable et bizarre (si personnel, le cinéaste y joue d’ailleurs le rôle principal, celui d’un nécrologue) sur le goût et la vie des morts, La Nuit américaine (1973), mise en abyme prenante (film contenant lui-même un film) rendant hommage au septième art et à ses vertiges, L’Histoire d’Adèle H. (1975), captant avant l’heure « la folie » chez Adjani, son côté jusqu’au-boutiste (d’où sa fusion plus tard avec Camille Claudel, à la fois forte et fragile comme Van Gogh), L’enfant sauvage (1970), sur l’éducation ainsi que sur l’animalité et le conflit nature/culture en l’homme, adulte comme enfant, et, last but not least, La Sirène du Mississipi (1969) avec cette définition clairvoyante admirable de l’amour, « T’aimer, c’est une joie et une souffrance », dixit Bébel, une fois n’est pas coutume loser et manipulé là-dedans (anti-héros), à l’impénétrable et glaciale Catherine Deneuve.

Donc, cher Quentin Tarantino, comme dirait Prévert je dis tu à tous ceux que j’aime, pour autant qui aime bien châtie bien – Joue-là toi modeste ! T’es bon. Mais pas tout seul dans ce registre-là : il y a d’autres auteurs, on pourrait dire des écrivains de cinéma comme toi, qui comptent et qui nous transportent, avec non seulement leurs opus filmiques mais aussi leur personnalité, leur sensibilité, leur capital sympathie, leurs écrits (cf. le remarquable Hitchcock/Truffaut) et leurs dires – « En France, disait Truffaut, tout le monde a deux métiers : le sien et critique de cinéma », bien vu !, ou encore son poétique « Les films avancent comme des trains dans la nuit. »

Pareil, Quentin, quand tu avais critiqué il y a quelque temps le scénario de l’admirable fresque cinématographique Il était une fois en Amérique (1984) de Sergio Leone, ne le trouvant pas si bon que ça (ah oui ? Lui préférant, si mes souvenirs sont bons, un film de genre moins connu et pourquoi pas d’ailleurs, se déroulant dans l’Amérique en pleine prohibition comme dans le film-testament de Leone, The Lady in Red (1979, Du rouge pour un truand) de Lewis Teague), tu m’avais bien fait rigoler ! Sans rancune, hein.

Alors, Tarantino, de mon côté, oui pour le réalisateur très talentueux à la cinéphile autodidacte vorace nous rendant complices de son jeu référentiel passionnant et de son indéniable amour du cinéma (sa culture cinématographique, allant des films d’arts martiaux aux westerns spaghetti en passant par la blaxploitation, est immense), mais non, ou en tout cas je suis nettement moins preneur à ce niveau-là, pour le critique de cinéma, trop égotiste, au melon démesuré et un tantinet donneur de leçons !


L'acteur Leonardo DiCaprio et le cinéaste Quentin Tarantino sur le tournage de « Il était une fois à Hollywood », 2019.

Il était une fois… à Hollywood, film de Quentin Tarantino (USA, 2019), avec Leonardo DiCaprio (Rick Dalton), Brad Pitt (Cliff Booth) et Margot Robbie (Sharon Tate). Diffusé dimanche 4 septembre 2022 à 21h10 sur France 2.

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