Back to basics : les Edmonton Grads, stars au Canada avant Céline Dion

Pour comprendre ce qu’on vit aujourd’hui, il est important de connaître ce qu’il s’est passé hier. C’est ainsi qu’à travers le portrait de différentes équipes ayant brillé bien avant que la NBA ne soit une ligue toute puissante, TrashTalk vous propose de vous replonger dans une partie de l’histoire du basketball aux Etats-Unis, bien loin des tirs du parking et autres Top 10 qui rythment notre quotidien. Aujourd’hui on passe la frontière avec le Canada pour suivre les exploits de l’Edmonton Commercial Graduates Basketball Club et de ses filles surnommées les Edmonton Grads.

Tout commence au Canada, à Edmonton. Au sein de la McDougall Commercial High School, il faut choisir entre Percy Page – professeur du lycée – et son assistant pour coacher les filles au basketball. La légende raconte qu’un pile ou face acte la décision, même s’il semble en réalité que le statut marital bien établi de Percy – installé avec sa femme depuis peu dans la province d’Alberta – fasse pencher la balance en sa faveur pour diriger l’équipe féminine.

McDougall high school, prequel des Edmonton Grads

L’aventure commence pour celui qui ne connaît pas grand-chose au basketball. Convaincu qu’en taffant son sujet et en appliquant bon sens et discipline, il peut s’en sortir. Ce qu’il fait, puisque dès leur première saison en 1914, les filles du lycée de McDougall – les Commercial Girls – s’adjugent la ligue du secondaire de la ville.

Si elles perdent leur trophée l’année suivante, elles reprennent vite leur marche en avant. On bascule ensuite tranquillement vers de plus grands espaces : province, pays jusqu’à la terre entière. Mais avant cela, de nombreuses étapes jalonnent ce parcours glorieux.

Création des Edmonton Grads

La popularité croissante du basket fait que la ville d’Edmonton dispose désormais de deux ligues pour les jeunes lycéennes : junior et senior. Les Commercials – qui ne sont pas encore les Grads – profitent de cela pour poser les bases de leur système en engageant une formation dans chaque compétition – qu’elles remportent.

Mais certaines jeunes femmes quittent le lycée – une fois diplômées ou ayant trouvé du travail – et donc l’équipe. Leur amour du basket et leur envie de continuer de tâter de la balle orange restent présents, si bien qu’elles montent la Commercial Athletic Society, dont les membres sont vite surnommés Commercial Graduates puis les Grads.

Une usine à basket

Percy Page est de la partie pour diriger tout ce petit monde, accompagné de sa femme, Maude. Elle joue le rôle de chaperon auprès des demoiselles, leur rappelant le bon comportement dans une société très marquée par les rôles de chacun. Elles sont d’abord des femmes, des basketteuses ensuite. Petit à petit, ce qui n’était qu’un rassemblement pour permettre à des jeunes filles de pratiquer le sport qu’elles aiment devient une véritable usine à basket au gré des apports de la communauté d’Edmonton.

Au sommet de la gloire des Grads, quatre formations alimentent l’équipe fanion. Celle junior du lycée de McDougall, ainsi que celle senior. Les Cubs, qui regroupe des filles encore au lycée ou tout juste diplômées. Enfin, les Gradettes servent d’équipe réserve. Si cette organisation laisse penser que le chemin est tout tracé pour les filles qui intègrent les juniors de McDougall, ce n’est pas le cas. Il faut avoir l’envie, le niveau sur le terrain mais aussi le bon comportement en dehors. Le couple Page y veillent scrupuleusement.

Mais néanmoins une famille

Si Percy et sa femme se montrent exigeants envers “leurs filles”, ils font également des Grads une famille, où l’esprit de camaraderie et le respect sont des composantes essentielles. Tout comme la confiance et la loyauté. Si la discipline rythme les entraînements et les rencontres, aucune règle n’est écrite, le bon sens faisant foi.

En outre, quand certaines équipes tentent de mettre en avant la féminité de leurs joueuses sur les parquets, cela n’a jamais été le cas chez les Grads. Il est attendu qu’elles prennent soin d’elles – comme toutes les jeunes filles de l’époque – en dehors des terrains, mais seul le sport compte une fois sur le cours.

Le style Edmonton Grads

Et de ce côté-là, elles se montrent intraitables. Leur jeu ne repose pas sur des systèmes ou des actions compliquées, mais sur la maîtrise des fondamentaux. En répétant des gammes, tout devient facile et naturel. Les filles jouent alors plus vite et sont plus adroites. Tout est simple, mais exécuté à la perfection pour mettre en position idéale la joueuse qui va prendre le tir.

Le taf fourni par Page lors des deux entraînements hebdomadaires porte ses fruits. Le gymnase dont elles disposent n’étant pas très grand, les Grads développent un jeu fait de passes courtes. Ce gymnase, elles le quittent lors de la préparation des tournées hors des frontières, pour s’habituer à des terrains plus grands lors d’opposition avec les Boys Grads, disputées comme s’il s’agissait de vraies rencontres.

Ces garçons offrent aux filles des entraînements plus durs lors desquels elles luttent. Apprennent à maîtriser les règles du basketball masculin – à l’époque de nombreuses différences existent entre les deux genres, comme le nombre de joueurs sur le parquet. Développent une défense individuelle peu en vogue. Et prennent de la confiance en s’habituant à un jeu physique avant d’affronter des Américaines plus grandes et plus solides.

La vie après le lycée

Bien avant que toute cette structure ne puisse prendre forme, aucune compétition n’est en vue pour les jeunes filles venant de créer leur club. L’organisation du basketball reste limitée, encore plus pour les femmes, en dehors de ce qui peut être proposé dans le cadre scolaire. Mais dès qu’une opportunité pointe le bout de son nez, les Grads sont toujours de la partie. Mieux, elles enchaînent les succès.

Du côté d’Edmonton, tout le monde suit fièrement ces filles, si bien qu’à domicile, c’est quasiment un dixième de la population locale qui garnit les gradins pour leurs matchs. Cette popularité vient bien entendu des succès mais aussi de la vision du sport chez les filles à l’époque : les Grads restent souriantes et féminines, symboles de la femme moderne durant  l’entre-deux guerre, ce qui leur vaut de nombreuses louanges, dont celles de James Naismith.

Le style collectif où personne ne cherche à briller au détriment des autres s’établit immédiatement alors que les Grads repoussent lentement mais sûrement les frontières de leur empire. Edmonton, la province d’Alberta, l’Ouest du pays puis le Canada dans sa globalité en 1922 en battant les London Shamrocks, championnes de l’Ontario.

Repousser les frontières

En confirmant l’année suivante lors de la réception de ces mêmes Shamrocks à Edmonton, les Grads visent plus haut. Ou plus loin, en lorgnant chez le voisin américain pour de nouveaux challenges. Une série de deux matchs est programmée face aux Cleveland Favorite Knits qui brillent chez l’Oncle Sam. Les Américaines se pointent à Edmonton avec un short portant l’inscription World Champion et prennent un retour de karma : les Grads s’imposent.

Ce succès sportif – mais également populaire et financier – entraîne d’autres séries avec des équipes nord-américaines, toujours remportées par les Grads. La popularité ne cesse de croître et avec l’argent qui rentre, les filles d’Edmonton visent l’Europe pour mettre un coup de tampon sur le titre de championnes du monde. Car oui, on sait que de l’autre côté de l’Atlantique, on a vite tendance à oublier le Vieux Continent et à s’estimer les boss du game dès qu’on a ruiné la concurrence continentale, mais le panier-ballon se pratique aussi en Europe.

Alice Milliat promotrice du sport féminin et des Grads en Europe

C’est en France que le basket féminin – à l’image du sport pour les femmes de façon générale – tente de s’organiser et de sortir du patriarcat par l’intermédiaire d’Alice Milliat. Elle pousse pour être prise en considération par le CIO qui juge les épreuves sportives au féminin “inintéressantes, inesthétiques et incorrectes”. Les femmes expriment donc leur talent sportif dans des compétitions parallèles, hors du cadre olympique. Conscient de la situation et des travaux effectués par Milliat, Page se tourne vers elle pour permettre aux Grads de se mesurer à des Européennes.

Après avoir obtenu l’aval de l’AAU – organe officiel du sport chez elles – qui les couronnent reines du basket de leur pays, elles représentent les couleurs du Canada lors d’un tournoi à Paris, en marge des Jeux de 1924. Petit bémol : les Grads doivent se débrouiller pour payer les frais d’un tel voyage. Comme toujours, ce sont les recettes de matchs ainsi que des dons qui permettent de réunir une telle somme. Les voilà donc parties “en vacances” – elles sont amateures et travaillent à côté de leur vie sportive – en Europe pour plusieurs semaines, où elles vont visiter plusieurs pays et se frotter à la crème de la balle orange locale.

Sans véritable concurrence, la seule difficulté rencontrée repose sur la chaleur lors de matchs disputés souvent en extérieur sur des terrains loin des standards qu’elles connaissent au Canada. Elles remportent tous leurs matchs. Puis rentrent au pays avec le titre de championnes du Monde officialisé. Un triomphe fêté comme il se doit par Edmonton, nouvelle preuve de l’amour pour ses filles, ambassadrices de classe.

Les Jeux Olympiques, un rêve inachevé

Le voyage suivant sur le Vieux Continent se déroule en 1928. Les Grads écrasent de nouveau la concurrence, aucune équipe ne parvenant à leur inscrire plus de 20 pions alors que de leur côté, les Canadiennes atteignent régulièrement les 80 unités. Elles restent les patronnes.

En prévision des Jeux Olympiques de 1932 à Los Angeles, elles font l’impasse sur le championnat du monde de 1930 et préfèrent économiser, la dépression ne pousse pas aux dépenses excessives. Jeux où le basketball est toujours absent, pour les hommes comme pour les femmes, au grand dam des journalistes sportifs canadiens bien conscients que la médaille d’or n’a que peu de risque d’échapper aux Grads. C’est donc en simples spectatrices qu’elles se rendent à la Cité des Anges, en espérant que 1936 et Berlin leur permettront de réaliser leur rêve olympique.

Dans le contexte particulier de l’Allemagne nazie, le basket devient sport officiel des Jeux. Enfin, seulement chez les hommes. Les femmes attendront encore 40 piges avant d’être considérées pour cette discipline en 1976 au… Canada. Pourtant, les Grads font bel et bien partie de la délégation olympique canadienne de 1936. Une maigre consolation pour celles qui se contentent encore des rencontres organisées par Alice Milliat dans toute l’Europe. Comme à leur habitude, les Grads détruisent la concurrence. 9 matchs, autant de raclées infligées.

Ce voyage européen est le dernier pour les Commercial Graduates. Ni le championnat du monde féminin de 1938, ni les Jeux olympiques de 1940 ne se déroulent à cause de la guerre. Et l’aventure des Grads touche également à sa fin sur un bilan immaculé en Europe : 24 rencontres, 24 victoires.

La fin de l’histoire

En effet, le 5 juin 1940, les Grads jouent leur dernier match devant 6000 personnes à Edmonton. La salle est désormais réquisitionnée pour l’effort de guerre. En parallèle, un constat s’impose en dehors de ce final réussi :  l’affluence décline depuis quelques temps. La supériorité des filles d’Edmonton ne laisse pas de place à l’incertitude du résultat et les matchs manquent d’intérêt.

Il faut dire que contrairement à certaines équipes qui lèvent le pied pour ne pas humilier les adversaires, les Grads jouent toujours à fond. Par respect pour le jeu. Elles évoluent pour le sport en lui-même, pas pour faire grimper l’attrait du public et ainsi les recettes. Surtout que l’argent – même s’il est nécessaire pour permettre les tournées et les réservations de salle à domicile – n’est pas l’objectif du goupe.

Enfin, Percy Page, la pierre angulaire du projet, embrasse une carrière politique ne laissant plus suffisamment de place pour gérer l’organisation Grads. Celui qui a posé les bases de cette glorieuse institution, insistant sur le travail d’équipe et la répétition des fondamentaux ne peut plus être de la partie. L’homme fédérateur, qui a tiré le meilleur de ses joueuses, décide de mettre un terme à cette aventure, et toute l’organisation suit le même chemin.

En moins de trois décennies, les Edmonton Grads ont forgé leur légende – trop souvent oubliée – en remportant 502 victoires en 522 matchs (en réalité, on est plutôt sur du 412 matchs pour 392 victoires, d’après M. Ann Hall dans “The Grads are playing tonight !”). Un ratio dépassant donc les 95% de succès, sans aucune série perdue lors des confrontations pour les titres de championnes du Canada en 1922 et 1940. De quoi justifier les propos de James Naismith, parlant d’elles comme la meilleure équipe ayant foulé un parquet.

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